De Madrid,
Analyse de la situation politique internationale et dans l’Etat espagnol
La résolution principale adopté à ce congrès analyse la situation politique internationale et dans l’Etat espagnol, en évoquant ses caractéristiques fondamentales. Le document souligne que la globalisation capitaliste dans son ensemble induit une crise de civilisation qui se développe à travers une crise sociale de grande ampleur et une crise écologique qui menace l’existence même de l’humanité. Dans la phase actuelle de la mondialisation capitaliste, les réformes néolibérales se sont intensifiées et une nouvelle offensive impérialiste a été développée, dont l’instrument principal est la guerre globale permanente, mais il se produit également une augmentation des résistances sociales à l’échelle planétaire.
Concernant l’Union européenne, après l’échec de la tentative d’approuver une Constitution, une crise a été ouverte, menant à une impasse dont on tente aujourd’hui de sortir avec l’adoption du Traité de Lisbonne afin de relancer l’Europe néolibérale. Pendant ce temps, la gauche européenne se débat entre la confrontation et l’adaptation au néolibéralisme. Il existe d’une part une gauche qui s’adapte au social-libéralisme et qui abandonne définitivement la moindre idée de transformation de la société et d’autre part une gauche qui rejette le néolibéralisme dans une perspective de changement réel.
La situation actuelle, bien qu’elle offre certaines opportunités, présente d’importantes difficultés pour la gauche anticapitaliste. Il y a en premier lieu un déphasage important entre les résistances sociales, l’ampleur des mouvements sociaux, le potentiel antisistémique offert par le mouvement altermondialiste dans ses premières années, et la croissance organique des organisations politiques et syndicales de gauche. En second lieu, il existe un autre déphasage important entre la combativité exprimée dans les luttes et les résistances sociales et la conscience autour d’un projet de transformation socialiste de la société, ce qui rend problématique la traduction de ces luttes sur le terrain politique.
Bien qu’il ne soit pas possible de délimiter toutes les caractéristiques concrètes que doit avoir la gauche anticapitaliste aujourd’hui en Europe du fait de la diversité des situations nationales et des réalités organisationnelles, un critère central de délimitation est néanmoins possible entre elle et la gauche institutionnelle qui ne vise qu’à perpétuer le système, c’est celui de du rapport avec les « gouvernements progressistes ». Le refus de participer à des gouvernements sociaux-libéraux et l’indépendance politique vis-à-vis de ces derniers apparaissent comme des critères de démarcation sans équivoque. D’autres critères sont également nécessaires ; la démocratie interne, l’orientation envers les luttes et les mouvement sociaux, l’internationalisme, l’écologie, le féminisme, l’antiracisme, la défense des droits nationaux, etc.
Le rôle de la gauche révolutionnaire au sein de ces expériences anticapitalistes unitaires doit être de travailler loyalement afin de garantir leur consolidation, mais à partir de leur identité programmatique et stratégique propre et en mettant en avant et en défendant la nécessité de rompre avec le système capitaliste et ses institutions, sur base d’une perspective socialiste démocratique et autogestionnaire, avec la volonté permanente d’apprendre par le dialogue avec les autres courants et par le contact avec le mouvement réel, avec une mentalité ouverte et constructive.
La consolidation de courants révolutionnaires dans les organisations anticapitalistes de divers type est indispensable afin de leur donner un ancrage clairement à gauche et de prévenir les revirements dans les situations de reflux des luttes et des mouvements sociaux.
Après la victoire du PSOE du 14 mars 2004
Avec la victoire du PSOE aux élections du 14 mars 2004 et la constitution du gouvernement de José Luis Zapatero, une nouvelle situation politique s’est ouverte dans l’Etat espagnol se caractérisant par une série d’éléments fondamentaux ;
– Une situation économique expansive, reposant surtout sur les secteurs immobiliers et de la construction, ce qui accéléré les processus de déprédation et de saccage dans l’aménagement du territoire et dans les ressources énergétiques et hydriques. Cependant, dès à présent, une certain ralentissement est à l’œuvre du fait de l’épuisement et de la fragilité de ce modèle de croissance. Ce ralentissement est accentué par les effets, encore peu évalués, des turbulences financières internationales de ces derniers mois.
– Les mouvements sociaux qui avaient maintenu un haut niveau d’activité pendant la dernière étape du gouvernement du PP sont entré dans une période de reflux ou ont disparus.
– C’est au contraire un puissant mouvement de masses de droite, impulsé par le PP, la droite sociale et médiatique et l’Eglise catholique qui s’est articulé autour des axes suivants : opposition au processus de paix négociée avec l’ETA et la gauche nationaliste basque ; l’idée du caractère intangible de l’Espagne et la défense de l’Etat central contre les autonomies régionales, le refus du moindre pas vers la souveraineté du Pays Basque et de la Catalogne ; la défense de l’enseignement religieux et de l’école privée face à l’école laïque et publique ; le refus de réformes démocratiques profondes qui s’opposent à la conception catholique de la famille, comme la loi sur le mariage des homosexuels. Le PP a mené une opposition très dure, à la limite des positions et des méthodes de l’extrême droite classique.
