« Dégueulasse », ce mot puissant lâché en public par un membre du gouvernement au sujet d’un amendement relatif au nouveau projet de loi sur l’immigration nous invite à nous interroger sur la qualité de l’air que le nouveau gouvernement et la nouvelle majorité entendent faire respirer aux Français au moment où s’ouvre la phase finale du Grenelle de l’environnement et où la commission Attali rend publiques ses premières propositions.
Ne nous voilons pas la face : une véritable xénophobie d’Etat s’installe dans notre pays. Après la création d’un ministère de l’Identité nationale et l’épisode des tests ADN réservés aux seuls étrangers, revenons sur quelques polémiques. Peu de voix ont protesté lorsque le gouvernement a voulu imposer aux candidats au regroupement familial de justifier de ressources égales à 1,3 Smic au minimum, hors avantages familiaux. Il est clair, n’est-ce pas, que la notion de salaire minimum n’a pas le même contenu pour les Français et les étrangers vivant sur le même territoire et qu’on peut sans complexe exiger davantage de l’étranger, s’agissant d’un minimum applicable à tous ?
De même, envisager de raccourcir d’un mois à quinze jours le délai pour contester une décision de refus d’admission à l’asile devant la Commission des recours des réfugiés n’a guère ému. Rappelons simplement que ce recours doit être rédigé en langue française par des étrangers arrivant sur notre sol et que les pièces justificatives doivent être rassemblées et traduites par un traducteur assermenté. Que diraient les Français si le gouvernement ramenait, dans de telles conditions, à quinze jours le délai pour qu’ils puissent saisir la juridiction administrative ?
Dans le même ordre d’idées, il est symptomatique de constater qu’aucune des propositions de la commission Attali ne concerne la contribution des immigrés à la croissance économique.
Alors que notre pays cherche désespérément à l’améliorer, l’idée même de mobiliser les ressources des millions d’étrangers présents dans notre pays n’a même pas effleuré l’esprit des brillants membres de cette commission.
Or l’exemple tout proche de nos amis espagnols montre qu’une des sources majeures de leur croissance réside précisément dans les régularisations massives, auxquelles ils ont procédé, des étrangers en situation irrégulière déjà présents chez eux. Les Espagnols affirment que, ce faisant, ils ont réglé pour plusieurs années la question du déficit de leurs régimes sociaux et du déficit budgétaire de l’Etat. Il est sans doute vrai que chez nous les déficits sociaux, budgétaires et des comptes extérieurs sont à ce point si bien maîtrisés par le gouvernement que cette piste n’a absolument pas besoin d’être explorée.
Il est symptomatique que la commission Attali n’ait même pas eu l’idée de s’intéresser à la question. Il est vrai qu’en s’étant déclaré opposé à des régularisations massives d’étrangers en situation irrégulière en Europe, le président de la République, qui est le commanditaire des travaux de la commission, a empêché d’ouvrir ce champ de réflexion. Constatons-le en tremblant : la xénophobie d’Etat et la lepénisation des esprits ont tellement gagné de terrain, stratégies électorales aidant, qu’elles paralysent jusqu’à la réflexion des membres de cette commission.
Autrefois, les étrangers venaient en France pour y respirer l’air de la liberté. L’air qu’on nous distille depuis peu est infect. C’est un sujet dont devrait se saisir prioritairement le Grenelle de l’environnement : sinon, à l’heure de la mondialisation, des Français vont bientôt émigrer à leur tour pour aller respirer ailleurs cet air qui se raréfie dangereusement dans notre République.