Premier mensonge : l’Iran serait en passe d’obtenir la bombe atomique et « un Iran doté de l’arme nucléaire est inacceptable… » nous dit Sarkozy.
Quelle bombe ? Où ? Quand ? Quelles preuves nous avancent-on ? D’après Bush et Kouchner, la menace est imminente et nos « experts » nous jettent des chiffres au visage, nous assènes un vocabulaire effrayant : « L’Iran dispose de milliers de centrifugeuses… misent en cascade… uranium enrichi… bombe atomique … ». Seulement quand on pose la question, la seule qui vaille, c’est-à-dire quand est ce que l’Iran devrait être en mesure de fabriquer sa première bombe atomique ? Bien que ce pays nie avec véhémence vouloir le faire. Alors quand ? Les mêmes experts prennent un air contrits : « Dix ans, au mieux cinq ou trois…. Mais bon rien n’est sûr… » Dit comme cela, l’urgence guerrière de nos gouvernants prend un tour bien relatif. Dix ans, ou même trois cela devrait nous laisser le temps de discuter encore un peu, non ?
D’autant plus, que la Bombe, l’Iran ne l’aura peut-être jamais, peut être qu’elle n’est pas aussi déterminée à l’avoir qu’on veut bien le dire. D’ailleurs, la seule agence internationale qui fait et doit faire autorité dans ce domaine et qui travaille en Iran depuis des années, l’AEIA, déclarait en Aout 2007 qu’elle avait été en mesure de vérifier que les sites nucléaires et le procédé d’enrichissement d’Uranium se limitait à un usage civile, mieux « pacifique » ! Mieux encore, Al Baradei, le directeur de l’AEIA annonçait sur CNN le 28 octobre 2007 que : ’’Je n’ai reçu aucune information qui prouve que l’Iran tenterait actuellement de fabriquer une arme nucléaire’’. Ah mais ! Nous disent « les faucons », il y a un programme secret auquel l’AEIA n’a pas accès, les services secrets américains, européens ont des tas de dossiers et de preuves qui montrent tout cela. Voila pourquoi l’Iran doit stopper son programme de développement nucléaire, et particulièrement l’enrichissement de l’uranium, même a des fins civiles. Sauf que les services secrets américains eux même viennent d’annoncer que « le programme nucléaire militaire iranien a été gelé en 2003, et n’a pas été réactivé depuis et qu’en tout état de cause l’Iran ne saurait être capable d’obtenir la Bombe avant 2010-2015 »
Une fois de plus, le gouvernement des Etats-Unis, mais aussi la France ce coup-ci, accusent et accusent encore sans fournir la moindre preuve. Une fois encore on tente de nous vendre de la farine pour de l’anthrax ! Une fois encore toutes les règle du droit International, toutes les chartes des Nations Unies sont a nouveau piétinées.
Deuxième mensonge : en poursuivant son programme nucléaire, l’Iran serait en train de déstabiliser tout le Moyen Orient en introduisant l’arme nucléaire dans une région hautement volatile...Sauf qu’Israël dispose de dizaines d’ogives nucléaires pointées sur Téhéran, Damas et d’autres capitales de la région, de plusieurs centrales nucléaires…L’armée américaine quant à elle dispose de porte-avions et de sous-marins nucléaires qui patrouillent dans toutes les eaux de la région, et se fait fort aujourd’hui d’utiliser des « mini nuke » soit des « mini » bombes nucléaires afin de détruire les installations nucléaires souterraines iraniennes ! En somme, la bombe nucléaire existe bel et bien dans la région et elle est aux mains de ceux qui, aujourd’hui, poussent des cris d’orfraie…
Troisième mensonge : il s’agirait en fait de faire un exemple et de mettre un coup d’arrêt à une prolifération nucléaire de plus en plus incontrôlable.
