Le décret-loi du gouvernement espagnol visant à réformer les assurances chômage s’est vu opposer un rejet massif à travers la grève générale du 20 juin 2002.
La participation de plus de deux millions de travailleurs et de travailleuses aux manifestations qui se sont déroulées dans les grandes villes a été le point d’orgue de cette grève. Les images suffisaient à décrire l’état du pays : centres industriels et logistiques déserts, plages remplies de baigneurs, affluence massive aux manifestations... Un chiffre parle plus que tous les autres : celui de la baisse de 20 % de la consommation électrique, la ramenant à son niveau d’un jour férié.
Plusieurs obstacles ont du être surmontés :
– la campagne démesurée du gouvernement (tentatives d’obligation de service minimum, y compris par la voie judiciaire, les médias, la mobilisation des forces de police) ;
– le taux élevé de précarité (un tiers de la population active) qui a permis de faire pression sur les salariés, jusqu’à la défiance de larges secteurs de la classe ouvrière par rapport aux deux centrales syndicales (UGT et commissions ouvrières), qui sortent d’une longue période de « paix sociale » négociée avec le patronat et le gouvernement.
Le succès de la grève générale a été favorisé par le mécontentement social et citoyen provoqué par la politique autoritaire et conservatrice du gouvernement du Parti populaire (PP). Celui-ci a appliqué les directives néolibérales de l’Union européenne à tous les secteurs de la vie économique et sociale. Plusieurs conflits sectoriels ont précédé cette journée de grève totale. Cette phase de remobilisation sociale, qui a également touché la gauche sociale et politique traditionnelle, a fini par pousser les directions syndicales à la bataille.
Le Parti socialiste (PSOE), bien que non opposé aux politiques libérales de l’UE, a saisi le prétexte du décret-loi sur le chômage pour adopter une position plus offensive d’appui à la grève générale.
Cette grève générale a provoqué une grave crise du modèle de concertation. Les projets en préparation, sur la négociation collective ou la réforme des retraites, seront précédés d’une détérioration des relations entre les syndicats, le patronat et le gouvernement. Il ne sera pas facile d’y remédier. Les directions syndicales ne pourront pas revenir à la table des négociations des projets antisociaux. Les courants syndicaux critiques et les organisations classistes qui poussaient à une ligne de confrontation générale s’en trouvent renforcés et leurs analyses légitimées.
La confluence de cette grève générale et des mobilisations contre la mondialisation capitaliste vont faciliter un renforcement des idées anticapitalistes et de la nécessité d’un projet socialiste. Elle devrait aussi consolider au sein du mouvement antiglobalisation l’exigence d’un lien avec la classe ouvrière.