BERLIN CORRESPONDANTE
C’est une nouveauté dans le paysage politique allemand. Pour la première fois, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et les Verts vont former un gouvernement à l’échelon régional dans la ville-Etat d’Hambourg. Lors des élections du 24 février, la CDU avait obtenu 42,6 % des voix et les Verts 9,6 %. Jeudi 17 avril, après cinq semaines de négociations, les deux partis ont signé un contrat de coalition.
Les Verts récupèrent les trois portefeuilles de l’éducation, de l’environnement et de la justice, les autres ministères revenant à la CDU. Le texte doit encore être approuvé par les deux partis les 27 et 28 avril prochain. Pour parvenir à un accord, les Verts ont renoncé à réclamer l’arrêt des travaux de creusement du lit de l’Elbe, un projet qui vise à faciliter la circulation de porte-conteneurs vers le port d’Hambourg. De son côté, la CDU est prête à remettre en question la construction d’une centrale de charbon et offre d’importantes concessions en matière d’éducation.
A Berlin, ce nouveau modèle suscite des réactions contradictoires. Les uns veulent y voir un signe d’ouverture dans la perspective des élections législatives de 2009 et appellent à l’ouverture à de nouvelles options de pouvoir. Les autres refusent de considérer l’expérience d’Hambourg comme un test national. « Beaucoup n’osent pas le dire mais c’est un signal au niveau fédéral », affirme Oskar Niedermayer, politologue à l’université libre de Berlin.
A droite, Philipp Missfelder, président de l’organisation des jeunes chrétiens-démocrates (JU), souhaite que son parti « se rapproche des Verts (...) et développe des contacts personnels ». Chez les Verts, Jürgen Trittin, candidat désigné pour les prochaines élections législatives et ancien ministre de l’environnement dans le gouvernement SPD-Verts de l’ex-chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, n’exclut pas une coalition avec la CDU au niveau fédéral. « Pourquoi ne devrais-je pas faire de coalition avec Mme Merkel (si elle) introduit un salaire minimum et supprime les centrales nucléaires ? », a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision ZDF.
Dans les deux formations, la plupart des dirigeants restent à ce stade plus prudents et se gardent bien de présenter l’accord d’Hambourg comme un modèle pour un futur gouvernement fédéral. Un rapprochement se heurterait à des oppositions radicales sur beaucoup de sujets importants, tels que l’énergie nucléaire, la politique économique ou la sécurité.
Pourtant, la percée du parti Die Linke (gauche radicale) dans le paysage politique allemand depuis les élections législatives de 2005 oblige tous les partis à repenser leur stratégie pour 2009. Si les chrétiens-démocrates continuent de plaider en faveur d’une coalition avec les libéraux (FDP), les dernières élections, tant fédérale que régionales, n’ont pas permis de dégager les majorités nécessaires. Dans ces conditions, une ouverture à l’égard des Verts n’est pas pour déplaire à certains chrétiens-démocrates, et surtout pas à la chancelière, Angela Merkel, qui tente de positionner la CDU comme un grand parti du centre pour mieux conquérir l’électorat des grandes villes. « Les lignes de frontière entre les Verts et la CDU sont moins profondes qu’autrefois », reconnaît Wolfgang Bosbach, vice-président du groupe parlementaire CDU au Bundestag. Quant aux Verts, même s’ils ont pris un virage à gauche ces derniers mois, ils savent se montrer pragmatiques quand il s’agit de gouverner. « Il est certain que nous n’allons pas nous positionner sur une coalition SPD-Verts car elle ne pourra pas dégager de majorité », estime une députée des Verts.
Le prochain test sera la formation d’un gouvernement en Hesse, bloquée, faute de majorité, depuis les élections régionales du 27 janvier. Le ministre-président chrétien-démocrate Roland Koch, reconduit dans ses fonctions le 5 avril en attendant qu’une solution soit trouvée, plaide en faveur d’une coalition dite de la Jamaïque qui réunirait la CDU, les Verts et le FDP.