ISLAMABAD CORRESPONDANTE
Choisi par le Parti du peuple pakistanais (PPP) de l’ancienne première ministre assassinée le 27 décembre 2007, Benazir Bhutto, après un mois de tergiversation, Youssouf Raza Gilani a été élu, lundi 24 mars, nouveau premier ministre du Pakistan. M. Gilani conduira un gouvernement de coalition réunissant notamment les deux grands partis vainqueurs des élections législatives, le PPP et la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N), de l’ancien premier ministre Nawaz Sharif. Agé de 58 ans et originaire de la ville de Multan, au Pendjab, M. Gilani appartient à l’une des grandes familles politiques du pays et a été lui-même élu à cinq reprises au Parlement.
Après une maîtrise en journalisme de l’université du Pendjab à Lahore, il a commencé sa carrière politique sous le régime du dictateur militaire Zia Ul-Haq, alors qu’il était membre du cabinet issu des élections sans partis organisées par Zia en 1985. M. Gilani n’a adhéré au PPP qu’en 1988. Ministre de la santé puis du logement sous le premier gouvernement de Benazir Bhutto, entre 1988 et 1990, il préside l’Assemblée nationale sous le deuxième gouvernement Bhutto, entre 1993 et 1996. Il a pour lui d’être un ami d’Asif Ali Zardari, veuf de Benazir Bhutto qu’il a connu en prison.
Comme beaucoup de politiciens, M. Gilani a été victime de la lutte très sélective engagée par le président Musharraf contre la corruption après son coup d’Etat en octobre 1999. Arrêté en février 2001 pour abus d’autorité, il a passé près de six ans en prison avant d’être libéré sans avoir jamais été condamné. Signe des temps nouveaux, M. Gilani devrait être, mardi, à l’issue de son élection à l’Assemblée nationale, investi par le président Musharraf.
« UNE VRAIE DÉMOCRATIE »
Malgré les spéculations sur une prochaine candidature de Asif Zardari lors d’une élection partielle au siège autrefois occupé par Benazir Bhutto qui lui ouvrirait la charge de premier ministre, M. Zardari a affirmé, dimanche, que M. Gilani conduirait le gouvernement pendant cinq ans et non pas trois mois. Il faudrait toutefois pour cela que la coalition qui va se mettre en place et qui réunit des partis traditionnellement opposés survive assez de temps. Pour l’instant, la volonté commune de mettre fin au règne du président Musharraf tient ensemble les partis, mais au-delà le doute subsiste.
M. Musharraf, qui a présidé, dimanche, le grand défilé militaire de la fête nationale, a pour sa part réitéré sa volonté de travailler avec le nouveau gouvernement. « Qui que soient les membres du prochain gouvernement, ils auront mon soutien total », a-t-il dit, avant de se féliciter d’avoir rétabli la démocratie. « Nous sommes fiers de constater qu’au cours des huit dernières années, nous avons non seulement établi les fondations d’une vraie démocratie, mais nous avons aussi mis le Pakistan sur la voie du progrès et de la prospérité. »
Le président a aussi « espéré » que le nouveau gouvernement « continue avec la même force notre lutte contre le terrorisme et l’extrémisme ».
Françoise Chipaux
* Article paru dans le Monde, édition du 25.03.08. LE MONDE | 24.03.08 | 14h47 • Mis à jour le 24.03.08 | 15h27.
A peine élu, le nouveau premier ministre ordonne la libération des juges assignés à résidence
Aussitôt après son élection, lundi, Youssouf Raza Gilani a ordonné la libération de tous les juges placés en résidence surveillée après l’imposition de l’état d’urgence par le président Pervez Musharraf, en novembre 2007. A l’époque, M. Musharraf avait évincé plus de soixante juges, dont la majorité de ceux de la Cour suprême, en particulier son président Iftikhar Mohammad Chaudhry. Certains d’entre eux, dont M. Chaudhry, sont assignés à résidence à Islamabad, sous haute surveillance.
Peu après l’annonce de M. Gilani, la police pakistanaise a commencé à retirer les fils de fer barbelés devant les domiciles des juges. Cette décision sonne comme un premier défi au président Musharraf : s’ils sont restaurés dans leurs fonctions, les juges de la Cour seront amenés à se prononcer sur la réélection du président, une éventualité redoutable pour M. Musharraf. – (Avec AFP.)
Pervez Musharraf promet « un soutien total » au prochain gouvernement pakistanais
A l’occasion de la fête nationale du Pakistan, le président Pervez Musharraf s’est engagé, dimanche 23 mars, à soutenir le futur gouvernement de coalition, au lendemain de la désignation du candidat du Parti du peuple pakistanais (PPP), Yousaf Raza Gilani, comme premier ministre. « Quels que soient les membres du prochain gouvernement, ils auront mon soutien total », a-t-il affirmé lors d’un défilé militaire à islamabad, se félicitant « qu’au cours des huit dernières années, nous avons non seulement établi les fondations d’une vraie démocratie, mais nous avons aussi mis le Pakistan sur la voie du progrès et de la prospérité ».
Grand perdant des législatives du 18 février, qui ont vu la victoire du PPP et de ses alliés, M. Musharraf a promis qu’il « suivrai la constitution » pendant la cohabitation qui doit débuter mardi, quand il investira Yousaf Raza Gilani au poste de premier ministre. Auparavant, ce proche collaborateur de Benazir Bhutto devra être élu par l’Assemblée nationale, ce qui ne représente pas un problème car le futur gouvernement de coalition possède plus des deux tiers des voix nécessaires.
M. Gilani, qui a été emprisonné pendant 5 ans par le gouvernement de Pervez Musharraf et n’a retrouvé la liberté qu’en 2006, a affirmé pour sa part qu’il voulait « travailler avec toutes les forces démocratiques », sans évoquer particulièrement le président pakistanais. Selon son parti, il doit participer dans la journée de dimanche à une réunion des principaux responsables du futur gouvernement de coalition, notamment ceux appartenant à la Ligue musulmane du Pakistan, le parti de l’ancien premier ministre Nawaz Sharif.
Tout en saluant la désignation de M. Gilani, la presse pakistanaise s’est interrogé sur son véritable rôle. Beaucoup voient cet ancien président de l’Assemblée nationale comme une « marionnette » au service d’Asif Ali Zardari, veuf de Benazir Bhutto et homme fort du PPP. Ce dernier n’a pas pu se présenter au poste de premier ministre car il n’avait pas été candidat au législatives. Mais une élection partielle dans la circonscription de Benazir Bhutto, en mai, pourrait lui permettre d’accéder au pouvoir par la suite.
* LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 23.03.08 | 13h51 • Mis à jour le 24.03.08 | 15h45.