Les obstacles n’ont pas manqué. Dès le début, la mobilisation des étudiants et des lycéens a fait l’objet d’une répression importante : charges de CRS et de gendarmes contre les piquets de grève, fermetures administratives de facs… Elle n’a bénéficié d’aucun soutien des partis de gauche institutionnels, le PS ayant toujours été pour cette loi. La direction de l’Unef, après avoir hésité à mettre ses forces dans la bataille, est allée négocier la fin du mouvement, en échange de quelques miettes. Elle appelle désormais à la reprise des cours.
Mais, tout comme les cheminots, les étudiants et les lycéens ne sont pas défaits. Même si nous sommes conscients qu’il sera difficile d’obtenir l’abrogation de la LRU dans les semaines à venir, nous n’avons pas perdu la guerre contre ce gouvernement. Ce mouvement nous a redonné confiance dans notre capacité à lutter, et nous avons prouvé qu’il était possible de résister à Sarkozy.
Le gouvernement n’a, pour le moment, pas cédé sur le retrait de la loi, mais il a été obligé d’accorder certaines avancées (rallonge budgétaire de 5 milliards d’euros, augmentation des bourses, rétablissement d’un « cadre national des diplômes »). Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ces mesures, car elles ne remettent pas en cause le cœur de cette loi, à savoir l’ouverture aux financements privés et l’autonomie de gestion du budget par les présidents d’université. Le gouvernement a juste essayé de faire taire une mobilisation qui lui faisait peur.
Partout, des assemblées générales ou des comités de mobilisation continuent de se réunir, plusieurs lycées sont encore bloqués. Mais l’heure ne doit pas être à la reprise de notre « train-train » quotidien. Notre priorité est de faire le bilan des forces et des faiblesses de cette mobilisation pour préparer les batailles à venir dans les meilleures conditions possibles. Pour gagner, nous devons chercher à être le plus possible en grève et en manifestations. Nous devons chercher à impliquer un maximum de gens dans la construction quotidienne de la grève. Nous devons être nombreux pour donner confiance et entraîner les autres secteurs salariés dans la grève. Ce qui fait peur au gouvernement, c’est la grève et sa généralisation à plusieurs secteurs de salariés. Pendant le mouvement contre le CPE, ce qui a fait céder le gouvernement, ce sont les manifestations de 3 millions de personnes, qui regroupaient les étudiants, les lycéens et les salariés.
Pour les jeunes, le combat continue. Des manifestations devaient avoir lieu, jeudi 13 décembre. L’enjeu est maintenant de nous organiser pour préparer les prochaines batailles qui, sans doute, arriveront rapidement. Il faut s’organiser pour que, cette fois, nous puissions l’emporter.
Juliette Stein
LYCÉES PROFESSIONNELS
Darcos veut brader la formation
Pour faire des économies budgétaires, le gouvernement veut imposer une réforme de l’enseignement professionnel, qui réduira la durée de préparation du bac pro, de quatre à trois ans.
Rompant avec les habitudes de communication tonitruantes du gouvernement, le ministre de l’Éducation, Xavier Darcos, a envoyé discrètement, le 29 octobre, une circulaire à tous les recteurs d’académies. Il y décide brutalement qu’à la rentrée de 2008, 25 % des élèves entrant en lycées professionnels (LP) devront être inscrits pour passer le bac pro en trois ans, au lieu de quatre actuellement. Ce cursus sur trois ans devra être généralisé à tous les bacs pro en 2009. Cette opération, en supprimant le BEP, fait disparaître 25 % du temps de formation des élèves des lycées (qui suivent actuellement deux ans de préparation au BEP, puis deux ans de préparation au bac pro).
Cette mesure est dépourvue de tout considérant pédagogique, puisque ces bacs pro en trois ans, là où ils ont été expérimentés, n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. À l’inverse, un rapport de l’Inspection générale a révélé que cette formation ne pouvait convenir à tous les élèves. Les élèves des lycées professionnels cumulent souvent difficultés sociales et difficultés scolaires. Ils ont donc besoin de temps et de dispositifs spécifiques pour accéder à la fois à une formation professionnelle et à la culture générale. Une réduction d’un an de leur formation ouvrirait un processus qui s’en remettrait aux entreprises pour la formation professionnelle et considérerait que ces élèves n’ont besoin que d’une culture au rabais. Cette décision n’est pas exempte de mépris social.
Mais l’objectif réel est d’appliquer les 11 200 suppressions de postes dans l’Éducation nationale – dont 9 000 postes d’enseignants – décidées pour la rentrée 2008, ainsi que les milliers d’autres prévues pour les années suivantes. Le nombre de postes aux concours ne cesse de diminuer, les contractuels risquent d’être jetés à la rue du jour au lendemain, et les départs en retraite ne sont pas remplacés. Comme cela ne suffit pas, le gouvernement taille dans la formation des élèves. Les bacs pro en trois ans se traduiront par des conditions de travail dégradées pour les élèves et les enseignants, ainsi que par un nombre croissant de jeunes sortant sans diplôme. C’est une étape vers la fin des diplômes nationaux (le contenu des formations étant laissé à l’appréciation des équipes pédagogiques) et vers la place grandissante donnée à l’apprentissage dans la formation professionnelle.
