Du point de vue des organisateurs, le Contre-Grenelle de ce samedi 6 octobre a été un succès.
Au niveau de la fréquentation tout d’abord : plus de 800 personnes sont passées dans la journée, nous obligeant à tenir les discours aussi à l’extérieur de la salle. Les intervenants parlaient une première fois devant les 500 personnes assises dans la salle Victor Hugo, une deuxième fois dehors, devant 100 à 200 personnes assises par terre ou debout au soleil.
Les pauses musicales de Steve Waring ont permis de donner à cette journée la bonne humeur et décontraction qui manquent tant aux encravatés du Grenelle officiel. Nous remercions aussi la Confédération Paysanne de l’Isère pour ces assiettes paysannes chaudes qui ont permis aux personnes qui le désiraient de manger sur place.
Mais le plus important pour nous est bien sûr d’avoir rassemblé des associations et des personnalités diverses du monde politique et écologique capable de dénoncer d’une seule voix cette mascarade qu’est le « Grenelle de l’environnement ».
Pyromanes
Pour commencer la matinée, Bruno Clémentin a dénoncé l’instrumentalisation par Nicolas sarkozy du terme de Grenelle. Paul Ariès a ironisé sur les écologistes « plus jaune que verts » qui se compromettaient dans ces prétendues négociations. « Le Grenelle de l’environnement est sarko-comptatible et le sarkozysme n’est pas écolo-comptatible », a affirmé l’auteur de Misère du Sarkozysme. Vincent Gay, membre de la LCR, a dénoncé la politique capitaliste du gouvernement et a rappelé qu’une politique écologique conséquente est forcément anti-capitaliste. Stéphane Lhomme, porte-parole du Réseau “Sortir du nucléaire” a comparé le Grenelle officiel à une négociation avec les pollueurs. « Est-ce qu’on demande aux pompiers de négocier avec les pyromanes pour leur demander d’allumer un peu moins de feu l’été prochain ? », a-t-il déclaré. C’est l’Elysée qui a décidé quelles personnes étaient invitées au Grenelle, a rappelé également Stéphane Lhomme. Avec humour, il a expliqué comment une association bidon montée par Yann Arthus-Bertrand a remplacé, à la demande de Nicolas Sarkozy, le Réseau Action Climat dans la liste des invités.
La matinée de ce Contre-Grenelle n’a pas épargné Nicolas Hulot traité d’« hélicologiste » et d’« éco-tartufe ». Le Grenelle de l’environnement est d’abord « une opération de communication visant à repeindre le capitalisme en vert » a résumé Sophie Divry, du journal La Décroissance. Opération de communication pour l’instant très réussie, a constaté Henri Maler, d’Action Critique médias. « Les médias dominants concourent à la dépolitisation de la question écologique », a-t-il souligné, rappelant que « la contestation de l’ordre médiatique est partie intégrante de la contestation de l’ordre politique ».
Geneviève Azam, d’Attac s’est élevé contre l’ « écologie compassionnelle » du gouvernement. L’écologie, a-t-elle insisté, « ce n’est pas se battre pour notre confort ou notre petite sécurité, mais pour un modèle de société, un modèle démocratique ». Tous les intervenants ont souligné le lien entre la crise écologique et la crise sociale et politique.
Non digérables
Les interventions thématiques des l’après-midi ont permis de mettre à jour des luttes, souvent peu connues mais fondamentales, car elles remettent en cause radicalement la globalisation des échanges et le modèle économique dominant. Ainsi, lutter conte les autoroutes, l’irradiation des aliments et la grande distribution, c’est lutter contre « les artères de la mondialisation des échanges » (Julien Milanesi). Rien d’étonnant à ce que ces thèmes ne soient pas digérables par le Grenelle officiel. Quant au nucléaire, la question a été tranchée avant même l’ouverture des pseudo-négociations du Grenelle a rappelé Roland Desbordes, de la CRIIRAD. Gérard Boinon, de la Confédération Paysanne a pu apporter son témoignage de paysan face au drame de Tchernobyl et de l’industrie agro-alimentaire.
En fin de journée, Vincent Cheynet a rappelé que la lutte pour l’écologie est indissociable de la lutte pour la démocratie, telle qu’elle se structure entre opposition et majorité. Mais c’est Paul Ariès qui a clôturé la journée, à l’extérieur de la salle, devant 700 personnes. Il a lancé 20 propositions emblématiques comme contribution au débat futur.
