De Mannheim,
La grève interdite sur les grandes lignes et pour le fret : c’est la première fois, en Allemagne, qu’un jugement limite le droit de grève en fonction des dommages que son extension était censée causer à l’économie du pays. En fait, c’est l’approvisionnement en flux tendu des grandes usines qu’il s’agissait de protéger, d’autant que leurs propriétaires n’auraient pas manqué de faire pression sur la Deutsche Bahn. En limitant la grève aux lignes utilisées par celles et ceux qui se rendent à leur travail, Die Bahn voulait confronter les grévistes à l’incompréhension et au mécontentement des usagers. Mais, pour l’instant, il y a eu très peu d’hostilité, et les réactions de compréhension ont dominé.
Le petit syndicat GDL (15 000 conducteurs et 4 000 autres roulants, soit 78 % des conducteurs et 33 % des autres roulants), a eu longtemps une communauté de conventions collectives avec Transnet (le grand syndicat affilié au DGB) et avec le GDBA, un autre petit syndicat affilié (comme le GDL) à la fédération autonome des fonctionnaires. En 2002, le GDL n’a pas signé l’accord, qui devait une fois de plus réduire les salaires et dégrader les conditions d’existence des cheminots, et particulièrement de leurs catégories. Ils sont aujourd’hui forcés de lutter seuls, puisque les directions des grands syndicats sont à ce point orientées vers la cogestion et la paix sociale, que défendre le niveau de vie est devenu moins important pour eux que de « réussir la privatisation ». Et voilà le résultat : retraite à 65 ans, 41 heures par semaine, perte de 9,77 % du salaire réel en 2006. Un conducteur de 25 ans, sans enfants et avec deux ans de métier, gagne entre 1438 et 1588 euros net. Seules neuf heures de repos sont garanties entre deux services ; les treize week-ends libres garantis par an ne commencent que le samedi à 14 heures.
Transnet n’a pas lutté, ni organisé de grèves depuis des décennies. Mais son dirigeant, Hansen, s’efforce de leur mettre les autres cheminots à dos en leur reprochant de casser la convention collective unique et de... mettre en péril la privatisation. Ce n’est pas faux, car un personnel bien payé serait un bon rempart contre la privatisation : les profits que les actionnaires pourraient en attendre seraient réduits d’autant ! Ce n’est pas que le GDL soit fondamentalement opposé à la privatisation, mais la privatisation a, pour lui - et heureusement - beaucoup moins d’importance que le maintien de leur niveau de vie. Ces derniers jours, il est clairement apparu que certains commencent à se demander s’il ne faudrait pas aussi lutter contre la privatisation...
Le GDL veut une augmentation substantielle des salaires (31 %), une réduction du temps de travail de 41 à 40 heures, une réduction de la durée de service de quatorze à douze heures, et le week-end le vendredi dès 22 heures. C’est pour cela qu’il se bat pour un contrat spécifique dégagé des clauses néfastes acceptées par Transnet. La direction a peur, si elle accepte le principe d’un contrat séparé, de donner un mauvais exemple : la lutte paierait donc ? Du coup, elle prône la convention collective unique !
Les dirigeants bureaucratisés des autres syndicats, mais aussi certains à gauche, voient d’un mauvais œil cette lutte et défendent les contrats signés par Transnet. Pourtant, pour débloquer la situation et faire la preuve de ce que peut rapporter une vraie grève, il est indispensable de soutenir cette lutte et défendre à fond le droit de grève. C’est en particulier à la gauche syndicale qu’il revient d’impulser la solidarité et la nécessité de l’extension. Ce sera décisif dans les jours et les semaines à venir.