Rien ne justifie l’usage des armes à feu qui ont été utilisées en Suède, une première dans une manifestation dans un pays de l’Union européenne depuis sa création... Il faut être en faveur des manifestations non-violentes. Du reste une organisation comme ATTAC n’a jamais participé et ne participera en aucun cas à des actes d’une nature violente.
Nous sommes face à un double mouvement. D’un côté, il y a une extension et une massification de la lutte contre la « mondialisation libérale », les enquêtes d’opinion montrent ainsi une inquiétude croissante de la majorité de la population. En même temps, on assiste à l’exaspération de certains milieux militants et des couches sociales qui sont les première victimes de la restructuration du capitalisme, mouvements de chômeurs ou conflits ouvriers comme à Cellatex (en juillet dernier, des salariés licenciés menaçaient d’empoisonner une rivière dans les Ardennes, ndlr).
Depuis Seattle, il n’y a pas un sommet qui ne soit doublé d’un contre-sommet et de manifestations toujours plus importantes. Les exigences qui s’y expriment sont partout les mêmes : répondre aux aspirations sociales (lutte contre les inégalités, précarité ou insécurité sociale grandissante), environnementales (refus de la mainmise des multinationales sur les biens communs de la planète) ou démocratiques (volonté de peser sur les choix qui déterminent l’avenir de la planète).
Il n’y a pas de confusion des cibles entre d’un côté des institutions internationales au mandat souvent peu démocratique (OMC, FMI...) et de l’autre des chefs d’Etat démocratiquement élus (sommets européens). A l’origine, l’Union européenne n’a pas été conçue comme une construction strictement économique. Or, elle apparaît désormais comme un marchepied dans la « mondialisation libérale », où les préoccupations sociales et politiques ne sont pas suffisamment prises en compte.
De fait, le mouvement social mondial est par nature internationaliste et il n’est pas, globalement, antiaméricain ou antieuropéen. Il n’y a pas de risque d’un retour au souverainisme ou au nationalisme. Mais, si en matière d’environnement, l’Europe connaît des avancées, elles sont quasi inexistantes en matière sociale. L’Union apparaît davantage comme une machine à laminer les acquis sociaux et les services publics que comme un outil garantissant de nouveaux droits.
On doit donc comprendre l’impatience et les frustrations des centaines de milliers des militants qui ne voient toujours pas d’inflexion dans les politiques. La première question que devraient se poser nos gouvernants, c’est pourquoi la colère monte et comment se donner les moyens d’une autre politique. Il y a une transformation profonde du capitalisme, de son fonctionnement et de ses règles. Et face à cette mutation globale, les réactions sont multiples. Il y a les manifestations lors des sommets et aussi les réactions exprimées contre les plans sociaux de convenance boursière (Danone, Marks & Spencer). Il y a le vote des Irlandais contre le traité de Nice, signe d’un réel malaise social et démocratique ou la montée considérable de l’abstention, en France, aux Etats-Unis, en Italie. Il y a enfin les campagnes antidette ou pour l’instauration d’une taxe Tobin ou les conférences comme Porto Alegre, qui ont jeté les bases d’alternatives.
Grâce à cela il ne s’agit plus comme dans les années 70, pour la grande majorité des cas, de conquérir l’Etat via des organisations révolutionnaires, mais de trouver d’autres voies de contestations radicales. On assiste surtout à l’émergence d’alliances beaucoup plus larges, avec les mouvements paysans, de nombreuses ONG, des syndicats de masse (comme l’AFL-CIO américaine), et le monde associatif.