Dire que le FSM se trouve à une croisée des chemins est certes correct, mais en même temps cela ne signifie pas grand chose. Pour Walden Bello, cela peut vouloir dire que le chemin s’arrête, qu’il faut en terminer avec le processus du forum. Pour Chico Whitaker, cela peut vouloir dire que différentes directions restent possibles et qu’il faudra choisir. Pour d’autres, comme Gus Massiah, cela veut dire avant tout que le débat est urgent, qu’il faut réfléchir sur la stratégie à suivre, qu’un nouveau cycle de FSM peut ou doit commencer.
Cet article veut être une contribution au débat qui devra nécessairement être organisé bientôt. Je regarderai d’abord le besoin d’une nouvelle analyse de la situation politique dans le monde. Je continuerai avec les acquis du mouvement alter et quelques questions sur son avenir. Enfin, je me permettrai de formuler quelques propositions. Elles doivent être interprétées dans le contexte de quelqu’un qui croit en l’espace ouvert du FSM et qui souhaite qu’il ait un avenir.
Le monde politique n’est pas pareil à celui de 2001
Comme il est suggéré dans le texte préparatoire du groupe ‘stratégie’ du Conseil international, la situation politique d’aujourd’hui n’est plus pareille à celle d’il y a sept ans. Certes, il y a des raisons de penser que le néolibéralisme est en crise, mais en même temps le projet se poursuit avec des conséquences toujours plus négatives.
Si, dans les années ’80 le ‘Consensus de Washington’ s’annonçait comme un projet économique sur un arrière-fond politique, on constate aujourd’hui que la phase de « reconstruction » politique est en train d’être mise en œuvre. En effet, le projet néolibéral a commencé par une mise à plat des institutions publiques et une refonte des politiques macro-économiques selon un modèle unique. Après, la phase « sociale » s’est mise en place avec des politiques de « réduction de la pauvreté » et le démantèlement progressif ou brutal des protections sociales traditionnelles. Ces politiques « sociales » sont parfaitement compatibles avec les politiques macro-économiques néolibérales et ne concernent pas les inégalités de revenu croissantes. La troisième phase, celle de la « reconstruction », constitue un « retour de l’Etat », non pas un Etat néo-keynésien mais un Etat fort en matière des politiques du « Consensus de Washington » et subordonné à la « gouvernance » consensuelle pour toutes les autres politiques. Si crise il y a, elle tient, entre autres, aux délais qui ont été nécessaires pour imposer ces politiques et auxquels plusieurs Etats néocoloniaux n’ont pas su résister. Face au manque de progrès économique, à l’ampleur de la pauvreté et au manque de ressources pour y faire face, ces Etats sont devenus « fragiles », puis « faillis » et des conflits ont éclaté. La phase de « reconstruction » correspond alors à ce que Naomi Klein appelle la « doctrine du choc ». Il est vrai qu’il est plus facile d’introduire des réformes lorsque la situation est chaotique et que toutes les institutions se sont effondrées. Dans le scénario prévu, cette phase doit déboucher sur une pacification et de nouveaux Etats néolibéraux où les sociétés transnationales peuvent investir et désinvestir en fonction de leurs besoins et de leurs intérêts. Seule une crise financière créée aux Etats-Unis pourrait troubler ce processus vers le marché global.
Au niveau géopolitique aussi, la situation a changé. La fin de la guerre froide n’a pas apporté la paix promise. Les membres permanents du Conseil de Sécurité refusent de respecter la Charte des Nations Unies. Les entreprises multinationales violent les droits humains les plus élémentaires. La course à l’armement, le changement climatique et la prolifération nucléaire menacent la survie de l’humanité. L’attaque terroriste du 11 septembre 2001 a été l’argument pour commencer une guerre en Afghanistan et une autre en Iraq. La guerre permanente contre le terrorisme est parfaitement compatible avec « l’assistance » aux Etats « fragiles » et « faillis » et permet aux Etats-Unis de faire disparaître les frontières entre développement et sécurité. Ou s’agit-il tout simplement de convertir les politiques de développement en des politiques de sécurité ? Ici, l’élément qui peut gâcher le bon déroulement des projets impérialistes est l’attitude des économies dites « émergentes ». La Chine est de plus en plus présente en Afrique, le Brésil et l’Inde empêchent que soit conclu l’Agenda commercial de Doha, les pays les plus pauvres d’Afrique refusent les accords de partenariat économique qui leur sont « offerts » par l’Union européenne. Les grandes puissances ne sont plus omnipuissantes et devront de plus en plus tenir compte de la volonté – et du refus - du tiers-monde. Les coopérations Sud-Sud se multiplient à tel point que certains rêvent d’un retour de l’esprit de Bandung.