L’Angleterre, la France, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Pakistan, l’Inde et Israël détiennent officiellement ou officieusement l’arme atomique. Pourquoi eux et pas les autres ? Qu’est ce qui justifie que sept pays l’ait et pas le reste du monde ? Parce que certains de ces pays détiennent le noble titre de Démocratie ? Est-ce que le fait d’être une Démocratie a empêché les Etats-Unis d’envahir et de ravager le Vietnam, l’Afghanistan et l’Irak au mépris de l’ensemble de la communauté mondiale et des fondements du Droit International ? La France n’était elle pas une Démocratie lorsqu’elle menait sa sale guerre en Algérie ? N’était-elle pas une Démocratie lorsqu’elle s’est compromise au Rwanda ?
Peut-être alors parce que la majorité de ces pays sont membre de droit du Conseil de Sécurité des Nations Unies et donc chargé de garantir la paix dans le monde ? Belle farce ! Les cinq membres de droit du Conseil de Sécurité, les Etats-Unis, la Russie, la France, l’Angleterre et la Chine sont aujourd’hui les cinq premiers vendeurs d’armes au monde ! Que ceux qui ne voient pas la contradiction retournent à leurs chères études…Dernière chose, est ce que le fait de faire partie du Conseil de Sécurité a empêché la Russie d’ensevelir Grozny sous des tonnes de bombes ? Ainsi, rien ne garantie à l’Iran, à la Syrie, au Venezuela, mais pourquoi pas demain au Brésil, au Guatemala, à l’Equateur ou au reste du monde même, qu’ils ne subiront pas le même sort que le Japon. Alors pourquoi pas la Bombe ? Le terme choquera, mais puisque que le seul moyen de se protéger de la Bombe, c’est de l’avoir, alors il est injuste que seuls certains pays aient la possibilité d’en rayer d’autres physiquement de la carte, tandis que les autres nations devraient se contenter de vagues traités ou de déclarations censées les mettre à l’abri de l’Hiver Nucléaire…
De toute façon, il est illusoire de croire que les choses resteront en l’état. Les moyens de la guerre, les technologies militaires sont comme toutes les autres technologies, elles se propagent dans l’espace et dans le temps. L’histoire militaire montre que la supériorité technologique assuré par un type d’arme particulier aussi secret ou protégé soit-il ne dure qu’un temps, car l’imagination humaine est, ici aussi, sans limite.
La prolifération nucléaire n’est pas une menace, c’est un fait. Et dans cinq ans, dans dix ou dans vingt, d’autres pays auront la Bombe. Le Brésil est sur les rangs, mais sans doute aussi la Turquie, quant à l’Egypte elle vient d’annoncer la remise en route de son propre programme. Bombarder l’Iran, raser Téhéran et toutes ses installations nucléaires sous une pluie de bombes plus grosses les unes que les autres ne changera rien à l’affaire. Au contraire même, cela prouvera une chose, plus vite un pays dispose de l’arme atomique et plus vite il sera protégé du poing de fer américain.
Ceux, qui comme moi, font des cauchemars en pensant que l’homme dispose dès aujourd’hui des moyens de faire sauter plusieurs fois la planète, devraient être conséquents avec eux même. Il ne peut y avoir à ce sujet de demi-mesure, ni deux poids deux mesures. C’est soit la dénucléarisation totale soit la nucléarisation totale à plus ou moins long terme. Aussi, plutôt que de menacer l’Iran et le reste de la région d’une nouvelle folle guerre, les Etats-Unis, la France et toutes les autres puissances nucléaires devraient montrer l’exemple et reprendre le chemin de la dénucléarisation, tel qu’il avait été envisagé au plus fort de la guerre froide. Pour reprendre la célèbre phrase de Kennedy : « Les armes atomiques doivent être abolies avant qu’elles ne nous abolissent. »
Quatrième mensonge : la prochaine guerre contre l’Iran sera une guerre humanitaire.
