PÉKIN CORRESPONDANT
Passée la tourmente du passage du relais olympique à Paris, lundi 7 avril, les milieux d’affaires et diplomatiques français à Pékin s’inquiètent des répercussions sur les relations franco-chinoises.
« Il y a un contraste entre la mobilisation en France et l’image qu’en a la population chinoise », assure le responsable d’une société française qui a obtenu des contrats lors de la visite du président Sarkozy en novembre 2007. « On a l’impression, quand on voit les réactions officielles, ajoute-t-il, que c’est le profil bas qui l’emporte. Mais on est un peu inquiet, un de nos contrats devra être signé bientôt, mais rien ne permet de dire qu’il a été remis en question. »
Les médias chinois ont montré une version très édulcorée des manifestations et s’en sont tenus à des condamnations des « séparatistes tibétains » qui ont perturbé le parcours de la flamme et à des critiques contre l’incompétence des forces de l’ordre.
« On peut se dire que le capital de sympathie dont bénéficie la France lui a permis de ne pas être trop mise en accusation. On passe réellement comme une nation amie, l’illumination aux couleurs de la chine de la tour Eiffel à Paris lors des années croisées (en 2004) a beaucoup impressionné les Chinois. Mais aujourd’hui qu’on a vu un frémissement de nationalisme, on est appelé à se demander si l’image de la France, qui était un atout, doit bien être mise en avant quand on fait une campagne », constate Antoine Bourdeix, responsable pour la Chine de Publicis Consultants à Pékin.
Encore discret, le refroidissement diplomatique commence à faire débat dans les milieux diplomatiques où l’on craint que la France soit tout à coup perçue comme le « front du refus », devant l’Allemagne et l’Angleterre : « Ce n’est pas l’affaire des Mirage à Taïwan (en 1992), on n’est pas sur un schéma de geste inamical clairement identifié. Mais il y a des dégâts, à mettre essentiellement sur le compte du psychologique. Il y a une perte de confiance au top niveau. Ça ne se traduit pas par des choses sensibles, il n’y a pas d’annulation de contrats, mais le climat n’est plus le même. S’il pouvait y avoir une illusion que Sarkozy était, pour les Chinois, dans la continuité de Chirac, c’est probablement terminé », déclare une source diplomatique.
Ces derniers jours, les Chinois auraient été déconcertés par ce qu’ils auraient perçu comme « un double langage » de la part des Français, une « incohérence » ou une certaine « cacophonie ». En réalité, la crise tibétaine a rendu les Chinois très nerveux.
Depuis la mi-mars, l’ambassadeur de France a été convoqué trois fois par le ministère des affaires étrangères chinois - en compagnie du représentant de la délégation européenne à Pékin et de l’ambassadeur slovène, dont le pays préside l’Union européenne. Une première fois pour expliquer la position chinoise sur le Tibet, une seconde pour exprimer les inquiétudes de la Chine par rapport aux attaques dont font l’objet ses représentations diplomatiques en Europe, et une troisième suite à un incident à l’ambassade de Chine à Bruxelles. Cette fois, l’ambassadeur de France ne s’y rendra pas, l’affaire concernant avant tout son homologue belge.
Ces convocations, qui mettent à l’épreuve la patience des diplomates occidentaux, ont eu lieu avant l’annonce d’un possible boycottage par le président français de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques.
Depuis, le ton est devenu plus critique dans les médias. Le portail Internet Sohu, le deuxième le plus consulté de Chine, monte l’affaire en épingle, provoquant de nombreux commentaires antifrançais. Certains internautes rappellent que la Chine a accordé des milliards de dollars de contrats à la France lors de la visite de M. Sarkozy, et qu’il serait temps de les annuler.
On pouvait constater, mardi 8 avril, que le même site publiait un article annonçant la venue de Nicolas Sarkozy aux JO... Dans le même esprit était retiré du site un entretien, ancien, de l’attaché de l’ambassade de France pour les Jeux.
La Chine semble, désormais, faire le gros dos, évitant toute attaque frontale. Selon l’AFP, citant le consultant André Chieng, vice-président du Comité France-Chine, les incidents de Paris n’ont eu « aucun impact » sur les entretiens qu’a eus l’ancien chef de l’Etat français, Valéry Giscard d’Estaing, avec des responsables chinois ces derniers jours à Pékin.
M. Giscard d’Estaing préside, à Shanghaï, le 14e colloque économique franco-chinois. Les interlocuteurs de l’ancien président n’ont, selon des témoins, pas cité une seule fois le nom de M. Sarkozy - pour être plus diserts sur la qualité des relations ayant existé entre la France et la Chine sous la présidence de Jacques Chirac. Ce dernier est d’ailleurs attendu à Shanghaï le 25 avril, pour une conférence sur le développement durable.