Pour José Bové et la quinzaine de militants anti-OGM qui sont en grève de la faim à Paris depuis six jours pour obtenir la suspension des culture transgéniques en France, ce mardi aura été une journée riche en rebondissements. Avec une bonne nouvelle finale : ils ont obtenu le report du projet de loi sur les OGM après les élections muncipales, ce qui laisse supposer que Paris va faire jouer la « clause de sauvegarde » pour le maïs Monsanto 810.
Premier épisode. Ce matin, c’est Nicolas Sarkozy lui-même qui intervient dans le dossier, en promettant, lors de sa conférence de presse à l’Elysée, que la clause de sauvegarde sur les cultures transgéniques serait activée « en cas de doutes sérieux » sur ces cultures.
« Si le comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM qui doit se prononcer mercredi sur le mais MON810, seul OGM cultivé en France, soulève des doutes sérieux, je suis disposé à recourir à la clause de sauvegarde jusqu’à ce que la Commission européenne tranche le problème », précise le Président. Il ajoute : « Le Grenelle de l’Environnement sera respecté scrupuleusement ».
Les pouvoirs publics ont en effet assuré à plusieurs reprises durant le Grenelle qu’ils recourraient à la clause de sauvegarde. Or en décembre, le gouvernement a finalement décidé une simple suspension hivernale des semences OGM jusqu’au 9 février, date à laquelle devait être close la discussion sur le projet de loi.
Deuxième épisode, la douche froide. 16 heures, ministère de l’Agriculture. Une délégation des grévistes de la faim composée de José Bové et de deux autres paysans, Yves Manguy et Jean-Marie Loury, est reçue par le ministre Michel Barnier.
Une fois la délégation sortie de son bureau, lorsque le ministre reçoit les journalistes, son énervement est évident. Il fait part du « désaccord assez profond » qui l’oppose au leader altermondialiste. Il reproche à José Bové une « opposition trop systématique, idéologique » aux OGM.
Michel Barnier explique alors que la décision de solliciter la clause de sauvegarde sera prise par le gouvernement « dans les jours qui viennent » en fonction des conclusions que rendra la Haute autorité provisoire sur les OGM « sur la base d’un argumentaire scientifique détaillé, mercredi ou jeudi ». Puis, explique-t-il, c’est la Commission européenne qui devra « valider ou non » cette décision.
Ecartelé entre ses convictions personelles, la déclaration matinale du Président de la République, les vives réactions de la FNSEA, le principal syndicat agricole, opposé à tout moratoire, et les pressions des grandes fiirmes semencières, le ministre est mal à l’aise.
Michel Barnier se déclare en tout cas opposé à tout report de la discussion parlementaire relative au projet de loi sur les OGM qui doit débuter dans une semaine, le 15 janvier. Une requête faite par José Bové pendant l’entretien. Selon le leader paysan, les « conditions d’un débat serein » ne sont pas réunies, la discussion parlementaire devant se faire en un temps très court et sans navette entre les deux chambres pour être close avant le début de la campagne pour les municipales, le 9 février.
Troisième épisode. La bonne nouvelle.
A 18 heures, le ministre de l’Ecologie Jean-Louis Borloo annonce devant la commission des Affaires économiques du Sénat le retrait du projet de loi sur les OGM.
Selon le rapporteur du projet de loi, le sénateur UMP de la Manche Jean Bizet, c’est la faute à Bové. « Surpris et déçu », il estime que le retrait du projet résulte des « pressions » exercées par josé Bové, en grève de la faim contre les OGM.
Même protestations de la part de la FNSEA, qui déplore une « reculade du gouvernement ». « C’est de la politique-spectacle », dénonce Jean-Michel Lemétayer, le secrétaire général du premier syndicat agricole.
Le projet de loi est retiré « en attendant l’avis du Comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM », qui doit se prononcer mercredi ou jeudi sur le Mon810 , explique-t-il. Un avis qui, selon lui, devrait déboucher sur une décision du gouvernement de faire jouer la « clause de sauvegarde », ce qui retirera toute urgence au projet de loi.
"Ca va dans le bon sens », se réjouit José Bové. Mais les militants anti-OGM sont déterminés. ils l’ont dit et répété depuis six jours : ils ne cesseront leur grève de la faim qu’une fois la demande de clause de sauvegarde envoyée à Bruxelles par Paris.
Eliane Patriarca
Borloo annonce le retrait du projet de loi sur les OGM
Ce texte qui devait venir en dicussion au Sénat le 15 janvier est retiré et reporté après les élections municipales.
Le ministre français de l’Ecologie Jean-Louis Borloo a annoncé cet après-mid devant la commission des Affaires économiques du Sénat le retrait du proje de loi sur les OGM, qui devait venir en discussion au palais du Luxembourg l 15 janvier. La discussion est donc reportée après les élections municipale de mars
La décision a été annoncée alors que José Bové et deux autres grévistes de la faim anti OGM venaient de sortir du bureau du ministre de l’Agriculture, Michel Barnier. Ce dernier s’était d’ailleurs déclaré opposé à tout report de la discussion parlementaire sur le projet de loi.
