ISLAMABAD CORRESPONDANTE
« Les Etats-Unis risquent de perdre le pays pour sauver un homme » : loin d’être un révolutionnaire, ce médecin d’Islamabad traduit l’incompréhension grandissante de nombre de Pakistanais devant les efforts américains pour contraindre les partis vainqueurs des élections à travailler avec le président Pervez Musharraf.
Depuis le résultat des législatives du 18 février, qui ont vu la déroute du parti présidentiel, les responsables américains ont multiplié les démarches en faveur du président. L’ambassadeur des Etats-Unis à Islamabad a rencontré, mercredi 20 et vendredi 22 février, le chef du Parti du peuple pakistanais (PPP), Asif Zardari, veuf de l’ex-première ministre assassinée Benazir Bhutto. Il s’est rendu à Lahore pour s’entretenir avec l’autre ancien premier ministre, Nawaz Sharif, chef de la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N).
Le porte-parole du ministère des affaires étrangères pakistanais, Mohammad Sadiq, a rappelé, mercredi 27 février, que « le Pakistan est un Etat souverain. Les diplomates doivent respecter les usages diplomatiques et ne pas faire de déclarations qui pourraient être interprétées comme une interférence dans les affaires intérieures du Pakistan ».
La presse pakistanaise ne manque pas, non plus, de dénoncer ces « pressions », et des éditoriaux critiquent en termes sévères l’attitude de Washington. « En poussant si ouvertement Asif Zardari et Nawaz Sharif à travailler avec le président Musharraf, les puissances occidentales se rendent coupables d’une grave folie », écrit le quotidien anglophone Dawn. « Les Etats-Unis, poursuit le journal, ont soutenu le régime Musharraf ; ils ont aussi contribué à sa chute. Les mêmes fautes ne doivent pas être répétées maintenant qu’un gouvernement représentatif est sur le point d’arriver au pouvoir. »
Pour sa part, The News relève que « Washington qui, si souvent, se pare du titre de parangon de la démocratie, doit réaliser que ce droit doit être accordé au peuple pakistanais ». Ce journal ajoute : « S’ils ont un minimum d’intérêt vis-à-vis du Pakistan (...), les Etats-Unis doivent réaliser que la première chose à faire est de respecter le mandat du peuple ».
L’avenir de M. Musharraf, réélu, en novembre 2007, dans des circonstances controversées, paraît d’autant plus menacé que les partis vainqueurs des élections, réunis mercredi, ont exigé la convocation rapide de l’Assemblée nationale qui pourrait exiger le départ du chef de l’Etat.
* Article paru dans l’édition du 29.02.08.. LE MONDE | 28.02.08 | 14h24 • Mis à jour le 28.02.08 | 14h24.
Un général pakistanais tué dans un attentat-suicide à Rawalpindi, ville du chef de l’Etat
ISLAMABAD CORRESPONDANTE
Un nouvel attentat-suicide à Rawalpindi, ville de garnison et siège de l’état-major de l’armée pakistanaise située à une quinzaine de kilomètres de la capitale, Islamabad, a fait, lundi 25 février, huit morts dont le chef des services médicaux de l’armée, le général Mushtaq Baig.
Un jeune homme - de « 15 à 18 ans », selon le ministère de l’intérieur - a fait sauter la charge qu’il portait sur lui en s’approchant de la voiture du général, qui s’était arrêté à un feu de signalisation dans une rue très passante.
Outre le général - le plus haut gradé de l’armée à être tué dans un attentat - et ses deux accompagnateurs, cinq civils ont été tués. Près de 25 personnes ont également été blessées. Théoriquement l’une des villes les plus surveillées du Pakistan, Rawalpindi, où le président pakistanais, Pervez Musharraf, habite toujours dans la résidence officielle du chef de l’armée, a connu le plus grand nombre d’attentats-suicides ces derniers mois. C’est là qu’a été assassinée, le 27 décembre 2007, l’ex-premier ministre et chef de l’opposition, Benazir Bhutto.
