L’Italie est, une nouvelle fois, sous les feux d’une crise politique provoquée par l’arrêt du soutien au gouvernement d’un groupuscule centriste, dirigé par Clemente Mastella, un politicien véreux sous le coup d’une série d’enquêtes judiciaires. Mais le fond de la crise est l’isolement politique du gouvernement Prodi, la perte de sa base sociale. Après dix-huit mois seulement, le centre gauche, la mythique « Unione », qui devait « changer vraiment » l’Italie, connaît une banqueroute totale, résultat de sa politique libérale. Elle avait été élue pour mettre en œuvre une vraie rupture avec la droite et l’odieux populisme berlusconien. En fait, le gouvernement Prodi a confirmé l’engagement militaire de l’Italie aux côtés de l’impérialisme américain en Afghanistan, il a approfondi les contre-réformes libérales, notamment dans le domaine des retraites, et a il adopté de nouvelles mesures d’austérité. Cela a provoqué un désenchantement profond, une perte de confiance dans les forces de gauche, mais aussi dans la politique, des désillusions et des débuts de démoralisation dans le mouvement ouvrier. Une fois de plus, ce type de politique sert la droite et prépare le retour du berlusconisme. Aujourd’hui, les sondages donnent une majorité écrasante à la coalition des forces de droite.
Nos camarades de la Gauche critique (Sinistra critica) avaient pourtant prévenu qu’on ne pouvait faire de politique de gauche avec un gouvernement dirigé par Romano Prodi, ancien commissaire de la très libérale Union européenne. Celui-ci a confirmé, sans surprise, ce pronostic : c’est un démocrate chrétien et un libéral. La direction du Parti de la refondation communiste, de Fausto Bertinotti, qui a soutenu ce gouvernement, porte donc une responsabilité particulière dans ce désastre. Il s’agissait, pour lui, d’échanger son soutien au gouvernement Prodi contre de nouvelles positions dans les institutions de l’État, reprenant ainsi une longue tradition du « togliattisme » [1], celle d’une alliance avec la bourgeoisie progressiste permettant d’arracher quelques compromis et une plus grande intégration dans la vie politique et institutionnelle italienne. Aujourd’hui, on voit le bilan de cette politique : pas de réformes, mais des réformistes avec des contre-réformes libérales.
Comme il n’y a pas de consensus sur une nouvelle loi électorale qui donnerait la prime aux grands partis, de nouvelles élections auront lieu dans les mois qui viennent avec une droite à l’offensive et une gauche en débandade. Dans ces conditions difficiles, nos camarades de la Gauche critique ont décidé de soumettre à la discussion deux propositions.
D’abord, un plan de résistance sociale et politique, avec la préparation de mobilisations et d’un pacte contre la guerre et la précarité. Nos camarades proposent une manifestation nationale contre le nouveau contrat souhaité par le patronat de la métallurgie, échangeant plus de flexibilité contre l’augmentation des salaires, une nouvelle manifestation nationale contre la guerre et une grande démonstration de force, qui pourrait avoir lieu le 1er mai, contre la précarité et pour des augmentations de salaires.
Ensuite, dans la perspective d’une « Constituante anticapitaliste », la formation, pour les prochaines élections législatives, d’une liste anticapitaliste plurielle, d’une gauche indépendante du Parti démocrate – centre gauche –, « indisponible », comme disent nos camarades italiens, pour l’alliance avec le centre gauche mais « disponible » à toutes les forces qui recherchent aujourd’hui une convergence sur une plateforme d’action anticapitaliste.