Elle permettra de mettre à terre le régime islamique iranien. Une république massacrant les droits de l’homme. Un régime qui emprisonne ces opposants politiques, un régime qui pratique encore la peine de mort…et quoi encore … ? Une fois de plus c’est la vielle antienne de l’homme blanc ! Nous allons leurs apprendre la démocratie, la liberté et tout le reste ! Une fois de plus, nous retournons à nos vielles chimères, à nos vieux mythes soi-disant civilisateurs…pour mieux cacher nos vieux réflexes coloniaux et racistes ! De quoi parlons nous là ? De l’Iran, d’une civilisation multiséculaire, aux poètes magistraux célébrants le vin et l’amour et encore révérés aujourd’hui ! Nous parlons du pays d’Ispahan et de Shiraz…du pays qui fut un des éléments moteurs de la réforme de l’Islam au début du 20éme siècle.
Mais, aujourd’hui dit-on, l’Iran vit des heures difficiles, sombres même…Sombres certes, mais il est tout de même quelques paradoxes qui méritent, que « ceints de nos lauriers », nous nous penchions sur une réalité insoupçonnée. Sait on par exemple, qu’aujourd’hui près de 60% des étudiants iraniens sont des étudiantes ? Sait on aussi, que le taux d’alphabétisation de la population iranienne se situe autour de 97% ? Sait on enfin, que l’assemblée nationale iranienne compte aujourd’hui plus de femme que tous les autres pays de la région ? Quiconque se rendra dans ce pays s’apercevra que l’Iran est bien plus complexe que ce tableau moyenâgeux et barbare que l’on nous dépeint. Est–ce que cela suffit à oublier l’oppression ? Est-ce que cela suffit à oublier les opprimé-e-s et les prisonniers politiques ? Bien sûr que non ! Mais quoi, les femmes iraniennes seront-elles plus libres sous des tonnes de bombes ? Le peuple iranien sera-t-il plus « libre » et « civilisé » quand sera venu le temps de la guerre et du chaos ? Il est des pans entiers de la société iranienne qui aspirent à plus de liberté et de démocratie, il est de nombreuses femmes iraniennes qui luttent courageusement, et nous en connaissons de célèbres et sans doute d’autres qui oeuvrent dans l’ombre. Si l’on veut essayer d’aider les iraniens et les iraniennes à accomplir leurs rêves de liberté, nous devrions peut-être commencer par les écouter et les comprendre, plutôt que de les prendre en otages. Est-ce que tous ces gens nous demandent de les bombarder ? Est-ce que tous ces gens réclament une intervention américaine et française pour les libérer ? Non.
Par ailleurs, opposants compris, la majorité de la population iranienne, à tord ou à raison, se prononce largement pour la continuation du programme nucléaire, considérant cela comme le droit et la liberté première de la nation iranienne. A tord ou à raison, comme tous les autres peuples et notamment les français, les iraniens ont le droit de considérer que l’énergie nucléaire peut-être le moyen d’assurer le futur de leur pays. Est-ce que des centaines de « Tomahawk » leur feront rendre raison ? Rien n’est mois sûr.
Cinquième mensonge : cette guerre sera chirurgicale.
Rien n’est plus faux, rien n’est plus terrible, d’ailleurs, que cette expression. La guerre chirurgicale, la guerre propre, cela n’existe pas, c’est un mensonge hollywoodien ! Où ? Quand ? Que l’on nous montre une guerre, une seule, qui dans l’histoire n’ait pas ses victimes et ses bourreaux, son lot de vies détruites, ses paysages sourds et noircis, ses ruines calcinées ! Et cette guerre sera comme les autres, sanglante et brutale ! Rendez-vous compte, ils envisagent de bombarder des centrales nucléaires ! Combien de Tchernobyl, de mini Hiroshima ? Et même, sans aller jusque là, est-ce que l’on pense un seul instant que nos militaires bien intentionnés, iront bombarder l’Iran sans tenter de réduire au minimum son potentiel militaire et ses capacités de rétorsion ? Bien sûr que non ! Non seulement nous allons bombarder les installations nucléaires iraniennes mais aussi ses bâtiments militaires, ses aéroports, ses centres de commandements, le ministère de la défense, ses casernes, mais aussi ses centres de transmissions, des axes stratégiques, des routes, des ponts … Et tout cela sans aucun mort ? Et tout cela sans toucher un seul civil iranien ? Aveugle ou fou celui qui voudra bien le croire.
