Contrairement à de nombreuses affirmations émanant de l’emballement
médiatique, Jean Louis Borloo n’a annoncé le 20 septembre aucune décision ni aucun
moratoire sur les OGM.
Seul fait nouveau : le Ministre de l’environnement a reconnu qu’"on ne peut
pas contrôler les disséminations« et il en tire une conclusion »donc, on ne
va prendre aucun risque". Mais il n’annonce pour cela aucune mesure
concrète. En évoquant l’idée d’une suspension des cultures jusqu’au vote
d’une loi qu’il a annoncé pour avant le printemps prochain, il ne fait que
confirmer ce que tout paysan sait déjà : sous nos latitudes, on ne cultive
pas le maïs entre octobre et mars. Cela lui permet d’éluder notre demande de
moratoire tout en l’instrumentalisant pour précipiter le débat sur la loi.
La FNSEA (+CNJA/GNIS/APCA) en profite pour signifier qu’elle récuse la
légitimité du Ministère de l’environnement pour débattre de la question des
OGM et va demander à Nicolas Sarkozy de désigner pour cela ses complices installés
au Ministère de l’agriculture et/ou de la recherche. Par la même occasion,
elle espère, comme elle l’a déjà tenté sans succès en juillet, délégitimer
définitivement le Grenelle pour toutes les questions touchant à
l’agriculture (pesticides, agrocarburants, certification agriculture
raisonnée...) question qu’elle veut régler uniquement lors des Assises de
l’Agriculture qui suivront. Comme il l’a montré dès juillet, elle peut
compter pour cela sur la complicité active du Ministère de l’Agriculture. Le
déroulement de la dernière réunion du groupe agri du Grenelle lundi 24
septembre sera sur cette question instructif.
Le débat sur la loi qui s’est amorcé lors de la dernière réunion du groupe
OGM du Grenelle vendredi 21 révèle quatre éléments importants :
1- Plus le débat sera court, plus la loi sera favorable aux OGM. En effet,
nos interlocuteurs ne connaissent rien à la réalité des champs et des
plantes et sont sous la pression d’une propagande scientiste qui prétend
pouvoir contrôler le vivant. Les faits, venant des champs et de quelques
laboratoires scientifiques honnêtes, que nous apportons dans ce débat
peuvent convaincre les plus ouverts d’entre eux, mais leur acceptation
demande du temps car ils remettent totalement en cause le château de carte
juridique construit patiemment par tout le monde depuis quinze ans autour de
l’idée de coexistence.
Le calendrier imposé par J-L Borloo place la loi en priorité. Nous devons donc
nous intéresser à la loi (cf plus bas). Nous n’avons cependant aucun intérêt
à en demander le vote le plus rapide possible, mais bien prioritairement un
moratoire permettant au débat public sur la loi de prendre le temps dont il
a besoin.
2 - Nous devons expliquer ce que nous entendons par moratoire car la
confusion actuelle ne profite qu’à nos adversaires. Au cours du printemps
2007, la traduction pratique d’une décision politique de moratoire passait
par le recours à la clause de sauvegarde pour suspendre en France
l’autorisation de commercialisation des seules semences transgénique alors vendues
en France, celles du maïs MON 810, dont l’autorisation accordée en 1998 reste valable jusqu’à la réponse de la Commission à la nouvelle demande déposée récemment. Pour 2008, la clause de sauvergarde devra concerner aussi
les éventuelles nouvelles autorisations qui ne sont pas encore connues aujourd’hui. Un moratoire sur les cultures en champ se traduit donc
maintenant par une suspension de l’autorisation accordée en 1998 au MON 810 mais aussi un engagement politique à n’accorder aucune autorisation
d’essai et à actionner la clause de sauvegarde sur toute nouvelle
autorisation européenne d’OGM à la culture.
