Le Grenelle de l’environnement doit conclure le travail de six groupes thématiques : « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser la demande d’énergie » ; « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles » ; « Instaurer un environnement respectueux de la santé » ; « Adopter des modes de production et de consommation durables » ; « Construire une démocratie écologique ». « Promouvoir des modes de développement écologiques favorables à la compétitivité et à l’emploi ». À ceux-là, se sont ajoutés des groupes transversaux sur les OGM et sur les déchets.
Face au lobbying des associations, le Medef et la FNSEA ont freiné des quatre fers concernant les mesures qui remettent en cause, peu ou prou, leurs marges de profit. Maintenant... c’est à Sarkozy qu’on laisse le soin de trancher. Déjà, les rapports issus des groupes de travail ont montré un décalage avec les discours tenus par les associations environnementales lors des réunions de travail. Petite arnaque, qui illustre la volonté du gouvernement de montrer qu’il y a un consensus de tous les participants au Grenelle. Or, c’est bien cette idée de consensus qu’il faut battre en brèche. Pour analyser les législations à venir issues du Grenelle, on ne peut se contenter de décortiquer telle ou telle mesure ; il faut bien mettre en parallèle la série de ces mesures et la politique réellement menée par le gouvernement qui, comme ses prédécesseurs, n’a rien d’écologiste. Comment imaginer que Nicolas Sarkozy mette en péril les affaires de ses amis industriels, publicitaires, semenciers ou grands propriétaires terriens ? Comment penser qu’il ne suivra pas les conseils de la commission Attali, qui propose de supprimer de la Constitution et du Conseil d’analyse stratégique le principe de précaution, qui affirme l’impossibilité de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre de la France en 2050 ?
Pour les entreprises
Le premier document de synthèse du gouvernement dit vouloir concilier « la protection et la mise en valeur de l’environnement, du développement économique et du progrès social ». Quand on voit à quel point Sarkozy malmène le progrès social, quand on voit que, pour lui, le développement économique signifie d’abord et avant tout le développement des profits pour les actionnaires, on ne peut qu’être inquiets pour l’environnement.
Derrière le creux de telles formules, on ne peut se satisfaire de constats communs sur la crise écologique. Le développement d’un capitalisme vert et le confinement de l’écologie dans les sphères institutionnelles font aussi partie des objectifs du Grenelle. Les documents gouvernementaux font l’éloge des entreprises françaises, leaders dans des secteurs aussi essentiels que l’eau potable, l’énergie, l’assainissement des eaux ou le traitement des déchets, qui sont invités à se saisir des nouvelles opportunités (les préoccupations écologistes) pour stimuler le développement économique. Mais que peut-on attendre d’Areva, d’EDF, de Total, de Veolia ou de Bouygues pour résoudre la crise écologique ? Il n’est pas étonnant que les domaines où le gouvernement semble aller le plus loin soient aussi ceux où de grandes entreprises pourront conquérir de nouveaux marchés. Par exemple, on peut considérer que les objectifs de rénovation de l’habitat sont relativement ambitieux ; mais rien n’est dit sur leur financement, hormis le fait que ce sont d’abord par des incitations financières individuelles que les progrès doivent se réaliser (lire ci-dessous). L’État ne se met pas en position de planifier les investissements et les travaux publics, ce qui est pourtant la seule façon de garantir un habitat écologiquement satisfaisant sur l’ensemble du territoire.
Point noir
D’autres secteurs font l’objet de mesures bien moins ambitieuses que le logement. La politique préconisée en matière de transports éclaire l’incapacité de ce gouvernement de modifier radicalement l’organisation du système et de son mode de production. Certes, il est pointé une éco-redevance sur le transport routier, mais jamais son montant n’est évoqué, et on peut douter que celui-ci soit suffisamment élevé pour réorienter la politique routière. Car, au moment où le gouvernement ferme 260 gares de fret, où le transport ferroviaire est attaqué en même temps que le statut des cheminots, aucune proposition n’est avancée pour réduire les flux de marchandises et la place des camions sur les routes. La poursuite des projets autoroutiers marque bien la continuité des politiques antérieures, dédiées essentiellement à la route - et non au rail ou aux transports par voie d’eau -, alors que les émissions de gaz à effet de serre augmentent le plus à cause du transport routier (+23 % entre 1990 et 2005, et 26 % des émissions totales pour la France).