C’est pourquoi, dans les académies, les réactions se construisent. À Nice, Bordeaux, Toulouse ou Nantes, des manifestations d’élèves et d’enseignants se sont déroulées, incitant les recteurs à la prudence. Mais les affaires sérieuses seront mises en route en janvier : le gouvernement devra alors aussi faire connaître ses projets de démantèlement des lycées généraux et technologiques. C’est maintenant que le rendez-vous se prépare.
Cathy Billard
UNIVERSITAIRES
La fin de l’attentisme
Une première mobilisation des universitaires s’est déroulée cet été, lorsque la loi sur les libertés et responsabilités des universités (LRU) fut votée en urgence. Mais elle était restée cantonnée aux syndicalistes. La grève étudiante a davantage percuté l’attentisme inquiet du monde des personnels universitaires. Une partie des personnels s’est polarisée en opposition aux piquets de grève, avec parfois des débordements inadmissibles. Ceux-là acceptent la LRU, soit parce qu’elle leur est favorable – pour une petite minorité, derrière les présidents d’université –, soit, plus largement, parce qu’ils ne croient plus possible une alternative à l’explosion d’un service public en détresse et se limitent à une survie à court terme.
Ces deux dernières semaines, des signes tangibles d’une mobilisation sont apparus, comme en témoigne l’audience de plusieurs pétitions. Celle du collectif Sauvons la recherche, qui dénonce les dangers de la LRU et appelle à une autre loi, a recueilli près de 20 000 signatures. Des assemblées générales ont eu lieu dans la plupart des universités et ont rassemblé des centaines d’universitaires. Aux manifestations du 6 décembre, ceux-ci sont enfin devenus visibles.
L’application de la loi va contribuer à élargir la prise de conscience, car la concurrence entre universités va rapidement mettre en difficulté celles qui sont les plus fragiles. La situation des précaires ou des Biatos (personnel d’encadrement) va se dégrader. L’instauration d’une dictature des présidents au détriment des conseils d’élus va miner la collégialité traditionnelle, et les conflits catégoriels ou de personnes vont en être exacerbés. À la condition que les syndicats réussissent à s’extraire du piège de cette collégialité moribonde, face à des présidents qui ont, pour la plupart, choisi le camp du pouvoir, les prochains mois peuvent permettre de coordonner les résistances, de leur donner une dimension collective et de dégager, avec les étudiants, des perspectives nouvelles pour un véritable service public universitaire.
Jean-Luc Godet
CENSURE. Alors qu’une salle avait été attribuée par le service du planning, la présidence de la Sorbonne décidait d’interdire la projection du film Universités, le grand soir, réalisé par les collectifs L’Autre campagne et Sauvons la recherche. Face à cette censure, les étudiants ont voulu projeter le film dans la salle qui leur avait été attribuée, mais la présidence leur a alors coupé l’électricité. C’est aussi cela, Sarkoland.
FLASHBALLS. La mobilisation s’organise à Nantes, pour que toute la lumière soit faite sur ce qui a conduit Pierre, lycéen, à être blessé à un œil par flashball, lors d’une manifestation, le 27 novembre, devant le rectorat de la ville. Dès le 30 novembre, avant que l’enquête préliminaire ait vraiment commencé, la procureure Valdès-Bouloque, empiétant sur le rôle du juge d’instruction et des tribunaux, déclarait à la presse que « la police n’a rien à cacher », et qu’« a priori », il n’y avait pas eu « de violences illégitimes de la police ». Les parents de Pierre ont porté plainte. Ils vont saisir, par l’intermédiaire de députés, la Commission nationale de déontologie et de sécurité, contacter Amnesty international, les syndicats, et les autres familles dont les enfants ont été blessés ou gardés à vue pendant 36 heures dans des conditions inacceptables, de manière à ce que de tels actes ne se reproduisent plus. Un appel à témoignages a également été lancé avec une adresse pour les recueillir : http://vingtsept.novembre@lap
Darcos contre le droit de grève
Lors d’une conférence de presse, mardi 11 décembre, le ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, a explicitement annoncé son intention d’imposer, dans les écoles maternelles et primaires, « dès la rentrée prochaine, un service minimum d’accueil » lors des journées de grève où le nombre de grévistes rend impossible l’ouverture de l’école. Il souhaite que l’accueil des enfants soit assuré par du personnel municipal, comme les animatrices et animateurs qui s’occupent des cantines et des centres de loisirs, ou par le personnel d’associations. Il en a même prévu le financement : « Surtout, je souhaite que tout ou partie des retenues sur salaire opérées les jours de grève puissent être reversées aux communes volontaires pour mettre en place un service d’accueil minimum dans les écoles primaires. »
Cela revient, dans les faits, à engager du personnel extérieur aux écoles pour « remplacer » les grévistes et, comble de la provocation, payé par ces derniers, ce qui est une atteinte extrêmement grave au droit de grève. Bonjour l’ambiance entre les enseignants en grève et le personnel venu les « remplacer ». La très réactionnaire fédération des parents d’élèves Peep, s’est dite très favorable à une telle mesure.
Darcos a également annoncé la suppression de la carte scolaire dans les collèges et lycées. Il a également demandé aux inspecteurs d’académie de ne communiquer les ouvertures et (surtout) les fermetures de classes liées à l’aménagement de la carte scolaire qu’après les élections municipales, ce qui relève de la dissimulation pure et simple.