Depuis des mois, le pouvoir d’achat et les salaires constituent la première préoccupation de l’ensemble de la population, devançant les questions d’emploi, de chômage, de retraite et de santé. Le candidat Sarkozy l’avait bien compris et il avait réussi à se faire passer pour le futur « président du pouvoir d’achat » avec son fameux slogan « travailler plus pour gagner plus ». Huit mois après sa victoire, son discours fait désormais « pschitt ». Peu de salariés croient encore en ses promesses, et nous sommes nombreux à avoir compris que sa politique consistait à donner aux riches, à prendre aux pauvres et qu’il était bel et bien le président du « pouvoir patronal ».
Aujourd’hui, les fins de mois des salariés, du privé comme du public, sont de plus en plus difficiles à boucler. Pour les chômeurs et les retraités, c’est encore pire. Avec la hausse des prix qui s’accélère, touchant en particulier les dépenses incontournables telles que les produits alimentaires, les transports, le chauffage, l’eau, le logement ou encore le gaz… La situation sociale s’aggrave, pour la majorité d’entre nous, et elle n’est pas prête de s’améliorer, bien au contraire. Comment faire face à ces augmentations, quand nos salaires stagnent depuis 1978 (selon les chiffres officiels de l’Insee) ? Comment faire face à ces augmentations quand on est au Smic, au RMI ou retraités ?
Alors qu’il est intarissable sur de nombreux sujets comme la religion, la civilisation, l’insécurité, l’immigration, Sarko 1er, depuis le début de l’année, est franchement peu causant sur les salaires et le pouvoir d’achat. Éviterait-il le sujet ? Lui qui nous avait promis d’agir, d’aller « chercher avec les dents la croissance », ne peut désormais rien faire ou pas grand-chose pour le pouvoir d’achat et nos salaires. On aurait même pu avoir les larmes aux yeux, quand il a annoncé que les caisses de l’État étaient vides et qu’il ne pouvait donner d’ordres à ses amis milliardaires et actionnaires. La seule proposition qui nous est donc faite, pour augmenter notre pouvoir d’achat, consiste à travailler plus et plus longtemps en nous taxant de plus en plus (franchises médicales, TVA « sociale »…).
La baisse du pouvoir d’achat, c’est le résultat de la baisse des salaires, de la généralisation de la précarité, des p’tits boulots et des temps partiels imposés – particulièrement aux femmes – dans la plupart des secteurs, y compris publics. Et ce ne sont certainement pas l’allongement de la durée légale du travail, la multiplication des heures supplémentaires, le travail du dimanche ou les primes d’intéressement qui amélioreront nos conditions de vie, bien au contraire. Pourtant, face à la baisse générale du pouvoir d’achat, il ne peut y avoir qu’une seule réponse possible. Mais celle-là, le gouvernement et le patronat n’y pensent même pas : c’est une augmentation générale des salaires ! 300 euros net tout de suite et aucun revenu en dessous de 1 500 euros net !
Les moyens pour y arriver ne manquent : en 25 ans, la part des salaires dans les richesses créées a baissé de 10 % – près de 170 milliards d’euros, passés annuellement des poches des salariés à celle des patrons ! En reprenant 170 milliards sur les profits, on pourrait augmenter l’ensemble des salaires. Il suffit de répartir les richesses autrement et de taxer les profits qui explosent. Augmenter les salaires, c’est une manière de reprendre une partie ce que les capitalistes nous volent à longueur d’année. Une augmentation des salaires, pensions et minima sociaux, de 300 euros net est pourtant possible. Mais, pour cela, il n’y aura « pas de miracles », il faudra faire payer les riches. C’est une question de répartition des richesses et de rapport de force.
Les salariés l’ont bien compris. Depuis des mois, les luttes et les mobilisations autour de la question des salaires s’amplifient et se développent. Que se soient les salariés d’Air France, de Darty, de Carrefour, de Téléperformance ou de la fonction publique, l’augmentation des salaires est au cœur de la résistance sociale, et elle est une question où les convergences sont possibles.
