A plusieurs reprises, des essais publics de recherche concernant des organismes génétiquement modifiés (OGM) végétaux ont été détruits. La plupart de ces actes ont ét revendiqués par des « faucheurs volontaires » au nom de la nécessaire « désobéissance civile contre les OGM ». Le dernier saccage en date, qui n’a pas été revendiqué à ce jour, concerné la Guyane, où environ 1 700 caféiers d’une expérimentation du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) ont ét coupés à la tronçonneuse. Ce test visait à évaluer la résistance à un insecte ravageur des feuilles de caféiers transformés génétiquement pour exprimer une toxine insecticide, mai aussi les impacts sur l’environnement, comme la dissémination du pollen ou les effets éventuels sur les abeilles et leur miel. S’agissant d’arbustes, c’est un minimum de six an d’efforts de recherche publique qui a été détruit en quelques instants
Un argument essentiel avancé pour s’attaquer à ces essais en plein champ est qu’ils risqueraient de contaminer les cultures avoisinantes. Or, dans un des essais détruits, les maïs OGM avaient été préalablement castrés afin d’éviter toute dissémination du pollen, ce que les « faucheurs » pouvaient voir. Quant à la Guyane, elle avait été choisie pour l’essai sur les caféiers justement à cause de l’absence de caféiers environnants.
Amalgame
Tout en dénonçant les violences policières, la CGT-Inra condamne les destructions d’essais publics de recherche, quels qu’en soient leurs auteurs. Elle dénonce l’inacceptable amalgame entre recherche publique et intérêts privés, qui alimente une campagne antiscientifique allant à l’encontre d’une information fondée qui doit être mise à la disposition de l’ensemble des citoyens. De tels actes ne peuvent que brouiller encore un peu plus la discussion sur les OGM et la transgenèse [2], leurs potentialités et leurs dangers, pour le plus grand profit de ceux qui entendent en faire une machine de guerre économique contre la population et, au premier plan, contre les agriculteurs. Nous n’acceptons pas que des individus ou des groupes de pression puissent s’arroger le droit de juger quelle recherche serait « bonne » et quelle autre recherche serait « porteuse de mort ». Au nom de quoi et de quels présupposés idéologiques ?
Dans un autre registre, certains conseils généraux ou régionaux, comme quelques maires, entendent imposer une régionalisation accélérée du dispositif de recherche, avec l’instauration de territoires « sans OGM », mêlant dans leur opprobre recherche publique et multinationales semencières.
La transgenèse (végétal, animal et mico-organisme) représente une avancée technologique en matière de recherche depuis une vingtaine d’années, permettant tout d’abord de faire avancer la connaissance des génomes et leurs fonctionnements, et ensuite de pouvoir modifier des organismes pour les besoins de la société. Qui refuse les progrès apportés par la production d’hormone de croissance ou d’insuline par des organismes OGM ? Comme pour chaque avancée technologique, il y a des avantages et des inconvénients (notamment en termes de risques pas toujours connus).
Ces éventuelles applications ne peuvent être déconnectées de l’intérêt des forces économiques et politiques en présence. Mais en est-il autrement des enjeux liés à l’usage massif des pesticides, herbicides, fongicides par exemple, dont le commerce est souvent aux mains des mêmes ? Quelques firmes multinationales ont, dans une période récente, investi et largement remodelé le marché des semences et entendent maintenant mettre à profit les OGM pour imposer un mode de culture à toute la planète. La manière dont ils traitent les personnels de leur propre secteur recherche, avec force restructurations et licenciements, pour se positionner sur les créneaux les plus juteux, montre bien que c’est le profit et non les intérêts des populations qui, en l’occurrence, guident les Monsanto, Novartis, Sanofi-Aventis et consorts. Pour eux, les OGM constituent aujourd’hui un vecteur pour aller un peu plus loin dans l’appropriation du vivant à des fins lucratives.
Course au profit
À cet égard, la récente décision de l’Union européenne, approuvée par le gouvernement français malgré les réticences de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), de lever le moratoire sur les cultures d’OGM constitue un tournant. Elle ouvre la voie à une pénétration massive des semences OGM nord-américaines, avec son lot de contraintes économiques et juridiques, pour forcer les agriculteurs à n’utiliser que les semences en question. La CGT-Inra dénonce la levée du moratoire, guidée par la seule course au profit, alors que l’évaluation des risques liés à la dissémination des OGM n’en est qu’au stade de la recherche.
En tout état de cause, seuls les progrès de la recherche, menée de manière publique, transparente et totalement indépendante des intérêts privés, permettront de générer réellement, sans a priori idéologiques, des données scientifiquement argumentées sur les risques et les intérêts des OGM, préalables à la prise de décision législative et politique. Cela implique que l’État alloue à la recherche publique les moyens suffisants lui permettant d’assurer cette mission en la soustrayant à la pression des intérêts privés. Cela signifie donc la nécessité impérative de rompre avec la logique qui prévaut actuellement, consistant à la pousser au contraire dans les bras du privé en diminuant, année après année, la part du financement public dans le budget global, ou en multipliant les filiales et autres fondations. Pour l’Inra, « l’exemple » de Génoplante, où l’intérêt général est subordonné aux intérêts privés de quelques grands groupes semenciers ou agrochimiques, est éloquent. Et le ministère de la Recherche propose aujourd’hui qu’un des « indicateurs de performance » sur lesquels serait jugé l’Inra pour la nouvelle loi de finances soit sa « contribution à la compétitivité des filières économiques » ! Ce n’est pas étonnant dans ces conditions qu’une partie de l’opinion soit dubitative sur l’indépendance réelle des recherches de l’Inra.
La CGT-Inra réaffirme que le rôle de l’Institut n’est pas, ou ne peut se réduire à conquérir ou aider d’autres à conquérir des parts de marché dans la guerre économique mondiale. L’Inra devrait être avant tout un facteur de progrès social et de bien-être. Pour nous, seul un institut public à caractère national, avec des personnels sous statut de fonctionnaire d’État, permet d’entreprendre des recherches impartiales, à condition de préserver son indépendance à l’égard du marché et des intérêts privés, lesquels ne coïncident qu’exceptionnellement avec l’intérêt général.