Le ministre de l’Environnement a annoncé le retrait de ce texte controversé au cours de son audition cet après-midi par la commission sénatoriale, en compagnie de la secrétaire d’Etat à l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet.
Selon le rapporteur du texte Jean Bizet (UMP), qui s’est déclaré « surpris et déçu », le projet de loi est retiré « en attendant l’avis du Comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM », qui doit se prononcer demain soir ou jeudi matin sur le Mon810, le seul OGM cultivé en France.
Cet avis, estime-t-il, devrait déboucher sur une décision du gouvernement de faire jouer la « clause de sauvegarde » auprès de Bruxelles ce qui retirera toute urgence au projet de loi.
Pour Jean Bizet, c’est clair : c’est la faute à Bové. Le retrait du projet de loi résulte des « pressions » exercées par José Bové, en grève de la faim contre les OGM, a-il déploré, moquant in petto la bise faite par Nathalie Kosciusko-Morizet au leader altermondialiste, jeudi dernier, au ministère de l’Ecologie. « La démagogie l’emporte sur la démocratie », a-t-il lancé, amer.
« Ca va dans le bon sens, s’est réjoui José Bové qui reste néanmoins »prudent« , au sixième jour de sa grève de la faim. »La facon dont le projet de loi était engagé, avec seulement un jour et demi de discussion au Sénat, un jour à l’Assemblée et pas de navette, n’aurait pas permis un débat serein et approfondi."
A l’inverse, la FNSEA, le principal syndicat agricole français, qui plaidait pour la culture du MON 810, a déploré « une reculade du gouvernement ».
Du côté de la fédération France Nature Environnement qui regroupe 3000 associations de protection de la nature, l’une des neuf ONG qui a participé au Grenelle de l’Environnement, on se réjouit : C’est « une excellente nouvelle », estime son porte parole, Arnaud Gossement, selon lequel : « L’urgence, c’est le royaume des lobbies ».
Pour le responsable de la campagne anti-OGM de Greenpeace, Arnaud Apoteker, « si la clause de sauvegarde est bien activée, c’est très bien d’avoir le temps de débattre et de permettre aux acteurs concernés d’apporter leur point de vue ».
La France a pris un retard considérable dans la transcription de la législation européenne sur les OGM, qui aurait du être transposée depuis 2002. Un précédent projet de loi sur les OGM aavait été retiré l’an dernier après un examen par le Sénat. Puis pour calmer Bruxelles et éviter une amende, Paris avait recouru, juste avant l’élection présidnetielle en mai dernier, à deux arrêtés, transposant partiellement la directive.
Eliane Patriarca avec AFP
OGM : Bové « prudent » après la déclaration de Sarkozy
Le Président de la République s’est dit prêt à recourir à la clause de sauvegarde sur les OGM « s’il y a des doutes sérieux » sur ceux qui sont cultivés en France.
Le leader altermondialiste José Bové s’est déclaré « prudent » et « circonspect » sur l’activation par la France de la clause de sauvegarde sur le OGM, que Nicolas Sarkozy s’est dit disposé à mettre en œuvre s’il y avait de « doutes sérieux » sur ceux cultivés en France.
« Je reste prudent quant à la suite. La clause de sauvegarde était un engagement et d’une certaine manière le président de la République le confirme puisqu’il a parlé du respect des engagements du Grenelle », a indiqué José Bové, en grève de la faim depuis jeudi dernier.
Or, a-t-il ajouté, « la question de fond qu’on a posée, c’est la question de la parole donnée et qui doit être respectée. Je suis très circonspect ».
« Le fait que le président de la République lui-même évoque la question de la clause de sauvegarde, montre que cette question, qui motive notre grève de la faim, est une question importante puisque c’était un engagement du Grenelle », a estimé José Bové.
Le Comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM doit se prononcer mercredi ou jeudi sur le Mon810, seul OGM cultivé en France.
José Bové, qui doit être reçu cet après-midi par Michel Barnier, le ministre de l’Agriculture, a indiqué avoir « du mal à imaginer que la Haute autorité puisse décider que le Mon810 ne pose aucun problème vu tous les rapports qui existent et démontrent l’inverse ».
Eliane Patriarca avec AFP
Reportage
Au fil des heures, avec José Bové et les jeûneurs volontaires
Rue de la Banque à Paris, hier à midi, après les annonces de Nicola Sarkozy, le scepticisme demeure. « C’est marrant, il a l’air de dire qu’il est d’accord avec nous. Mais entre l’air et la musique… » sourit un des Faucheurs volontaires en grève de la faim depuis jeudi pour l’application de la clause de sauvegarde sur le maïs OGM (lire ci-contre). « Ça a l’air plutôt favorable, décrypte un autre. Mais est-ce qu’il pense ce qu’il dit ? Avec eux, on ne peut jamais savoir. » Suspendue à la clause, cette grève peut s’achever demain... ou continuer jusqu’à début février. Depuis la semaine dernière, pendant que José Bové enchaîne les rendez-vous médiatiques, les jeûneurs s’organisent dans les quelques pièces du premier étage de l’immeuble occupé par le DAL (Droit au logement). Libération les a suivis lundi.