Encore une fois, les directions syndicales nous appellent en ordre dispersé : mardi 22 janvier, contre la réforme des régimes spéciaux, jeudi 24, pour les salariés du public contre les suppressions de postes et pour les salaires puis, début février, pour ceux du privé…
Pourtant, ce qui a fait la force du mouvement de cet automne, c’est la détermination des cheminots à se battre tous ensemble, c’est la jonction avec les autres salariés, le 18 octobre et le 20 novembre. Le mécontentement contre la politique de Sarkozy grandit. Les luttes pour les salaires ou pour l’emploi se développent. Ces résistances ne doivent pas être gâchées, dispersées. Au contraire, elles doivent converger vers un mouvement d’ensemble, seul capable de faire reculer le gouvernement et le Medef.
Joséphine Simplon
Les impatiences d’Éric Le Boucher
Il faut toujours lire les chroniques d’Éric Le Boucher dans Le Monde. L’idéologue célébrant hebdomadairement la loi du marché dans les colonnes du journal de la branchitude néolibérale révèle souvent les doutes, les impatiences ou… la réalité des attentes de nos élites.
Dans l’édition des 20 et 21 janvier du quotidien vespéral, sous le titre éloquent « Sarkozy, la civilisation et la cohérence », M. Le Boucher y va donc des réserves que lui inspirent les « emprunts » du président de la République au philosophe Edgar Morin. « Sérieux, nous dit-il. Personne ne doute qu’Edgar Morin est un penseur intéressant. Mais que Nicolas Sarkozy le reçoive et adopte brutalement sa “politique de civilisation” pour nous en bassiner depuis Noël, en France comme à l’étranger, alors là, on reste interloqué. »
Ce n’est toutefois là que le hors-d’œuvre. L’éminent commentateur se livre ensuite à une charge appuyée contre la décision gouvernementale d’opérer un moratoire sur les cultures de maïs OGM en plein champ. « Voilà l’incohérence, vitupère-t-il : comment Nicolas Sarkozy peut-il vouloir remettre la France sur les rails du dynamisme et du risque et Nicolas Bové interdire les OGM ? »
Le plat de résistance porte sur le cœur de la politique sarkozyenne. À propos du pouvoir d’achat, il s’interroge : « Pourquoi diable […] le président s’est-il enferré dans cette impasse de promettre du pouvoir d’achat alors que ce n’est pas le problème de la France et qu’il n’a aucun moyen pour tenir sa promesse, comme il l’a reconnu lors de sa conférence de presse ? » Pour conclure, sous la forme d’une exhortation épousant l’attente des plus hauts dirigeants du Medef : « Entre la politique économique dite de la demande et celle de l’offre, il est temps pour Nicolas Sarkozy d’établir une cohérence. »
D’un trait, Le Boucher aura résumé l’incertitude du moment politique présent. Si possédants et élites font bloc derrière l’élu du 6 mai 2007, auquel ils savent gré d’avoir « décomplexé » le camp conservateur, ils s’inquiètent de ses possibles hésitations ou de ses postures démagogiques face au « trou d’air » qu’il subit dans les sondages. Ils l’enjoignent de poursuivre, sans hésitation, dans la voie de la destruction sociale. La lutte des classes, M. Le Boucher nous en démontre chaque semaine l’actualité…
Christian Picquet
Krach de civilisation
Le krach annoncé a éclaté. Lundi 21 janvier, l’ensemble des places boursières de la planète a chuté. Moins 6,83 % pour le CAC 40, qui a perdu près de 15 % depuis le début de l’année. Un vent de panique souffle sur la finance mondialisée. Chacun s’empresse de vendre pour réaliser ses plus-values, avant que la chute ne soit plus sévère... La tendance à la baisse est aussi irrationnelle que la hausse qui avait lieu depuis 2003. Sous les effets de la drogue du profit, l’euphorie spéculative cède la place à la nervosité, puis à la panique. Après la surchauffe entretenue par la spéculation à la hausse, l’économie mondiale entre dans une phase de récession, dont personne n’est à même de connaître les rythmes ou la profondeur. De la crise des « subprimes », les crédits hypothéquaires, aux Etats-Unis, à la crise financière globalisée, c’est la contradiction de l’économie de marché qui est à l’œuvre : sous le fouet de la concurrence, les capitalistes produisent, grâce au crédit, comme si le marché était illimité alors que, dans le même temps, ils augmentent sans cesse leurs profits, en prenant sur le pouvoir d’achat des travailleurs et de la population. Jusqu’au moment où l’envolée des profits se heurte aux limites du marché. Et c’est le krach, la récession.
