• Comment s’est déroulé le Grenelle de l’environnement, à propos de la question des OGM ?
Arnaud Apoteker – L’intergroupe dédié aux OGM s’est réuni trois fois. Il a donné lieu à un compte rendu qui devait indiquer les points de consensus : le caractère incontrôlable des OGM, et la nécessité de préserver le droit de produire et de consommer sans OGM. De son côté, l’industrie agroalimentaire mettait en avant une mesure décrétant le droit à produire des OGM. Ce compte rendu faisait donc état des dissensions existantes entre l’industrie et les associations. L’arbitrage des tables rondes a ensuite indiqué que la France allait appliquer la clause de sauvegarde auprès des instances européennes, afin de suspendre l’autorisation commerciale du MON 810 [NDLR : distribué par la filiale du groupe agrochimique américain Monsanto], seul maïs OGM autorisé en France. À l’issue du Grenelle, le ministre de l’Écologie, Jean-Louis Borloo, et Nicolas Sarkozy ont déclaré qu’ils allaient suspendre les maïs pesticides, dont le MON 810. Là-dessus, Borloo s’est engagé à activer, au niveau européen, la clause de sauvegarde, c’est-à-dire à suspendre formellement la mise sur le marché de ce maïs auprès des autorités de Bruxelles. À la place de cet engagement – qu’il avait également contracté devant les députés –, le gouvernement a sorti un simple arrêté, donc sans notification européenne, qui ne fait que suspendre la culture de maïs MON 810 jusqu’au 9 février ! D’un point de vue pratique, cela n’a strictement aucun effet, car on ne cultive pas de maïs en hiver. Le gouvernement, malgré ses dénégations, semble donc tout préparer pour que les cultures puissent reprendre en 2008. On a vraiment l’impression d’avoir été complètement trahis sur les OGM, par rapport aux engagements du Grenelle. Les décisions prises sont remises en cause et, en fait, rien ne change.
• Une grève de la faim doit commencer le 3 janvier pour obtenir un moratoire sur les OGM. Est-ce que vous y apportez votre soutien ?
A. Apoteker – L’opposition aux OGM a pris de nombreuses formes, qui ont tenté de se manifester lors du Grenelle, sans toutefois être écoutées. Aujourd’hui, une loi en préparation va légaliser la contamination génétique. Cette grève de la faim fait partie de l’ensemble des moyens de pression que les associations essaient d’exercer sur le gouvernement, afin d’empêcher qu’il y ait des OGM en 2008. De ce point de vue, on s’inscrit complètement dans cette démarche.
• De quels autres moyens d’action disposez-vous pour faire pression sur le gouvernement ?
A. Apoteker – Les modes d’action sont extrêmement divers. Greenpeace a ainsi déversé du maïs devant le QG de Sarkozy, alors qu’il était en campagne présidentielle ; elle a également tendu des banderoles sur l’Arc de Triomphe, à la veille des tables rondes du Grenelle. Ces actions permettent de marquer l’opinion publique et de pousser les citoyens à faire pression sur les responsables politiques, aussi bien au niveau français qu’au niveau européen. Il y a aussi les interpellations ciblées des députés, au sujet de la loi qui leur sera soumise prochainement. Ces interpellations ont pour objectif de pousser les députés à ce qu’ils évitent de laisser passer une loi légalisant la contamination génétique, en autorisant la coexistence de cultures conventionnelle, bio et génétiquement modifiée. C’est un travail à mener rapidement, car le projet de loi va sans doute être présenté au Conseil des ministres du 19 décembre, afin de passer devant les Chambres en janvier et d’être adoptée avant le 9 février.
• Vous faites donc aussi du lobbying parlementaire ?
A. Apoteker – Deux choses sont à distinguer. Il y a l’effort que l’on fait, en ce moment, dans les suites du Grenelle, car tout n’est pas fini. On continue à se battre jusqu’au bout, et c’est pour cela qu’on est solidaire d’autres types d’actions qui vont dans le même sens. La demande d’appliquer la clause de sauvegarde ne s’est traduite, pour l’instant, que par cet arrêté ridicule. Pourtant, rien n’empêcherait que le gouvernement écrive demain à Bruxelles, pour notifier à la Commission européenne qu’il applique la clause de sauvegarde au vu, comme le requiert la législation européenne, de nouveaux éléments scientifiques – ceux-ci sont très nombreux. C’est là-dessus qu’il faut exercer le plus de pression possible. C’est un effort à mener à court terme, qui doit se faire très vite si on veut empêcher la culture des OGM en 2008. Simultanément, et c’est ce qui est difficile pour les associations, il faut faire tout ce travail sur la loi qui va être votée prochainement. Il s’agit de deux niveaux différents d’intervention. Car les députés, eux, ne peuvent pas faire grand-chose au sujet de la clause de sauvegarde, sinon aller eux-mêmes manifester pour dire qu’il faudrait que la France la fasse appliquer.
• Pensez-vous qu’il y ait un risque de répression accrue sur les militants depuis ce Grenelle ?
A. Apoteker – C’était dit en demi-teinte dans le discours de Sarkozy, lorsqu’il a conclu le Grenelle. D’un côté, il a reconnu, et cela n’avait jamais été fait aussi loin par un gouvernement, qu’il y a des doutes sur la sécurité des OGM et qu’il était en faveur de la suspension des OGM pesticides. Mais, de l’autre, il laissait entendre, qu’en revanche, les actions violentes doivent être réprimées plus sévèrement. Le gouvernement fera peut-être un effort de communication pour justifier cette montée répressive, en disant qu’il a dialogué, qu’il a signé un contrat avec les associations, et donc que des mouvements plus radicaux n’auront plus lieu d’être. Simplement, aujourd’hui, le Grenelle ne peut pas servir d’alibi. La clause de sauvegarde, qui est un symbole majeur du Grenelle, n’est même pas mise en œuvre. Il y a une inquiétude, j’imagine, pour l’ensemble des associations. Et l’on peut aujourd’hui la partager, pas seulement en ce qui concerne les questions d’environnement.