Face à tous ces mensonges, il est des vérités qui se payent au prix fort, et déjà de nombreux peuples, qui ne l’ont pas choisis, en payent leur tribut de sang et de larmes ! Les iraqiens qui s’enfuient par centaines de milliers de leurs villes et de leur pays, n’en finissent pas eux de payer. A eux aussi, ont leur avait promis la liberté et la démocratie. Ils vivent aujourd’hui l’enfer dans un pays déchiré par une guerre civile que nos docteurs fous ont provoqués. L’Irak est aujourd’hui revenu à « l’âge de pierre », et le Choléra, maladie jadis éradiquée, y menace a nouveau ! Combien de morts en Iraq depuis l’invasion ? Sept cents milles, un million, un million et demis en seulement cinq ans ? Combien de réfugiés iraqiens, quatre millions, cinq millions ? L’Irak brûlant comme pendant les invasions mongoles, toute son histoire et ses trésors millénaires violés et saccagés, est-ce cela la démocratie et la liberté ?
Que ceux qui ne voient pas à quel point la dernière aventure américaine est un désastre et seraient tentés de recommencer en Iran, que ceux-là viennent soutenir le regard hébété des réfugiés iraquiens à Damas ou à Aman. Ils errent par millions, ils ont tout perdu, leurs familles, leurs enfants, leur vie et leur Pays. Qui osera leur demander si ils se sentent plus libres ou heureux de la « démocratie » qui règne en Irak ?
La vérité, c’est que la seule chose qu’on exporte à coup de cannons, c’est la mort et la destruction ! Et ceux qui les pointent sur des peuples innocents le savent bien ! La démocratie et la liberté, ils n’en n’ont que faire. Ce sont des mots creux à leurs oreilles et dont ils ne cessent de se gargariser que pour mieux nous abrutir ! Peu importe qu’ils soient français ou américains, qu’ils soient « French Doctor » ou Présidents, ceux-là même qui veulent la guerre avec l’Iran aujourd’hui, la veulent pour leur propre gloire, pour le pouvoir, pour le pétrole et l’argent, rien d’autre ! En fait, l’administration Bush considère que l’Iran est le dernier Etat de la région qui représente par ses moyens économiques, politiques et militaires, une menace réelle quant à son projet de transformation du moyen orient et de contrôle d’un axe énergétique primordial qui s’étend depuis l’Arabie Saoudite jusqu’aux frontières de l’Afghanistan. Enfin, faire tomber l’Iran c’est aussi faire tomber le principal soutien de toutes les forces qui s’opposent à ce projet dans la région, Hamas et Hezbollah en tête. Malgré le désastre en cours en Irak, et malgré même les réticences d’une partie de l’« establishment » américain, Bush et ses amis restent déterminés à écraser le régime iranien et si l’argument nucléaire ne fait l’affaire, nul doute qu’ils en trouveront un autre.
Une nouvelle guerre donc, pour sauver tous ces gens…des tonnes de bombes qui les rendront sans doute plus « démocratiques », des morts par milliers mais « libres »…
Cette guerre folle qui mettra le Moyen-Orient à feu et à sang, n’en doutons pas un seul instant, elle sera faite en notre nom. Si jamais Sarkozy et Kouchner s’y associent, ils le feront ceints d’une légitimité « démocratiquement » acquise, c’est-à-dire au Nom du Peuple.
La vérité c’est que deux alternatives s’offrent à nous, soit se laisser bercer par la propagande guerrière de nos gouvernants et détourner nos yeux des conséquences de leurs folies, soit faire acte de liberté et de volonté, c’est-à-dire s’opposer farouchement à la guerre à venir et à ses conséquences. Nul pouvoir n’est légitime lorsque, peu importe les raisons, il provoque et fomente la guerre entre les peuples. Nul pouvoir n’est légitime lorsqu’il met en balance la vie de millions de gens et peu importe qu’ils soient iraniens ou français !