Cet attentat intervient une semaine après les élections législatives et provinciales qui ont vu la déroute du parti présidentiel. L’insécurité attribuée par la majorité des Pakistanais à la guerre antiterroriste menée dans les zones tribales frontalières de l’Afghanistan a été reprochée au gouvernement du président Musharraf.
Dimanche, le chef des talibans pakistanais, Baitullah Mehsud, s’était déclaré prêt à négocier la paix avec l’opposition, victorieuse aux élections législatives. « Le mouvement taliban salue la victoire des partis hostiles à Musharraf aux élections et déclare sa volonté d’engager des négociations avec eux afin de ramener la paix dans les zones tribales », avait affirmé son porte-parole, le maulvi (titre religieux) Omar, homonyme du chef suprême des talibans afghans.
Les nationalistes pachtounes de l’Awami National Party (ANP), qui devraient conduire le gouvernement dans la province frontalière du Nord-Ouest, se sont prononcés en faveur de négociations avec les militants islamistes, excluant toutefois leurs hôtes étrangers d’Al-Qaida.
Un autre attentat, lundi, à Mansehra - 80 km au nord d’Islamabad -, cette fois contre une organisation non gouvernementale (ONG) britannique - Plan International -, a fait quatre morts et huit blessés. Selon l’ONG, douze hommes armés ont investi leur bureau et tiré indistinctement avant de lancer au moins une grenade, provoquant un incendie qui a tout détruit. Plusieurs incidents armés visant des ONG ont déjà eu lieu à Mansehra. Des groupes islamistes reprochent aux ONG, nombreuses dans cette région depuis le tremblement de terre d’octobre 2005, d’employer des femmes et d’avoir un comportement contraire à leur vision de l’islam.
* Article paru dans l’édition du 27.02.08.
Makhdoom Amin Fahim fait figure de favori pour occuper le poste de premier ministre au Pakistan
Les dirigeants du Parti du peuple pakistanais (PPP), le parti de feue Benazir Bhutto qui est arrivé en tête des élections législatives, du 19 février, étaient réunis samedi 23 février pour désigner la personnalité qui sera proposée au poste de premier ministre. Aucune décision ne devrait être annoncée avant lundi, mais tout le monde s’accorde à penser qu’un favori s’est déjà dégagé : Makhdoom Amin Fahim, 68 ans, fidèle du clan Bhutto, vice-président du parti.
« Un accord a été conclu qui prévoit que M. Fahim sera le leader au Parlement et candidat pour le poste de premier ministre mais l’annonce ne devrait pas être faite avant que le Parlement ne se réunisse, très probablement durant la première semaine de mars », a annoncé un haut responsable du PPP. Le nom de M. Fahim ferait déjà l’objet d’un consensus entre Asif Zardari, le veuf de l’ex-premier ministre Benazir Bhutto, qui dirige actuellement le PPP, et Nawaz Sharif, le chef de la Ligue musulmane du Pakistan, l’autre grand parti d’opposition arrivé en deuxième position lors des élections législatives.
LA PRESSE ÉVOQUE DES PRESSIONS AMÉRICAINES
L’état-major du PPP s’est réuni vendredi à Islamabad pour discuter de l’application de l’accord annoncé la veille entre MM. Zardari et Sharif sur la formation d’un gouvernement de coalition après leur victoire électorale. Si les deux partis semblent s’entendre pour gouverner, ils n’ont en revanche pas tranché sur le sort à réserver au chef de l’Etat.
Avec 154 sièges en tout, le PPP et la Ligue musulmane de Nawaz Sharif n’ont pas assez de sièges pour lancer une procédure de destitution du président Musharraf. Dans ce contexte, M. Zardari n’est pas hostile à une cohabitation avec un président Musharraf privé d’une partie de ses pouvoirs. En revanche, M. Sharif exige le départ de celui qu’il appelle « le dictateur ». Les journaux locaux rapportaient samedi que M. Mussharraf et son allié américain faisaient pression sur le PPP et la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) pour que les deux partis instaurent une cohabitation avec le président plutôt que de chercher à l’écarter.
* LEMONDE.FR avec AP et AFP | 23.02.08 | 12h45 • Mis à jour le 23.02.08 | 12h46.