Les lampions du Grenelle de l’environnement sont à peine éteints que, déjà, la contre-offensive idéologique s’organise. Le Point en offre un assez bon exemple en y consacrant – dans les pages « Économie »… – un article de bilan et une tribune d’Alain Duhamel qui illustrent assez bien les réactions ambivalentes de la presse libérale. Côté pile, les journalistes s’avèrent plutôt sceptiques : les mesures annoncées sont coûteuses, mais assez modestes pour ne pas perturber trop les habitudes productivistes des multinationales : « À croire que le Grenelle de l’environnement accouche d’un véritable Front populaire écologiste. Cela dit, le plus dur reste à faire : mettre en musique l’habile partition délivrée par le président de la République. » La taxe carbone, « rebaptisée pudiquement contribution-climat-énergie » ? Difficile à calculer ! Et aléatoire : si la fiscalité écologique est efficace, elle sera d’un rendement décroissant : « Il ne faudrait tout de même pas que les Français, en devenant écolos, mettent l’État sur la paille »…
On y apprend surtout que la promesse de ne pas construire de nouveau site nucléaire est, en fait, « une petite blague, sans doute pour faire rire EDF » : « Les dix-neuf centrales françaises, abritant 58 réacteurs, disposent pour la plupart d’une superficie suffisante pour y construire au moins deux fois plus de capacités de production » ! Côté face, Duhamel présente deux obscurs ouvrages polémiques violemment anti-écologistes comme autant de manifestations d’un « minimum d’esprit critique », « quelques fortes dissonances face à l’envahissante symphonie écologique qui submerge ondes, écrans et journaux », « brisant sans peur quelques tabous populaires et redressant hardiment de nombreuses idées fausses ». Et la voie est libre pour la défense du nucléaire et des OGM comme pour l’enterrement de « l’archaïque principe de précaution ». Car les écologistes ne sont que « des obscurantistes multirécidivistes, tirant parti de la crédulité populaire ». C’est ce que Duhamel appelle « la démystification de la religion verte »… Une religion qui, à l’évidence, ne devient gênante que lorsqu’elle concurrence celle du profit !
François Duval
La gazette des gazettes
Faits et méfaits
Combien de temps durent les bonnes résolutions ? Celles qu’on fait à chaque début d’année passent rarement l’hiver. Mais quelques jours à peine ont été nécessaires à Nicolas Sarkozy pour oublier les siennes. Entre les envolées lyriques et écologiques concluant le Grenelle de l’environnement, et certaines annonces faites lors de son déplacement en Corse, on mesure l’écart entre un affichage vert et la realpolitik, en matière de transport aérien, par exemple. Sarkozy ne comprend pas pourquoi la Corse serait dispensée des vols low-cost, qui sont un facteur important de l’explosion du trafic aérien. Pourtant, un trajet en avion Paris-Ajaccio rejette 540 kg d’équivalent CO2, alors qu’une combinaison TGV + bateau en rejette moins de 10 kg. Les conclusions du Grenelle préconisent une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre du transport aérien. Mais les solutions avancées, comme dans d’autres domaines, se fondent essentiellement sur la possibilité d’innovations technologiques et sur la rénovation de la flotte, censée fournir, enfin, des avions propres.
Alors que seul le Medef s’était opposé à la recommandation selon laquelle il ne faut pas subventionner les compagnies à bas coûts pour des trajets concurrençant les lignes de train, le président semble donner raison à l’organisation patronale. Croire qu’on résoudra les problèmes liés aux transports en augmentant toujours plus les flux de marchandises et de passagers est un leurre. Quel crédit accorder à la révolution verte du gouvernement, si le transport aérien continue à être exonéré de taxes sur le carburant et si la croissance du secteur se poursuit ?
Vincent Gay
• CLIMAT. Il y a les discours, les conférences et les résolutions qui ne cessent d’alarmer sur le réchauffement climatique, et ses conséquences désastreuses, prônant des mesures permettant de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES). Et il y a la réalité : en 2005, les émissions de GES des 40 pays les plus industrialisés ont atteint 18,2 milliards de tonnes contre 18,1 milliards en 2004.
• ENVIRONNEMENT. Un exemple de ce qui précède. À la suite du Grenelle de l’environnement, un des premiers dossiers traités par le gouvernement est la mise en place d’une prime à la casse des vieilles voitures pour l’achat d’un véhicule « propre », à la grande satisfaction des constructeurs automobiles. Peugeot a immédiatement saisi la balle au bond, par l’achat de pages entières de publicité dans les quotidiens, dans lesquelles les consommateurs sont incités à acheter de nouvelles voitures. Le tout-automobile et le tout-transport routier ont encore de beaux jours devant eux.