– Bien que certaines revendications avancées par les mouvements sociaux dans la période précédentes ont été initialement adoptées, face aux mobilisations du PP, le PSOE a tremblé et a cédé de manière répétée, démontrant ainsi qu’il n’avait aucune idéologie alternative à celle de la droite. En termes généraux, la politique économique du PSOE a été très libérale et dans la continuité avec celle du passé, il n’est revenu sur aucune des mesures de privatisation et de marchandisation prises par les gouvernements Aznar.
– Izquierda Unida s’est maintenue tout au long de la législature à la remorque du PSOE, sans développer une politique indépendante de ce parti. La crise en son sein s’est poursuivie, accentuant la dérive électoraliste sans ancrage social et avec des pratiques organisationnelles bureaucratiques.
– Les possibilités offertes par la gauche anticapitalistes sont encore très faibles. Sa faiblesse explique que le processus de mobilisation sociale de l’étape précédente ne s’est pas traduit par une élévation substantielle de la conscience politique des secteurs qui y ont participé. Cependant, nous assistons à une certaine croissance de l’alternative anticapitaliste, bien que d’une manière extrêmement lente.
Les tâches stratégiques d’Espacio Alternativo
La résolution politique adoptée par le congrès souligne que, dans le contexte politique actuel, Espacio Alternativo doit relever trois défis stratégiques ;
1. Participer activement aux luttes et aux résistances sociales contre le néolibéralisme
Ce travail se concrétisera dans l’intervention dans les mouvements existants, dans l’ouverture de nouveaux fronts de luttes, dans l’enracinement local, dans les quartiers, les lieux de travail et d’étude. Espacio alternativo cherchera à combiner une orientation unitaire avec la défense de ses propres positions, en formulant des propositions tout en respectant la pluralité et l’indépendance des mouvements sociaux ; en oeuvrant patiemment à la reconstruction du tissu social et dans le développement à partir de la base de l’auto-organisation des travailleurs et de l’ensemble des secteurs sociaux opprimés. Elle cherchera à développer en leur sein les idées et les objectifs de la gauche anticapitaliste, alternative et socialiste.
2. Construire, renforcer et développer Espacio Alternativo
Avec l’objectif de renforcer la crédibilité et l’utilité de son projet, Espacio Alternativo participera aux mouvements sociaux et aux luttes existantes ; réalisera une apparition propre au travers de moyens de communication et renforcera son élaboration programmatique et stratégique.
3. Oeuvrer à la convergence de la gauche anticapitaliste
Il est nécessaire de construire une gauche alternative à la gauche gestionnaire du système, une « gauche de gauche » qui remplisse le vide politique existant aujourd’hui. Cette alternative devrait inclure une vaste gamme de secteurs, d’origines diverses, mais avec un accord minimum autour d’un programme d’action, d’une stratégie et d’une conception organisationnelle partagés.
Dans l’immédiat, les perspectives pour que puisse se cristalliser un processus de convergence significatif entre divers secteurs anticapitalistes sont très incertaines, les conditions nécessaires pour impulser des projets concrets dans ce sens dans l’ensemble de l’Etat n’existant pas. Cependant, ce n’est pas une raison pour qu’Espacio Alternativo adopte une attitude passive sur ce terrain.
Le travail, à ce niveau, reposera sur la défense de la nécessité de créer un pôle anticapitaliste dans l’Etat espagnol avec les critères précédemment exprimés, de mettre en valeur le travail réalisé par les courants de gauche dans les mouvements sociaux et de développer les relation et les discussions politiques avec ces différents courants et organisations de la gauche anticapitaliste.
Miquel Garcia
Sur la situation d’Izquierda Unida (IU) et les tâches d’Espacio Alternativo
Résolution adoptée par le Ve Congrès d’Espacio Alternativo
1. La grave situation que traverse IU depuis plusieurs années n’a fait que s’approfondir ces derniers temps. La dérive vers une formation purement électoraliste, sans ancrage social et avec des pratiques organisationnelles bureaucratiques, où le peu de forces militantes ne fait qu’accumuler les frustrations du fait d’assister en simples spectateurs aux décisions prises par un noyau de direction réduit, est irréversible.
L’orientation prise par dénommée « majorité fédérale » emmenée par Gaspard Llamazares est sans équivoque ; il s’agit de confirmer la conversion d’IU en un parti électoral professionnel, lâcher du lest idéologique, mettre de côté la direction du PCE (Parti communiste espagnol) et renforcer son profil de « partenaire fiable » pour une éventuelle participation gouvernementale.
La possibilité d’une refondation ou d’une reconstruction d’IU par la défaite de la majorité actuelle et de son remplacement par une nouvelle est quasi-nulle. Non seulement parce que la dégradation démocratique interne est allé trop loin, mais également parce que l’hypothétique nouveau bloc dirigeant serait hégémonisé par la fraction majoritaire du PCE, qui a déjà démontré, dans le passé avec le pacte PSOE-IU signé par Frutos et dans le présent avec le rapprochement avec le PSOE et les méthodes expéditives employées par la fédération andalouse d’Alcaraz, qu’elle n’a aucune crédibilité en tant qu’alternative de gauche.
