La rencontre nationale des collectifs du 29 mai doit permettre de faire le point sur leurs activités et tracer des perspectives d’action et de débat. La campagne unitaire en faveur du « non » n’a pas seulement permis la victoire du 29 mai. Regroupant la LCR, le PCF, les Alternatifs, des militants du PS ou des Verts, des syndicalistes et des associatifs, elle a aussi constitué un pas dans l’affirmation d’un pôle de gauche, résolument antilibéral.
Par leur existence même, les collectifs constituent l’un des principaux acquis de la bataille du « non » antilibéral. Depuis six mois, le gouvernement l’a démontré sans ambiguïté : le vote populaire, même majoritaire, ne suffit pas à arrêter le rouleau compresseur libéral qui détruit droits sociaux et libertés publiques. La première urgence est donc de transformer le souffle unitaire en un mouvement de résistance sociale pour bloquer Sarkozy et Villepin.
Certains collectifs ont disparu, d’autres vivent au ralenti ou ne reposent que sur l’activité d’une poignée de militants. Mais, en règle générale, le réseau se maintient et certaines initiatives sont d’authentiques réussites. Pour durer et se développer, les collectifs doivent se donner une double tâche : agir et débattre. Agir ? En participant activement à toutes les campagnes unitaires contre les effets du libéralisme, bien sûr. Cette activité se situe logiquement dans le prolongement de la bataille du 29 mai. Et - malheureusement ! - ce ne sont pas les occasions qui manquent : retour de la directive Bolkestein, privatisation des services publics, batailles locales contre des fermetures de bureaux de poste, de gare ou d’hôpitaux, lutte contre l’état d’urgence et soutien aux exigences sociales exprimées par les banlieues...
Débattre ? Les militants rassemblés dans les collectifs aspirent à discuter, sur le fond, le contenu d’une véritable politique antilibérale, aux antipodes de celles que voulait sanctuariser la Constitution contre laquelle ils se sont soulevés. Dans certaines villes, cela a d’ores et déjà été expérimenté : débats publics, ateliers de discussion, six heures contre le libéralisme, etc.
Nourrie par ces discussions à la base, la préparation des assises de mars pourrait ainsi déboucher sur un document politique précisant, avec l’accord de tous, les grands axes d’un programme antilibéral conséquent. Il existe évidemment des convergences importantes, mais aussi des divergences qu’il est tout à fait possible d’aborder, avec le souci de préserver le cadre unitaire. Cette même approche doit prévaloir pour ce qui est des discussions liées aux échéances électorales.
Après la campagne référendaire victorieuse, menée ensemble, il est normal que cette question traverse aussi les comités. Certes, la première urgence est l’organisation de la résistance sociale. Mais l’aspiration à prolonger le mouvement unitaire du 29 mai sur l’arène électorale de 2007 est parfaitement légitime. Pour autant, chacun voit bien que, au stade actuel, des obstacles demeurent : il reste à surmonter des questions stratégiques importantes, tenant à la fois aux contenus et aux alliances. Ces dernières ne peuvent être détachées de la manière de construire une alternative au libéralisme et au capitalisme. Les débats qu’a connus le Parti socialiste pour son congrès, ainsi que leur conclusion - la synthèse -, confirment que la participation à un même gouvernement (ou à une même majorité parlementaire) des partisans d’un antilibéralisme conséquent et de ceux liés au social-libéralisme est incompatible. Toutes ces questions peuvent et doivent être débattues franchement au sein des collectifs. Mais il ne serait pas raisonnable d’imaginer que ces collectifs puissent, par eux-mêmes, surmonter les approches et les points de vue parfois divergents existants à ce propos. Vouloir le faire ne pourrait conduire qu’à un éclatement rapide.
En revanche, grâce à leur légitimité acquise pendant la campagne unitaire - et la victoire du 29 mai -, les collectifs peuvent jouer un rôle tout à fait important : être un ferment contribuant à l’émergence d’une force politique anticapitaliste, porteuse d’une réelle alternative à la droite réactionnaire, mais aussi à la gauche sociale-libérale qui a détruit tant d’espérances. Cette alternative pourra-t-elle se concrétiser, lors des prochaines élections, à travers des candidatures unitaires ? Nous n’en perdons pas l’espoir... pour peu que les conditions politiques en soient réunies, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les réunir passe par la confrontation programmatique, l’élucidation des rapports avec le parti social-libéral et le débat entre les partis politiques qui ont été au cœur de la campagne référendaire. Bien sûr, les collectifs peuvent y contribuer. En rassemblant dans l’action lors des indispensables mobilisations pour arrêter la mise en œuvre des politiques libérales. Et en s’emparant du débat sur l’alternative politique.