3 - le débat sur la loi se cristallise sur trois éléments majeurs :
3-1. l’évaluation des risques, sa nature, son organisation, le contournement des règles d’autorisation des pesticides, la prise en compte ou non des risques pour les systèmes agraires sans OGM pour fonder le recours à la clause de sauvegarde, et le mécanisme
de prise de décision politique qui en découle (dont le droit des
collectivités territoriales à refuser les OGM sur leur territoire), sujets qui renvoient aux compétences et au fonctionnement de la Haute Autorité voulue par J-L Borloo,
3 -2. Le seuil de 0,9% est un compromis politique qui ne concerne que
l’étiquetage des produits commercialisés. Si ce seuil devient le seuil de
droit à contaminer, il nie toute production « sans OGM » qui renvoie au seuil
de détection. De plus, des contaminations au champ ou dans la filière
inférieures au seuil de 0,9% peuvent très bien générer des contaminations du
produit fini nettement supérieures. Les indemnisations des contaminés et la
responsabilité des contaminateurs doivent donc être engagés dès le seuil de
détection.
3- 3. La responsabilté du pollueur payeur pose divers problèmes :
(a) = solution coexistentialiste à minima
(b) = nos propositions
– définition du dommage : (a) uniquement coût du déclassement de la récolte
lorsqu’un champ OGM de la même espèce a été cultivé à proximité la même
année comme proposé par le Sénat, ou (b) toute perte de récolte, de label,
de fond, de clientèle, de semences, préjudice moral... provoquée par toute contamination
venant aussi de disséminations à grandes distances, de repousses des années
précédentes, des filières, de la semence... même lorsqu’il est impossible
d’en déterminer l’origine ou la construction transgénique exacte et donc le
propriétaire du brevet, ainsi que l’ensemble des surcoûts du « sans OGM » même
lorsqu’il n’y a pas contamination (analyses, séparation des filières...)
– définition du responsable : (a) uniquement l’agriculteur qui a planté des
OGM ou (b) toute la filière OGM, en commençant le propriétaire du brevet (ou
de la licence et de l’autorisation de commercialisation en France si le
propriétaire du brevet échappe à la juridiction française), les
distributeurs et les cultivateurs d’OGM
– (a) responsabilité individuelle ou (b) responsabilité collective de la
filière OGM n’exonérant pas de la responsabilité individuelle lorsque la
filière OGM peut déterminer l’opérateur qui est à l’origine de la
contamination
– charge de la preuve reposant : (a) sur le contaminé ou (b) sur la filière
OGM si elle veut se retourner contre celui qui aurait fait une faute
– qui paye ? : (a) uniquement l’assurance du contaminateur (solution qui revient à autoriser toutes les contaminations dont il sera
impossible de prouver l’origine exacte, c-à-d la majorité d’entre elles)
et en attendant qu’elle puisse le faire le contribuable et l’ensemble des
agriculteurs cultivant ou non des OGM (solution loi du Sénat) ou (b) un
fond financé par prélèvement obligatoire et uniquement par la filière OGM,
qui n’exonère pas d’une assurance obligatoire pour les cas où le fond en
question pourra déterminer la responsabilité individuelle d’un opérateur
particulier de cette filière.
Tout choix (a) sur un seul de ces points génère nécessairement le même choix
sur les autres.
Ces trois points ne doivent pas nous faire oublier les problèmes de
l’étiquetage des produits animaux et des semences que nous n’avons réussi
faire
rentrer dans les débats du Grenelle qu’à la marge.
NB 1 : il est instructif de noter l’opposition farouche de l’INRA à toute
extension des compétences de la Haute Autorité à l’ensemble des
biotechnologies, notamment aux plantes mutées
Guy Kastler, le 22 septembre 2006
NB 2 : les propos du Sénateur Legrand, président du groupe de travail OGM, qui déclarait le 27 septembre à Reuters « vous pourrez faire du bio, du conventionnel et des OGM » montrent qu’il faut rester prudent dans l’interprétation de l’annonce de J-L Borloo : ou bien Mr Legrand est devenu magicien et a découvert la solution que n’a pas trouvé le groupe de travail pour faire cohabiter OGM et sans OGM, ou bien l’absence de prise de risque évoquée par J-L Borloo se limite au sans OGM avec une certaine dose d’OGM