Enfin, troisième élément qui a changé la situation est le succès du mouvement altermondialiste. Comme les Etats du tiers-monde, les populations résistent et s’organisent pour revendiquer leur dignité, un respect des droits de l’homme et de la diversité culturelle, un respect des écosystèmes, des conditions de vie convenables, des services publics. Le mouvement altermondialiste a sûrement réussi à délégitimer le projet néolibéral. En Amérique latine, il a contribué à l’élection démocratique de régimes progressistes voire révolutionnaires.
Pour résumer, force est de constater que le projet néolibéral continue de s’imposer sous la direction des organisations de Bretton Woods et de l’OMC, des grandes puissances du Nord et de leurs sociétés transnationales. La résistance des pays et des populations du tiers-monde s’accroît et la superpuissance des Etats-Unis et de l’Union européenne est menacée par l’émergence des nouvelles puissances régionales et par le début d’une crise financière.
Les acquis du mouvement alter et quelques questions sur son avenir
Le mouvement altermondialiste, dans toutes ses composantes mondiales, régionales, nationales, locales, peut être fier de ses résultats. Mais il lui faudra réfléchir sur son avenir. La phase de résistance doit être suivie par une concrétisation de « l’autre monde est possible ». S’il est exclu, comme il doit l’être, que le FSM adopte un programme unique, il lui faudra à mon avis politiser son discours pour rendre compte de ses succès, de ses nouvelles analyses et de ses revendications ultérieures. La Charte de principe existante le permet. Il lui faudra aussi créer l’espace pour permettre à ses composantes régionales de mieux s’affirmer en fonction de leur situation spécifique. Enfin, il lui faudra créer des possibilités pour permettre à ses composantes politiques de marquer leurs différences, de promouvoir le débat politique et ainsi de favoriser la démocratie.
L’avenir du FSM, appréhendé en tant qu’événement et en tant que processus, doit aller au-delà de ce qu’il fut jusqu’à présent. Cette expérience unique a permis l’émergence d’un mouvement de mouvements dynamique et pluraliste, le résultat d’une analyse politique qui permettait de penser qu’il suffisait de résister au capitalisme néolibéral pour introduire de nouvelles politiques réformistes, anti- ou postcapitalistes. Il a été créé par des gens qui dans leur majorité croyaient en la force de la société civile et en les possibilités de nouvelles formes de faire de la politique. D’emblée, une distance fut créée entre lui et le monde politique partisan. Il a permis que des mouvements du monde entier se connaissent et créent des réseaux et des réseaux de réseaux. Dix ans après la fin de la guerre froide, de nouvelles perspectives s’ouvraient à la gauche qui a sans doute pensé que sa réorganisation allait être plus facile. « Un autre monde est possible » est un slogan génial. Il rompt avec la pensée unique de « TINA » (« There is no alternative ») et il réaffirme le pouvoir des sociétés humaines de s’autodéterminer.
Quels sont les changements nécessaires pour le processus des FSM ?
D’abord, le besoin de politiser le discours découle logiquement du besoin de nouvelles
analyses qui devront être faites de la situation dans le monde. Le néolibéralisme est délégitimé mais il persiste et il ne sera pas abandonné tant que les peuples ne disent pas ou ne peuvent pas dire « non » à son progrès. Les multiples conflits qui ont éclaté ces dernières années sont des preuves d’une lutte pour les ressources naturelles – sources de revenus – comme du blocage des systèmes politiques. Le développement économique et social et la démocratisation des sociétés, y compris la redistribution des richesses et des revenus, sont la réponse évidente à de tels problèmes. Mais les réformes nécessaires ne seront pas le résultat d’un processus spontané. Les analyses laisseront voir des différences d’une région et d’un pays à l’autre, mais il me semble qu’un parti pris plus politique ne peut que favoriser les processus de changement nécessaires. Ceci dit, la Charte de principe ne condamne pas le FSM à la neutralité totale et il lui est tout à fait possible de se prononcer pour une mondialisation plus solidaire, la justice sociale et le respect des droits humains. La Charte de principes n’a pas à être modifiée à cet effet.