Les médias dominants ont fait le service minimum (voir Revue de presse) mais pour les personnes présentes, il est clair que face au rouleau compresseur médiatico-politique, le Contre-Grenelle restera comme le premier rassemblement d’opposition politique de l’ère Sarkozy.
L’organisation d’un Grenelle de l’environnement par le gouvernement Fillon n’est ni sérieuse ni crédible.
Elle n’est pas sérieuse de la part d’un Président qui vomissait il y a quelques jours encore Mai 68 et ses accords de Grenelle.
Elle n’est pas crédible de la part d’un chef d’État et d’un parti dont le programme électoral lui a valu la note déplorable de 8,5/20 lors de l’évaluation réalisée par les ONG, aujourd’hui conviées à la table officielle et pourtant peu soupçonnables de nourrir des logiques d’extrême-gauche, regroupés au sein de l’ « Alliance pour la planète ».
Tentative de récupération
Ce projet d’accords de Grenelle de l’environnement constitue une tentative d’OPA sur le monde de l’écologie. Il s’agit d’une offensive pour vider l’écologie de son discours social, politique et philosophique. Il vise à réduire l’écologie politique à une logique d’accompagnement du programme économique néolibéral de ce gouvernement.
Cette initiative est aussi la preuve que l’opération du pacte écologique de Nicolas Hulot, qui conseillait déjà l’ancien Président Chirac en matière d’écologie, a été téléguidée par les sociétés sponsors de sa Fondation proches de l’UMP et du nouveau Président de la république.
Contre l’écologie-spectacle
Nous refusons de voir l’écologie se transformer en un rapport consumériste à la nature. L’écologie est autant inséparable de son contenu politique qu’indissociable de son contenu social.
Elle s’oppose frontalement à la logique productiviste du « travailler plus pour gagner plus » qui a été au centre de la campagne présidentielle de ce gouvernement.
L’écologie est incompatible avec la volonté forcenée de relancer la croissance. Cette course à la croissance illimitée est autant une impasse scientifique qu’un péril social et humain.
L’écologie n’est pas dissociable des choix économiques et techno-scientifiques. Elle ne s’accommode ni des options néolibérales ni des choix de société productivistes.
Les intérêts de la grande distribution ou de TF1 ne sont pas ceux de la nature ou de l’humanité.
Par nature, l’écologie politique ne peut pas être consensuelle car elle impose à faire des choix.
Double danger
Ces pseudo-accords de Grenelle constituent donc un double danger. Danger de dilution de la question environnementale, comme le prouve déjà le Ministère Borloo où l’écologie dépourvue de budget propre pèsera bien peu aux côtés des bastions des transports et de l’énergie.
Danger de détournement de la question écologique en promouvant des solutions qui ne feront qu’alimenter les régressions environnementales et sociales.
Par exemple, la promotion massive des agrocarburants relève d’un véritable crime contre les 2 milliards de paysans pauvres dans le monde alors que la sécurité alimentaire n’est pas assurée.
Nous nous opposons à toute instrumentalisation des enjeux environnementaux pour soutenir une politique qui prend aux plus faibles pour donner aux plus gros.
Un contre-sommet de l’écologie
Face à la farce des pseudo accords d’un faux Grenelle de l’environnement, nous organisons le 6 octobre un contre-sommet de l’écologie à Lyon.
Pour mettre en accusation un gouvernement dont les premières mesures ne sont pas écolo-compatibles (défense des OGM, nucléaire, tout-routier).
Pour entrer en résistance théorique et pratique contre la course à la croissance folle, le productivisme, le néolibéralisme.
Pour promouvoir une écologie politique face à une écologie des bons sentiments et de l’accompagnement qui ressemble davantage aux soins palliatifs qu’à une réorientation de nos façons de vivre, de produire et de consommer.
Ce contre-sommet réunira des associations qui luttent depuis des années sur le terrain, des intellectuels, des universitaires, des scientifiques et des politiques. Il se donnera pour objectif de définir les véritables priorités si nous voulons vraiment concilier les contraintes environnementales avec le souci de justice sociale par un retour au politique.