Des convois militaires chinois se dirigeaient vers le Tibet, jeudi 20 mars, alors que la présence accrue de soldats chinois était parallèlement signalée par de nombreux témoins, dans les régions de l’ouest où vivent des minorités tibétaines. « J’ai vu un convoi d’au moins 200 camions avec 30 soldats sur chacun d’entre eux, donc environ 6 000 militaires en déplacement sur une seule journée », a indiqué Georg Blume du quotidien allemand Die Zeit à la BBC, avant de quitter Lhassa jeudi matin. Dans l’ouest de la Chine, un reporter de la BBC a recensé plus de 400 véhicules militaires se dirigeant en convoi d’environ 80 véhicules vers le Tibet.
Par ailleurs, le Quotidien du Tibet a affirmé, jeudi, que 24 personnes suspectées d’avoir pris part aux émeutes de Lhassa vendredi dernier, devraient être prochainement inculpées. Le procureur adjoint de Lhassa, Xie Yanjun, avait annoncé, mercredi, avoir « approuvé l’arrestation de 24 personnes soupçonnées » notamment « d’avoir mis en danger la sécurité de l’Etat » lors des pillages, incendies et violences dans la capitale tibétaine le 14 mars, a précisé le journal.
DES PEINES LOURDES EN PERSPECTIVE
Les services du procureur de Lhassa précisent que les suspects ont été inculpés de mise en danger de la sécurité nationale et de « voies de fait, destructions, pillages, incendies volontaires et autres crimes lourds ». « Les faits sont clairs et les preuves sont solides, ils devraient par conséquent être sévèrement punis afin de protéger la rigueur de la loi », a déclaré Xie Yanjun, procureur en chef adjoint de Lhassa, dans un communiqué diffusé par le service officiel d’information du Tibet. Les crimes contre la sécurité nationale sont généralement sanctionnés de peines lourdes qui peuvent aller jusqu’à des condamnations à mort.
« Cette infraction à la loi a été organisée, préméditée et soigneusement préparée par la clique du dalaï », répète le procureur en chef adjoint de Lhassa. « En tant qu’institution chargée de faire respecter la loi, nous nous servirons de ces faits comme d’une base d’application de la loi et d’un critère pour nous attaquer avec détermination à la sauvage arrogance de ces éléments criminels », ajoute Xie Yanjun.
Le journal officiel ne précise pas si le groupe fait partie des personnes qui se sont rendues aux autorités depuis le début de la semaine. Selon des sources officielles, quelque 170 Tibétains se sont volontairement présentées à la police, pour leur participation présumée aux événements, le régime ayant promis la clémence aux repentis, selon un bilan diffusé dans la nuit de mercredi à jeudi par l’agence Chine Nouvelle.
Selon les autorités chinoises, les violences de vendredi à Lhassa ont fait treize morts, tous des civils innocents victimes des émeutiers. Le gouvernement tibétain en exil parle, lui, d’une centaine de morts. Chine Nouvelle, citant un dernier bilan du gouvernement régional du Tibet, a en outre affirmé que « plus de 300 personnes innocentes » avaient aussi été blessées tandis que les dégâts matériels s’élèvent à plus de 200 millions de yuans (18 millions d’euros).
LES ÉMEUTES S’ÉTENDENT
Pour la première fois depuis le début de la crise tibétaine il y a six jours, un média officiel chinois a reconnu jeudi que les manifestations s’étaient étendues à plusieurs autres provinces du pays. L’agence Chine Nouvelle évoque des ’’émeutes dans des zones très peu peuplées où vivent des minorités tibétaines, dans les provinces du Sichuan et du Gansu, voisines du Tibet’’. Selon l’agence d’Etat, des manifestants tibétains ont pris d’assaut des ’’magasins et des bâtiments gouvernementaux’’, dimanche, dans le nord-ouest de la province du Sichuan. Selon l’agence de presse, d’autres incidents similaires se sont produits dans cinq villes du sud de la province du Gansu.