Mais à la lumière de ce qui précède, les analyses devront être affinées et le débat doit être clarifié. Actuellement, le débat sur le développement durable, sur la lutte contre le terrorisme ou sur la réduction de la pauvreté montre que les thèmes qui préoccupent la gauche et la droite sont parallèles. Il ne doit pas nous surprendre que ces sujets consensuels sont présentés par les forces néolibérales et risquent de brouiller les frontières idéologiques. Car si, comme on nous le répète, la pauvreté n’est pas un thème de la gauche ou de la droite, la façon dont on la combat fait toute la différence. Trop d’ONG ont rejoint les actions de la Banque mondiale et, à mon avis, si notre mouvement veut développer une identité spécifique, il faut éviter les scènes désolantes comme celles de Gleneagles où la Banque mondiale, certaines ONG et Bono se trouvaient la main dans la main pour revendiquer « Make poverty History ». Idem pour le développement durable ou pour la lutte contre le terrorisme qui sont également des thèmes consensuels mais qui impliquent des approches politiques totalement différentes. Pour échapper à ce que Chantal Mouffe appelle la « post-politique » il faut donc briser ces consensus pour permettre que des projets très différents se manifestent et que le débat politique autour de ces conflits puisse être mené. La politisation du discours et des revendications implique donc un travail de clarification pour éviter que le brouillage idéologique masque la dimension de classe ou le post-colonialisme des différentes problématiques.
Ensuite, si certaines situations nationales ou régionales pourraient être favorisées par des discours plus politiques en mettant en avant des alternatives crédibles, dans d’autres cas la politique réelle de certains pays va au-delà des attitudes prudentes du FSM. Il s’agit bien entendu de plusieurs pays latino-américains tels le Venezuela, la Bolivie ou l’Equateur. Il serait absurde de demander aux mouvements de ces pays de rester en-deçà de leur contexte politique national. Surtout, ces situations doivent être consolidées et un appui des mouvements alter pourrait être utile. Des déclarations et/ou des actions non pas au nom du FSM mais émanant de mouvements faisant partie du FSM doivent être possibles, aussi avec ou en faveur des gouvernements progressistes.
Que le FSM veuille éviter des débats idéologiques fastidieux est compréhensible. Il est plus difficile d’éviter à tout prix des prises de positions en son sein ainsi que les débats politiques. On comprend que son Conseil international ne soit pas représentatif, mais il faudrait chercher des solutions pour éviter que sa pertinence se perde. Comme le FSM lui-même perd de sa pertinence du moment que les grands réseaux ont été mis en place et que les mouvements n’ont plus besoin du Forum pour se connaître et se rencontrer. Si le FSM veut être, au-delà de l’espace ouvert où se rencontrent les mouvements, un espace politique à l’échelle globale où les mouvements progressistes peuvent se concerter, alors des débats politiques doivent être possibles. Les mouvements participant au FSM sont loin d’être homogènes, mais malgré leurs différences, l’unité du mouvement doit être préservée.
Quelques suggestions
Ces réflexions m’incitent à formuler quelques suggestions, quelques premières idées sur la façon de progresser et d’essayer de revitaliser la formule du forum social mondial. On sait combien il est difficile de modifier les situations précaires et délicates, combien il est difficile, voire impossible de trouver des accords avec la multitude de mouvements qui font partie du CI et du FSM. Néanmoins, je me permets d’énoncer quelques idées qui pourront inspirer ceux qui peuvent décider. Il s’agit d’idées qui peuvent être améliorées et adaptées aux besoins et aux possibilités.
a) Ne tombons pas dans le piège du choix entre approfondissement et élargissement. Les deux sont absolument nécessaires à la survie du processus. Si nous voulons être un mouvement global, un acteur à l’échelle mondiale, nous avons besoin de partenaires en Chine, en Europe de l’Est et au Moyen Orient. Si nous voulons jouer un rôle, il nous faut des messages politiques et alternatifs. Ce travail difficile requiert beaucoup de patience.