Les changements dans IU ont été trop importants que pour pouvoir espérer une refondation de gauche de l’intérieur. La réalisation de cette tâche nécessite la convergence entre les secteurs de gauche d’IU et ceux qui sont à l’extérieur de cette organisation et qui font le pari de refonder une autre gauche, indépendante face au social-libéralisme.
2. La situation des courants de gauche au sein d’IU n’est pas non plus très favorable. Au cours de la VIIIe Assemblée fédérale, le courrant représenté par Convocatoria Andalucía, la CUT et Espacio Alternativo est parvenu à un accord afin de former une troisième liste face à celles de Llamazares et de Enrique Santiago/Alcaraz. Cependant, ce possible embryon de pôle des gauches n’a pas eu de continuité. Convocatoria por Andalucía s’est divisée entre ceux qui ont décidé de rejoindre l’un des deux camps dominants et ceux qui veulent maintenir une stratégie d’opposition (…). La CUT se retrouve dans une contradiction politique en maintenant une position critique formelle vis à vis de la direction tout en participant à cette dernière.
3. Les membres d’Espacio Alternativo qui interviennent dans IU ont maintenu une orientation d’opposition de gauche, tentant de parvenir à des accords avec les secteurs et les individus qui se situent à gauche dans l’organisation. Des déclarations publiques communes ont été adoptées sur diverses questions et l’on a tenté de donner corps à cette orientation au travers de réunions spécifiques du pôle anticapitaliste au sein d’IU (…). Malheureusement, malgré le bon travail réalisé, cette orientation ne s’est pas traduite en progrès effectifs qui puissent nous permettre de parler d’un processus de recomposition de l’aile gauche d’IU à l’échelle fédérale. Il reste cependant nécessaire de mener de nouvelles convergences entre les secteurs d’IU qui s’opposent aux rôle d’organisation subalterne au social-libéralisme incarné par la direction actuelle.
4. La résolution politique de notre Ve Congrès souligne que l’une des trois tâches fondamentales pour Espacio Alternativo dans la période politique que nous traversons est le nécessaire travail de convergence de la gauche anticapitaliste et de tous les secteurs à gauche de la gauche gestionnaire.
Il est nécessaire de construire dans l’Etat espagnol une gauche anticapitaliste qui défende les intérêts des classes populaires et qui combatte les réformes néolibérales, appliquées en alternance tant par la droite que par le social-libéralisme. Face au PSOE et à l’orientation d’IU, il faut construire un pôle de référence pour la gauche anticapitaliste, une « gauche de gauche » qui remplisse le vide politique existant aujourd’hui. Le refus de participer à des gouvernement sociaux-libéraux ou de leur donner appui est un des critères de démarcation essentiel d’identité de cette gauche anticapitaliste à construire dans l’Etat espagnol.
Cette alternative devrait inclure une vaste gamme de secteurs, d’origines diverses, mais avec un accord minimum autour d’un programme d’action, d’une stratégie et d’une conception organisationnelle partagés. Autrement dit ; une perspective anticapitaliste, une conception politique de l’organisation basée sur la démocratie interne, une orientation vers les luttes et les mouvements sociaux et une conception non-institutionnelle de l’activité politique, l’écologie, le féminisme, l’anti-racisme, la défense des droits nationaux et le droit à l’autodétermination des nations sans Etat, la lutte contre l’oppression pour cause d’orientation sexuelle, etc.
Pour autant, la stratégie de notre organisation doit s’efforcer de parvenir à cet objectif et d’adapter notre tactique afin de l’atteindre. Bien que certains secteurs ou membres d’IU peuvent faire partie de cette future recomposition anticapitaliste, l’analyse de la situation actuelle de cette organisation politique et de ses courants nous mène à la conclusion que cette composante ne sera pas la principale. La composante essentielle d’une nouvelle force anticapitaliste devra être trouvée dans la jeunesse précarisée, parmi les nouveaux prolétaires – les immigrés - , parmi les activistes des mouvements sociaux, parmi ceux et celles qui résistent et luttent quotidiennement contre système – bien qu’il faut reconnaître que nous partons d’un niveau de faiblesse énorme des mouvements sociaux et des collectifs de la gauche anticapitaliste.
En définitive, et en conclusion de cette analyse, les priorités dans la politique de construction d’Espacio Alternativo n’incluent pas la refondation d’IU. Dans ce sens, EA n’est plus un courant d’IU mais bien une organisation politique de la gauche anticapitaliste qui jouit d’une totale autonomie sur tous les plans. Cependant, un secteur de militants d’EA se maintien au sein d’IU afin de développer une tactique d’opposition de gauche et pour converger avec les secteurs et les personnes qui peuvent constituer des alliés dans la construction d’un pôle de gauche anticapitaliste.
Résolution approuvée par 73% des votes ; 12,5% contre et 14,5% d’abstention.