Les documents gouvernementaux alignent une série impressionnante de mesurettes sectorielles, qui ne peuvent faire illusion comparées à la nécessité d’une politique globale de remise en cause du système productiviste. Mais surtout, le silence sur des sujets cruciaux révèle les impasses du Grenelle. Le nucléaire a, par exemple, été d’emblée exclu des discussions ; l’argument selon lequel il serait une solution pour lutter contre l’effet de serre est rebattu, alors qu’il sert surtout à ne pas réduire massivement les émissions de gaz à effet de serre de la France. Pendant ce temps, Sarkozy négocie l’implantation d’une centrale nucléaire en Libye et il incite les Allemands à renoncer à leur sortie du nucléaire.
Concernant l’agriculture, les principaux dossiers sont soit flous, soit antinomiques avec la préservation de l’environnement. Contrairement à ce qu’a pu laisser croire Jean-Louis Borloo, les OGM ne seront pas interdits. La FNSEA a accepté un gel des cultures OGM... jusqu’à la prochaine saison de semis. Aussi, le gouvernement prépare-t-il une loi pour légitimer la coexistence entre les OGM et les organismes non génétiquement modifiés, en introduisant le principe du pollueur payeur, qui reviendrait à autoriser les OGM en faisant payer leurs producteurs. Quant aux agrocarburants, alors que leur bilan énergétique est pour l’instant nul, et qu’ils constituent une catastrophe écologique dans certains pays du Sud, leur développement est encouragé.
Résistances et alternatives
En revanche, l’agriculture biologique, pourtant tant vantée, est laissée aux mains de la loi du marché et de la grande distribution, au lieu d’être systématisée par des aides publiques. Quant à la limitation de l’usage de l’eau ou des pesticides, du fait de leur rôle central dans l’agriculture productiviste, elle est bien trop modeste pour avoir des effets bénéfiques. Les ruptures nécessaires en matière agricole nécessiteraient de remettre en cause la politique agricole commune (PAC) et son système de subventions, qui ruine les paysanneries du Sud, ce qui est bien sûr impensable pour ce gouvernement. Comment croire, alors, les beaux discours sur la protection et la restauration de la biodiversité, quand, par exemple, l’idée même de quotas sur la pêche n’est pas programmée ? On pourrait encore mentionner la gestion des déchets, à propos de laquelle l’arrêt des projets d’incinérateurs n’est pas envisagé, en dépit des alertes de scientifiques et de médecins quant aux conséquences de l’incinération sur la santé.
Si, au début du processus, la majorité des associations environnementalistes s’est réjouie de la démarche gouvernementale et s’est lancée à corps - et à âme ? - perdu dans le Grenelle, le bilan, après quatre mois de discussions, n’est pas rose... ni vert. L’acceptation du cadre institutionnel, malgré des critiques bien tardives, a légitimé l’opération de Borloo et de Sarkozy. Cependant, la mise en place de contre-Grenelle ou de Grenelle alternatifs dans plusieurs villes a permis que s’exprime la voix des oubliés du Grenelle et des opposants à l’écologie libérale. Ces rencontres ne doivent pas être ponctuelles : elles doivent s’inscrire dans la construction de coalitions écologistes larges, à même de mener des mobilisations sur différents terrains. Ce fut le cas lors de la marche anti-OGM début octobre ; ce sera encore le cas, le 27 octobre, avec le réseau Sortir du nucléaire (lire ci-dessus) et, le 8 décembre, contre les changements climatiques.
Vincent Gay et Damien Joliton
Quel plan de rénovation de l’habitat ?
Du fait des besoins de chauffage, de production d’eau chaude, d’électricité, le secteur du logement est une cible prioritaire pour toute politique qui viserait réellement la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre.
Par ailleurs, le poids de la facture énergétique est toujours plus lourd pour les ménages, la flambée du coût des produits pétroliers ne faisant qu’accroître la précarité énergétique.