b) Dans ce contexte, vu l’ampleur du travail à faire, un FSM tous les 2 ou 3 ans serait parfaitement possible. Entre ces échéances, des forums mouvements régionaux, locaux ou thématiques pourraient être organisés. Ainsi, la préparation du FSM pourrait être mieux garantie et l’ancrage dans la réalité des luttes sociales locales serait plus facile à réaliser.
c) Il est particulièrement dommage que certains mouvements qui, à première vue, ne se situent pas à gauche participent au forum social mondial, tandis que des mouvements de la gauche, fut-elle plus radicale et révolutionnaire, expriment un besoin d’organiser des forums parallèles. Si le FSM est effectivement un espace ouvert, il devrait pouvoir accueillir ce deuxième groupe. S’il respecte effectivement sa Charte de principes, il devrait pouvoir écarter le premier groupe. Pourquoi ne pas demander à tous les mouvements participant au FSM une déclaration de conformité avec la Charte ? Ou promulguer des directives applicables au moment d’inscription au FSM, par voie électronique par exemple ?
d) Bien entendu, il n’est pas possible d’arriver à des consensus sur plusieurs points politiques, à cause des positionnements idéologiques trop divergents et de la diversité des perspectives. Néanmoins, il faudra chercher les moyens pour permettre des prises de position plus systématiques, pour permettre la constitution de majorités et de minorités. Cela favoriserait les alliances et l’émergence de plusieurs grands courants de pensée qui peuvent, à terme, déboucher sur autant d’alternatives programmatiques. Cela éviterait aussi bien la neutralité paralysante que les exercices peu transparents tels le Consensus de Porto Alegre ou l’Appel de Bamako, aussi intéressants qu’ils fussent.
e) Il faudra également réfléchir sur la réorganisation du Conseil international pour arriver à une clarification des responsabilités et l’acceptation d’une meilleure structuration. Actuellement, au nom de l’horizontalité, les structures, les hiérarchies et tout type de méthode de travail ont pu être évités. Mais il faut se demander si, à plus long terme, une telle situation est soutenable. Certes, les structures comportent toujours un risque de bureaucratisation ou d’institutionnalisation, mais leur manque peut masquer des relations de pouvoirs non explicites et tout aussi dommageables. Ici, on pourrait commencer par une transparence des débats, en ‘émettant’ les délibérations au sein du CI par internet.
f) Pour l’organisation des FSM, une participation aussi large que possible des forces du progrès est souhaitable. C’est pourquoi, une consultation des candidats à la participation peut être très utile. Néanmoins, les grands thèmes politiques qui préoccupent le mouvement alter sont connus et ne varient que très peu d’une année à l’autre. Ainsi, pour 2009, il ne serait pas trop difficile de dresser dès à présent une liste des thèmes :
a. Guerre et paix : conflits internationaux et domestiques, commerce des armes…
b. Démocratie transnationale : ONU, Banque mondiale, FMI, OMC, OIT …
c. Les politiques des organisations internationales : BM, FMI, OMC … (dette, pauvreté, corruption, accords de libre-échange, fiscalité …
d. Développement durable : agriculture, environnement, diversité biologique, Kyoto …
e. Politiques économiques : STN, économie solidaire…
f. Diversité culturelle et lutte contre les discriminations : sexualité, ethnicité, migrations …
g. Le genre
h. Les droits humains
i. La justice sociale : le travail et la protection sociale, la pauvreté, les inégalités
j. Les biens publics globaux et leur financement : transports, eau, éducation, santé, environnement, fiscalité internationale, paradis fiscaux…
k. Le savoir et la communication : recherche, média …
Eventuellement, pour préparer les débats politiques, on pourrait ajouter un point appelé
l. « le mouvement altermondialiste demain ». Ici, les différents mouvements pourraient discuter de leurs convergences et de leurs divergences et des alliances futures pourraient se préparer.
Ces différentes suggestions impliquent un plus grand rôle pour le secrétariat, le comité d’organisation et le CI dans l’organisation du FSM. A première vue, cela va au détriment de l’autonomie des mouvements. Cependant, l’expérience des sept forums passés a montré le caractère récurrent des thèmes. Si des thèmes totalement nouveaux sont présentés, ils doivent bien évidemment être étudiés et trouver une place au sein du forum, à condition, une fois de plus, d’être conformes à la Charte des principes.