La mondialisation financière a conduit à une telle globalisation que ce qui se passe aux Etats-Unis se répercute quasi immédiatement à l’ensemble de la planète. Les maîtres du monde sont impuissants face à la logique d’un système dont ils sont les jouets. La ministre de l’Économie, Christine Lagarde, préconise un « effort de clarté et de transparence », alors que Dominique Strauss-Kahn, reçu par Sarkozy, se déclare en « convergence » avec lui... Phrases creuses, aveux d’impuissance, les people de la finance réunis à Davos n’ont rien à dire. La solution à la crise globalisée de la civilisation capitaliste, c’est la lutte pour défendre les droits sociaux et démocratiques du monde du travail, afin que les richesses produites ne soient pas gaspillées ou détruites par une minorité irresponsable. Conjurer la catastrophe que nous préparent les maîtres du monde, c’est se battre pour les salaires, pour une autre répartition des richesses, pour le contrôle de la population sur l’économie, les banques et l’État. Il y a urgence.
Yvan Lemaitre
Davos… au cœur de la crise
Davos, François Fillon participe au sommet mondial des patrons, des financiers. Il est accompagné de la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, et du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Grande première, paraît-il, un Premier ministre d’un gouvernement français participe au sommet de la world economy. « France is back », tel serait le mot d’ordre du gouvernement et des patrons, qui font le déplacement et qui ont le bonheur de pouvoir croiser, en Suisse, Jacques Attali et Dominique Strauss-Kahn… Avant le départ, Bercy a réuni toute la petite bande qui est du voyage, chargée de « vendre » la France et d’illustrer l’esprit gagnant de la pensée sarkozyenne... Les prétentions ridicules de « l’équipe française » auront quelques difficultés à attirer l’attention.
À l’heure où s’ouvrait le forum, l’économie mondiale connaissait une nouvelle phase aiguë de la crise du capitalisme mondialisé. Depuis lundi 21 janvier, c’est la panique sur les places boursières. Wall Street, Paris, Londres, Tokyo, Shanghaï connaissent de fortes baisses. Le plan de relance annoncé par Bush pour éviter une récession aux États-Unis ne convainc pas les fonds d’investissement. Inquiets, ces derniers vendent, pour réaliser leurs plus-values, et c’est la réaction en chaîne sur toutes les places boursières du monde…
L’économie mondiale est ainsi menacée d’une récession globalisée. Les financiers, patrons et hommes politiques pourront philosopher sur l’impossibilité de réguler leur propre système, le réchauffement climatique et autres menaces que la folie capitaliste fait peser sur la planète. Ils ne pourront que nous convaincre de leur impuissance et de la nécessité d’une transformation révolutionnaire de la société.
FOUTAGE DE GUEULE. La secrétaire d’État à la Ville, Fadela Amara, était censée voler au secours des quartiers populaires pour le compte de Nicolas Ier. Finalement, à la suite des dissensions qui l’ont opposée à sa ministre de tutelle, Christine Boutin, le plan « Banlieues » ne sera dévoilé que le 8 février. Cela n’empêche pas l’ancienne conseillère socialiste de Clermont-Ferrand de dévoiler la profondeur de sa pensée politique, dans Le Parisien du 22 janvier : « Nous allons ramener le beau dans les cités. » Et l’emploi, les services publics, l’école, les logements décents attendus, les transports, le pouvoir d’achat des familles, l’arrêt des discriminations ?