Le plan de rénovation des bâtiments anciens et de promotion des énergies renouvelables a été chiffré, par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), à 600 milliards d’euros, à répartir sur les 40 prochaines années, soit un tout petit peu moins, tous les ans, que les 16 milliards de cadeaux accordés par Sarkozy aux plus riches.
Malheureusement, le Grenelle ne donnera pas lieu à un tel plan. Faute de pouvoir envisager une planification démocratique et écologiste, les solutions proposées prennent place dans le carcan libéral considéré comme immuable. On proposera donc aux ménages quelques incitations financières afin de rendre plus rentable, à long terme, l’isolation des logements. Ce raisonnement économique est une aberration !
Aujourd’hui, rares sont les ménages capables d’entreprendre les travaux nécessaires. Et ce ne sont pas les aides, aussi importantes soient-elles, qui y changeront quelque chose. Les ménages n’ont pas les moyens d’investir dans une solution qui ne serait rentable qu’après environ une dizaine d’années. C’est la logique même de ce système qu’il faut renverser, afin d’affecter les moyens nécessaires à la mise en œuvre déterminée d’un grand plan de réhabilitation des logements. Pour cela, il nous faudra être capable de concevoir une planification écologiste et démocratique.
D. J.
Appel du réseau Sortir du nucléaire à manifester le 27 octobre
Trois faits majeurs illustrent la duperie du Grenelle de l’environnement en matière de nucléaire.
1) Les déclarations pronucléaires de Sarkozy à l’ONU, le 24 septembre, ( « La France est prête à aider tout pays qui veut se doter de l’énergie nucléaire civile »), ainsi que la signature, le 26 juillet, par Sarkozy, d’un accord nucléaire avec le dictateur libyen Kadhafi sont injustifiables.
2) La question du nucléaire a été tranchée par le pouvoir avant même la tenue du “Grenelle”. Avant même les déclarations de M. Sarkozy, le “Grenelle de l’environnement” était caduc sur la question de l’énergie : dès sa prise de fonction, le ministre de l’Écologie - à l’époque, M. Juppé, mais il n’a pas été démenti par M. Borloo - avait fait savoir qu’il était hors de question de remettre en cause le nucléaire en général, et la construction du réacteur EPR en particulier.
3) Le décret de construction du réacteur EPR n’a même pas été suspendu le temps du « Grenelle ». Pour dénoncer le déni de démocratie de Sarkozy et ses plans d’exportation du nucléaire français, pour exiger l’arrêt de l’EPR et la sortie du nucléaire, le réseau Sortir du nucléaire appelle les citoyens à un grand rassemblement devant le Grenelle de l’environnement, samedi 27 octobre, à 15 h, place Fontenoy (Invalides), à Paris.
Communiqué de presse
Sur le Grenelle de l’environnement : un premier bilan de non-rupture
LCR
25 octobre 2007
Nicolas Sarkozy, seul grand candidat à la présidentielle clairement pro-OGM et pro-nucléaire, cherche à redorer son blason auprès des écologistes et de répondre aux inquiétudes et préoccupations grandissantes en matière de défense de l’environnement. Mais derrière les annonces tonitruantes et la série de mesures avancées, il faut évaluer la volonté écologiste du gouvernement au regard de sa politique actuelle.
La rupture annoncée en matière de transports n’en est pas une. Quand JL. Borloo dit ne pas vouloir augmenter de façon significative les capacités routières et aéroportuaires, on ne doit pas y voir une alternative au tout routier. Certes, quelques projets autoroutiers seront peut-être évités, mais les projets en cours se poursuivent et les routes à 4 ou 6 voies ne sont pas concernées pas un arrêt éventuel des constructions routières. De plus, alors qu’on vante la nécessité du fret ferroviaire, le gouvernement ferme 260 gares de fret et rien n’est envisagé pour freiner la croissance des flux de marchandises. De plus le gouvernement refuse de taxer la consommation énergétique des entreprises aériennes ou des transporteurs routiers alors que cette mesure existe dans d’autres pays européens.
Si des signes encourageants sont envoyés à propos des normes d’isolation des logements, un flou total règne quant à leur financement. Le plan de rénovation des bâtiments anciens et de promotion des énergies renouvelables a été chiffré par l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’Energie) à 600 milliards d’euros, à répartir sur les 40 prochaines années : soit un tout petit peu moins, tous les ans, que les 16 milliards de cadeaux accordés par Sarkozy aux plus riches. A aucun moment le gouvernement ne s’est prononcé en faveur de tels investissements.