Le dernier jour du forum pourrait être consacré à la recherche de convergences, autour des différents thèmes. Si les thèmes sont mieux préparés et délimités, cela devrait être possible. Ainsi, on pourrait enrichir la formule du « quatrième jour » essayé à Nairobi.
Une autre possibilité pour favoriser les débats politiques est de faire commencer chaque thème par un grand débat général (co-organisé par le FSM et les mouvements) pendant lequel les grandes tendances de la thématique en question pourraient être esquissées. Par la suite, les sous-thèmes pourraient être discutés dans des ateliers.
Avec cette proposition, il ne s’agit pas d’imposer quoi que ce soit aux mouvements participants mais de mieux orienter la participation qui leur est offerte. Cette participation pourrait concerner soit les sous-thèmes à discuter dans les ateliers, soit d’autres questions plus stratégiques pour le FSM, comme sa réorganisation ou les modalités de ses prises de position. La consultation pourrait également concerner les propositions concrètes à discuter dans les ateliers. Le FSM pourrait se terminer par une série de déclarations politiques de la part de plusieurs mouvements qui y ont participé.
g) Enfin, en matière de transparence, il serait bien que les « principes directeurs » préparés à
partir de Nairobi soient adoptés aussi vite que possible et mis en œuvre, aussi en matière
de financement.
Conclusion
Deux éléments me paraissent très importants pour l’avenir du FSM. D’abord, le besoin d’un certain « leadership ». Actuellement, et formellement, il n’y en a pas. Je pense qu’un grand événement qui recueille plus de 100.000 personnes qui veut préparer l’avenir a besoin d’un leadership formel pour garantir la démocratie, la transparence et la poursuite des objectifs. C’est mon deuxième point, à savoir que l’on se fixe des objectifs clairs, au-delà d’une critique au néolibéralisme et de la mondialisation. Que voulons-nous que soit ou que fasse le FSM ? Un autre monde est possible doit être concrétisé, non pas en un programme unique, mais en plusieurs programmes ou lignes directrices pour les mouvements régionaux et nationaux.
Ces timides propositions seront sans doute interprétées par certains comme étant trop fantaisistes. Mais il vaut la peine de réfléchir sur les stratégies de nos ‘ennemies’. Les forces néolibérales ont des objectifs et des stratégies bien précis. Elles préparent leurs analyses et leurs discours. Elles ont des structures et des organisations. Et elles sont en train de gagner. Peut-être préférons-nous des alternatives, mais alors il faut que ce soient des alternatives qui nous permettent de gagner la lutte sociale et politique.
L’enjeu de ce débat est la survie du mouvement alter et du FSM en particulier. Les deux ne peuvent être amalgamés mais ne peuvent pas non plus être dissociés l’un de l’autre. Au niveau mondial, le mouvement alter n’a pas d’avenir sans FSM. Le FSM est et doit rester un espace ouvert pour la multitude des mouvements. Je pense que ces mouvements doivent être encouragés à mieux s’organiser, à faire des alliances, à préparer des déclarations politiques en se basant sur la structure offerte par le FSM. Car le FSM est une structure qui ne dit pas son nom. La démocratie demande que tout cela se discute ouvertement.
Il n’est pas à exclure que la plupart des mouvements ne voudront pas s’identifier idéologiquement et préféreront rester « neutres ». Au-delà de ces positionnements, la question qui se pose alors est celle du potentiel d’un mouvement de mouvements englobant plusieurs thématiques mais dans lequel les groupes à thème unique ne veulent pas se prononcer sur d’autres questions que les leurs. Ou, dans le cas contraire, que peut être l’avenir d’un mouvement qui se prononce sur un ensemble de questions et qui risque d’être assimilé à un parti politique ? Comment faire de la politique avec des mouvements qui ne veulent pas parler de politique ?
Quel que soit l’issue de ce débat stratégique, il faudra faire tout ce qui est possible pour préserver les acquis et l’unité du mouvement, avec son potentiel de mobilisation et de motivation. Le FSM est un événement et un processus, un festival alternatif et un processus politique. Mais cet événement ne constitue pas une fin en soi. Il doit se fixer quelques objectifs contre-hégémoniques bien définis.