En Centrafrique, la France fait et défait les despotes à sa guise - ce pays n’a jamais connu d’élection démocratique -, gère le budget et intervient directement dans les conflits armés qui secouent ce pays depuis son accession à l’indépendance, en 1960. Le pays connaît deux conflits. Le premier, dans le nord-ouest, est mené par l’Armée populaire pour la restauration de la République et de la démocratie (APRD), constituée principalement de partisans de l’ex-président Ange Félix Patassé, renversé en 2003 par le général François Bozizé, actuellement chef de l’État. S’y ajoutent d’autres factions armées, essentiellement des milices villageoises d’autodéfense contre les zaraguinas, nom donné aux coupeurs de routes qui vivent de brigandage et de vols. Le deuxième conflit, au nord-est du pays, est mené par l’Union des forces démocratique pour le rassemblement (UFDR), mélange de partisans de l’ex-président Patassé, d’anciens compagnons de Bozizé s’estimant mal récompensés, et de membres de la tribu des Gulas, frappés d’ostracisme dans ce pays.
Le nord du pays est laissé à l’abandon, tant au niveau de l’éducation, de la santé et des infrastructures, que de la sécurité. Si ces rebelles n’ont rien à voir avec des enfants de choeur et se rendent coupables d’exactions, notamment de rackets, ils remplissent cependant un certain rôle de protection des communautés paysannes, l’armée se montrant incapable de l’assumer du fait de son incurie et de sa couardise. L’organisation humanitaire HRW relève que l’essentiel des graves violations des droits sont le fait des Forces armées du Centrafrique (Faca) et de la Garde présidentielle (GP) de Bozizé. « La vaste majorité des exécutions sommaires et des morts illégales, ainsi que presque tous les incendies de villages, ont été commis par les forces gouvernementales, souvent en représailles aux attaques rebelles. » Il ne s’agit pas de dérapages de quelques soldats - les milliers d’incendies d’habitations l’attestent -, mais bien d’une stratégie de terreur contre plus d’un million d’habitants et qui en pousse plus de 200 000 à vivre au fin fond de la brousse, dans des conditions de précarité et d’hygiène épouvantables. Les responsables de ces actes, clairement identifiés, continuent leurs méfaits en toute impunité. À ce jour, et contrairement aux promesses de Bozizé, aucune procédure judiciaire n’a été initiée. Ces crimes de guerre sont généralement perpétrés en représailles contre les civils, après les attaques de rebelles ou contre des personnes appartenant à des groupes ethniques censés soutenir la rébellion. L’envoyée spéciale du journal La Croix recueille ce témoignage : « Notre village a été brûlé en janvier par les hommes de la Garde présidentielle. Ils nous ont reproché de n’avoir pas voté pour lui. Ils ont tué mon père et ma grand-mère. Il y a eu une trentaine de morts. »
La responsabilité de la France est posée. Elle est intervenue militairement, à la fin de l’année dernière, bombardant les villes de Birao et de Ndélé, à l’aide des Mirage stationnés au Tchad. Elle a provoqué des scènes de panique et le déplacement des populations vers la brousse. De nouveau, en mars dernier, des parachutistes du 3e RPIMa ont combattu aux côtés de l’armée centrafricaine. HRW indique que des exactions se sont opérées sous les yeux de militaires français, et elle publie une photo où un « gendarme français en uniforme observe la scène alors que des détenus, sévèrement battus, sont menés au quartier général de l’OCRB à Bangui. L’OCRB est une agence de sécurité d’État notoire pour les exécutions sommaires. »
Pour soutenir Bozizé, qui n’a aucune légitimité démocratique, et maintenir l’ordre néocolonial, Sarkozy, comme Chirac hier, n’hésite pas à envoyer soldats et gendarmes français pour former, armer, entraîner et encadrer une armée centrafricaine coupable de crimes de guerre contre sa population civile.