Pour réduire drastiquement la consommation d’énergie et systématiser les énergies renouvelables, il ne suffira pas de supprimer les lampes à incandescence, c’est à un véritable plan de développement des énergies propres qu’il faut s’atteler. Un tel plan ne peut être lancé que dans le cadre d’un service public de l’énergie, débarrassé du nucléaire. Or l’action principale de Nicolas Sarkozy en matière d’énergie est de développer et de vendre l’énergie nucléaire, notamment avec le nouveau réacteur EPR, pour le plus grand bonheur de la multinationale AREVA.
L’agriculture fait partie des secteurs où les pollutions sont très importantes, qu’il s’agisse des émissions de gaz à effet de serre, de pesticides, des OGM ou des pollutions des eaux. Or sur chacun de ces domaines, le gouvernement n’annonce aucune mesure d’ampleur. La culture des OGM est gelée... pendant l’hiver... mais la future loi risque de légitimer la coexistence entre les filières OGM et non OGM. Et ce n’est pas les quelques pourcents d’augmentation des cultures biologiques qui permettront d’inverser la tendance. La FNSEA a obtenu qu’une éventuelle réduction massive de pesticides soit conditionnée par l’existence de solutions alternatives, sous prétexte de ne pas diminuer la compétitivité agricole de la France ; bref, si tout le monde dit être d’accord pour diminuer les pesticides, on ne sait pas quand ni dans quelle proportion. La préservation des intérêts économiques prime une nouvelle fois sur l’urgence environnementale.
Ne prenons pas la série de mesures gouvernementales, à la portée incertaine, pour une rupture écologique qui favoriserait un autre mode de développement que celui imposé par le capitalisme. L’écologie ne peut être un marchandage sur le mode « je t’échange un peu de nucléaire contre un peu d’énergies renouvelables ou un peu de bio contre un peu d’OGM ». Il est impossible de satisfaire le MEDEF et la FNSEA et de mener une politique globale et cohérente pour répondre à la crise écologique et combattre les inégalités sociales.
Communiqué de la LCR
Grande messe sarkozienne au Grenelle de l’environnment
La préservation des intérêts économiques prime une nouvelle fois sur l’urgence environnementale comme le montre une éventuelle taxe carbone avec comme contrepartie une réduction des taxes pesant sur le travail pour les entreprises. La rupture en matière de transports n’en est pas une. Des projets autoroutiers seront peut-être évités, mais ceux en cours se poursuivent et les routes à 4 ou 6 voies ne sont pas concernées pas un arrêt éventuel. Alors qu’on vante la nécessité du fret ferroviaire, le gouvernement ferme 260 gares de fret, supprime des milliers d’emplois. Le gouvernement refuse de taxer la consommation énergétique des entreprises aériennes ou des transporteurs routiers. Un flou total règne quant au financement pour l’isolation des bâtiments. Le plan de rénovation a été chiffré par l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’Energie) à 600 milliards d’euros, à répartir sur les 40 prochaines années, soit 15 milliards chaque année, le montant des cadeaux fiscaux votés en juillet dernier. L’action principale de N.Sarkozy est de développer et de vendre l’énergie nucléaire, notamment avec le nouveau réacteur EPR, pour le plus grand bonheur de la multinationale AREVA. C’est dire que la portion congrue sera le lot des énergies renouvelables. Pesticides, OGM : aucune mesure d’ampleur annoncée. La culture des OGM est gelée pendant l’hiver. La future loi risque de légitimer la coexistence entre les filières OGM et non OGM. La FNSEA a obtenu qu’une éventuelle réduction massive de pesticides soit conditionnée par l’existence de solutions alternatives. L’écologie ne peut être un marchandage « je t’échange un peu de nucléaire contre un peu d’énergies renouvelables ». Il est impossible de satisfaire le MEDEF et la FNSEA et de mener une politique globale et cohérente pour répondre à la crise écologique, combattre les inégalités sociales.
Le 25 septembre 2007.