La mobilisation contre le chômage et la précarité du 8 décembre a lieu alors que le Medef avance dans sa refonte du droit du travail. Les négociations actuelles concernent l’entrée dans le contrat de travail, la vie du contrat du travail, la fin de ce contrat, puis ce qu’il appelle le « retour à l’emploi ». Dans cet ensemble d’attaques, le volet chômeurs annonce de nouveaux reculs [1] tels que la remise en place d’une dégressivité ou l’obligation d’accepter un emploi proposé. Celles-ci s’ajoutent aux franchises médicales, à la réduction des services publics, autant de mesures qui touchent d’abord la population la plus pauvre.
Les dernières propositions du Medef visent à un système à deux étages, l’un relevant de la solidarité nationale, l’autre d’un système assurantiel (mais sans hausse des cotisations patronales, rassurez-vous), visant à mieux indemniser, mais pour une période plus courte. Si le chapitre est encore imprécis, ce projet amène en tout cas une césure de plus dans un monde fragmenté du précariat. En même temps, la moitié des chômeurs ne sont déjà plus indemnisés, les courtes durées d’indemnisation relèguent un nombre croissant de chômeurs et de précaires vers les minima sociaux (un tiers des chômeurs « officiels » n’ont droit à aucun revenu individuel, dont les jeunes de moins de 25 ans) ; de nombreux précaires sont exclus de tout système d’indemnisation, dont les stagiaires (800 000 stages proposés correspondant à 100 000 emplois potentiels)… Pourtant, les chômeurs sont jugés comme coupables (les sanctions pleuvent sur eux), voire responsables de leur situation de chômage.
Les associations rappellent avec justesse que la précarité et la vie quotidienne des chômeurs concernent tous les salariés. Face à la multiplicité des attaques et des réformes annoncées par le gouvernement (sur le droit du travail, sur les acquis sociaux, etc.), la question du chômage et de la précarité risque d’être noyée dans une multitude de problématiques auxquelles les syndicats et le mouvement social devront s’atteler. Ce serait une grave erreur que de considérer cette question comme secondaire, dans la mesure où elle fait partie d’une remise en cause globale du système de protection sociale. Riposte qui, par ailleurs, se fait attendre du côté des organisations syndicales, muettes sur ces négociations sur le contrat de travail.
Cette mobilisation vient à point nommé, après les mobilisations de ces dernières semaines, pour rappeler que l’organisation des 6 millions de chômeurs et de précaires est un défi permanent pour le mouvement ouvrier. L’axe choisi pour la manifestation – le droit à un emploi choisi, à un revenu décent, l’accès à la formation tout au long de la vie – permet l’unité la plus large. Les associations revendiquent « la continuité des droits et des revenus pour toutes et tous et garantissant, quoi qu’il arrive (licenciement, fin de CDD, fin de mission intérim, démission…), le droit à un revenu individuel décent avec, pour référence, le Smic revalorisé et des droits sociaux afférents (logement, santé, transport, formation, points retraite, progression de carrière… ) ». Tout un programme, pour une manifestation que la LCR soutient et qui doit être la plus massive possible.
Grèves répétées contre la fusion ANPE-Unedic
Sarkozy s’en est encore vanté récemment : la fusion promise entre l’ANPE et l’Unedic, il va la faire ! Mais contre le service public, contre les chômeurs, contre les agents ANPE et Assedic (la privatisation est dans l’air). Le SNU, la CGT, FO, SUD de l’ANPE, et cinq syndicats de l’Assedic ont appelé à une nouvelle grève, le 27 novembre, après celle – massive – du printemps et celle du 18 octobre. Il se pourrait même que, cette fois, cette journée se prolonge les prochains jours ou semaines, afin de marquer l’actualité sociale et de riposter dans la durée au ministère de la propagande sarkozyenne contre les prétendus bienfaits d’une fusion pour les sans-emploi. François Fillon clame que « la main qui indemnise les chômeurs doit être la même que celle qui les place ». À quoi Noël Daucé (SNU-FSU-ANPE) ajoute : « Et la main qui sanctionne. » Il ne saurait y avoir de doute sur la cible : mettre en place un système plus efficace pour mieux séparer les chômeurs dits « employables » et ceux qui seront rejetés aux marges ou rayés des listes, voués à la charité publique du nouveau système concocté par le Medef.
• Manifestation contre le chômage et toutes les formes de précarité, pour la justice sociale, samedi 8 décembre, 14 h, place de la République.
Grenelle de l’insertion
Les « Grenelle » se multiplient, car on aime la « com » dans les ministères sarkozyens. L’« humanitaire » M. Hirsch (ex-président d’Emmaüs) a donc obtenu le label « Grenelle » pour cette large frange de chômeurs qui n’espèrent plus rien, qui sont découragés de pointer, qui naviguent de stages bouche-trou en petits contrats, qui sont rayés des listes, qui survivent du RMI.
De quoi est-il question ? Alors que la fusion ANPE-Unedic a pour but de rendre « performant » le suivi des « bons » chômeurs, le Grenelle de l’insertion veut rationaliser les innombrables mesures d’encadrement de la misère, touchant depuis vingt ans ceux et celles qui ne relèvent plus depuis longtemps de l’assurance chômage solidaire et du salariat. Sarkozy a donc fait sien l’objectif de M. Hirsch : réduire d’un tiers la pauvreté officielle en cinq ans ! Il est question de simplifier les contrats d’insertion, nombreux et segmentés en fonction des publics, de poursuivre l’expérimentation du revenu de solidarité active (RSA), à terme prévu pour remplacer toutes les allocations (notamment le RMI) et garantir que toute reprise d’un travail se traduira bien par un surcroît de revenus pour les chômeurs. La présidente du Medef, Laurence Parisot, était en première ligne à l’ouverture du Grenelle, les 24 et 25 novembre, pour faire son mea culpa sur les retards des entreprises à prendre en compte la réinsertion de ceux que le capitalisme juge « surnuméraires ». Autant dire qu’elle voit là un moyen d’officialiser les sous-emplois, à peine mieux rémunérés que le RMI, mais en dessous du Smic.
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