Gordon Brown va rencontrer la dalaï-lama
Le ministère des affaires étrangères chinois s’est ’’sérieusement inquiété’’ d’une rencontre prévue entre le premier ministre britannique, Gordon Brown, et le dalaï-lama, demandant au premier de ne pas apporter son soutien au chef spirituel bouddhiste en exil.
Qin Gang, le porte-parole du ministère, a déclaré, mercredi soir, que le dalaï-lama est ’’un réfugié politique engagé dans l’activité de diviser la Chine sous le couvert de la religion’’.
* LEMONDE.FR avec AFP, AP et Reuters | 20.03.08 | 08h34 • Mis à jour le 20.03.08 | 10h07.
Tibet : la Chine annonce la reddition de 105 émeutiers, les ONG parlent d’arrestations
Les appels au calme de la communauté internationale n’ont, semble-t-il, pas eu d’effets sur les autorités chinoises. Alors que de nombreuses manifestations ont eu lieu la veille pour protester contre l’intervention chinoise au Tibet, le numéro un du Parti communiste local, Zhang Qingli, a affirmé, mercredi 19 mars, que Pékin menait « une lutte à la mort (...), une lutte intense de sang et de feu [contre] la clique du dalaï-lama ».
Dans cette déclaration d’une rare violence rapportée par le Quotidien du Tibet, M. Zhang a également décrit le dalaï-lama comme un « loup enveloppé dans une bure de moine » et un « monstre à face humaine, mais au cœur d’animal ». Il a également appelé les responsable locaux à ne pas relâcher la pression. Alors que l’ultimatum que les autorités avaient donné aux manifestants impliqués dans les violences a expiré mardi à 23 heures, Pékin a indiqué que 105 personnes s’étaient rendues contre une promesse de clémence. La Chine indique que ces personnes ont participé « à des attaques, des destructions de matériel, du pillage et des incendies criminels ».
« PRATIQUES DE TORTURE »
En revanche, plusieurs ONG de défense des droits de l’homme évoquent l’arrestation sommaire de centaines de personnes au Tibet, mais aussi dans les provinces limitrophes du territoire himalayen en Chine, où des troubles ont également été signalés. Kate Saunders, de la Campagne internationale pour le Tibet, évoque « des centaines d’arrestations » possibles uniquement à Lhassa. La directrice du Mouvement des étudiants pour un Tibet libre, citée par l’AFP, va jusqu’à parler de « milliers » d’arrestations. « Nous n’arrivons pas à rester à jour (...). Il y a un tel flot d’informations ! », explique-t-elle. Les autorités tibétaines en exil n’ont fait aucun commentaire.
Human Rights Watch demande aux autorités chinoises de publier les noms des personnes placées en détention et d’autoriser l’accès au Tibet à des observateurs internationaux.« Compte tenu des pratiques de torture des activistes politiques par les forces de sécurité chinoises, anciennes et décrites de façon détaillée, il y a tout lieu de redouter pour la sécurité des personnes récemment placées en détention », a prédit son directeur pour l’Asie.
Selon Pékin, les violences au Tibet ont fait seize morts, des « innocents » tués sauvagement par des « émeutiers tibétains ». A Dharamsala, dans le nord de l’Inde, le gouvernement tibétain en exil avance un bilan de 99 morts, dont 19 dans la seule journée de mardi dans des provinces chinoises. Cependant, ces informations contradictoires sont impossibles à vérifier. Le Tibet est fermé aux journalistes étrangers sans accréditation spécifique. Le Club des correspondants étrangers en Chine a dit avoir été informé d’une trentaine d’incidents au cours desquels des journalistes se sont heurtés à des obstacles alors qu’ils tentaient de se rendre dans les provinces occidentales du pays, notamment au Qinghai, au Sichuan et au Gansu.
* LEMONDE.FR avec AFP, Reuters et AP | 19.03.08 | 08h43 • Mis à jour le 19.03.08 | 12h06.