Comment peut-on affirmer dans le rapport du Grenelle : « Il faut changer la donne, imaginer un modèle de développement radicalement différent, diviser par quatre les gaz à effet de serre avant 2050 » pour lutter contre un réchauffement climatique qui pourrait atteindre 6 °C dans le siècle, et simplement conseiller de rouler plus lentement, de ne plus manger de fraises en hiver ou de se laver les dents en économisant l’eau, comme nous y encourage Jean-louis Borloo ? Comment ne pas percevoir le décalage entre un discours à juste titre catastrophiste sur des menaces sans précédent pour la planète, la biodiversité, la santé ou la qualité de vie de chacun, et les solutions pusillanimes préconisées par ailleurs, qui écartent comme une évidence de nouvelles taxes et de réelles régulations du marché ?
Dans le diagnostic, chacun peut se retrouver dans les conclusions des ateliers du Grenelle. Mais conseiller de prendre le tram ne sert à rien s’il n’est disponible que quelques centaines de kilomètres au niveau national à comparer à des centaines de milliers de kilomètres d’axes routiers urbains, surtout si les subventions de l’Etat sont supprimées depuis deux ans. A quoi bon encourager à prendre les bus alors que les réseaux en site propre ne sont plus financés par l’Etat dans les contrats de plan signés en 2007 ? Et encourager le fret ferré est sans conséquence si sa diminution rapide (4 % par an et moins de 3 % du total de trafic de marchandises) est favorisée par l’Etat, premier actionnaire de la SNCF, qui laisse celle-ci annoncer la suppression de près de 300 plate-formes régionales durant ce même Grenelle. Il n’est plus temps d’évaluer l’impact de telle ou telle nouvelle liaison routière, de créer un observatoire des transports, ou d’étiqueter les produits énergivores. L’heure n’est plus à l’exercice d’analyse et de recherche des bons indicateurs.
L’heure est à l’action, quitte à fâcher les lobbies et fortement taxer les gros pollueurs, quitte à créer une taxe carbone à un niveau suffisant pour décourager les transports de confort comme le granit importé de Chine, pour financer les économies d’énergie. Et l’Etat a également toute possibilité de financer uniquement les logements desservis par des transports en commun, sachant qu’il intervient directement ou indirectement dans 40 % de la production de logements. Cette synthèse fourmille néanmoins de bonnes idées, mais rarement chiffrées et accompagnées de calendrier d’application.
Ainsi, construire une trame verte nationale est une bonne idée, mais non pour préserver 10 % du territoire national de l’urbanisation et continuer à étaler l’urbanisation à raison de 1 000 km2 par an, mais pour préserver 90 % du territoire de l’urbanisation et ainsi faire que la France ne soit plus le cinquième pays au monde pour le nombre d’espèces menacées et le dernier en Europe à créer un réseau Natura 2000, et encore sous la menace de sanctions.
De même, la formation des artisans aux bonnes pratiques en termes d’isolation des bâtiments est une bonne chose, mais ne serait il pas plus opportun encore de dégager des budgets pour l’isolation des bâtiments anciens et non de continuer à diminuer les crédits de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) sachant que le parc de logements en France se renouvelle uniquement à raison de 1 % par an, reportant ainsi de plus d’un siècle, au rythme actuel, toute ambition globale d’économie d’énergie dans le logement ?
Et nous pourrions multiplier de tels exemples. Faisons que le Grenelle de l’environnement ne soit pas un abus de langage, une idée généreuse lessivée par des communicants trop heureux de pouvoir bientôt réutiliser le label pour l’insertion, et peut être un jour pour la communication politique…