Barbe. Ce matin-là, au réveil, il est d’abord question de santé. La vingtaine de grévistes passent sur la balance, presque tous ont perdu un kilo depuis la veille. La plupart se sentent pourtant mieux que lors des trois premiers jours. Dominique recueille les informations santé. « Cette grève peut durer six à sept semaines. On ne peut pas la gérer n’importe comment », note cette chef d’entreprise, militante chevronnée, désignée pour être la « chef d’orchestre » et la coordinatrice médicale.
A 10 heures, « tous les non-grévistes sortent », la réunion commence, sans Bové, qui participe à un débat pour un magazine. Autour de la table, la barbe est de rigueur, les traits tirés. On règle le quotidien : heures d’ouverture des locaux, vie de groupe, problèmes de sommeil. Agés de 21 à 75 ans, ces hommes et femmes venus de toute la France vivent ensemble toute la journée, dorment côte à côte dans la même pièce. Quelques tensions se font jour.
Arrivent les questions de fond : « J’ai eu le groupe de Clermont, il voudrait des précisions sur la stratégie. » Le mouvement doit-il cesser si la clause de sauvegarde est appliquée, au risque de casser la dynamique ? « La parole de José y a répondu, tranche un participant. L’objectif de la grève, c’est la clause. Quand une décision est prise, on s’y tient tous. » Les grévistes approuvent. Il faut aussi gérer les visiteurs, qui parfois se pointent n’importe quand, alors que les jeûneurs fatiguent. Dimanche, la journée a été « horrible, bruyante ». Mais l’action « a besoin de tous les soutiens pour faire pression ». Royal est venue le premier jour, des élus verts ce week-end, on espère Hollande, Lepage…
A midi, c’est Marie-Christine Blandin qui annonce l’arrivée de José Bové. La sénatrice verte a convoqué une conférence de presse pour apporter son soutien à l’action « d’utilité publique ». En un instant, la pièce est trop exiguë pour contenir les journalistes. A côté, Bové est interviewé par une télé coréenne. Jacques Muller, sénateur vert, est présent : « Une telle grève de la faim doit être soutenue parce que vous visez un objectif atteignable. »
En début d’après-midi, un groupe se rend Gare de Lyon accompagner trois grévistes qui partent vers Clermont-Ferrand « allumer d’autres feux ailleurs », dit l’un d’eux. La délégation chante, apostrophant des passagers interloqués : « C’est pour vous que nous faisons la grève de la faim. Pour vous et vos enfants. »
Shiatsu. Rue de la Banque, tout est calme. Dans le dortoir, une masseuse shiatsu détend les endoloris. Des élus du Val-de-Marne abordent des sujets concrets : cantines bio, aide aux agriculteurs. Bové rappelle le projet de manifestation devant le Sénat mardi 15 janvier, en « allumant des bougies pour éclairer les sénateurs ». Dans la salle informatique, Yves Manguy lit la Charente libre sur Internet. Le maire de Landigny (Charente), à presque 71 ans, ex-porte-parole de la Confédération paysanne, qui jeûne lui aussi, pointe l’enjeu financier des OGM, « verrou définitif que les semenciers ont programmé, pour rendre les paysans dépendant ». Dans la pièce principale, la fatigue gagne, on discute en petits groupes en attendant le médecin. Deux grévistes rêvent en comparant les mérites de l’œuf au plat et de l’omelette.
GUILLAUME LAUNAY
Vers la suspension du maïs Mon 810
Le ministre de l’Ecologie a annoncé hier le retrait du projet de loi sur le OGM qui devait être débattu au Sénat à partir du 15 janvier. Il s’agi d’attendre l’avis du comité de préfiguration de la Haute Autorité sur le OGM, qui se réunit aujourd’hui à Paris pour décider si la clause d sauvegarde européenne doit être activée - ce qui suspendrait la culture d maïs Mon 810 et retirerait toute urgence au projet de loi.
Hier, dans son discours, Nicolas Sarkozy s’est dit « disposé à recourir à la clause » en cas de « doutes sérieux ». Hier, soir un proche du dossier considérait celle-ci comme acquise. Le retrait du projet résulte des « pressions » exercées par José Bové a dénoncé hier le rapporteur du texte, Jean Bizet (UMP), pour qui « la démagogie l’emporte sur la démocratie ». Pour la FNSEA, le principal syndicat agricole, « l’agitation politico-médiatique ne doit pas remplacer l’expertise scientifique » et « la France ne peut pas faire cavalier seul en Europe » sur les OGM.