Cette décision n’est pas le fruit du hasard. Elle fait suite à des années de pression croissante de la part de l’armée birmane et de la Chine, et marque un rééquilibrage du rôle de l’UWSA dans la guerre civile morcelée qui déchire le pays.
Contexte historique
Après sa scission du Parti communiste birman (CPB) en 1989, l’UWSA a conclu un cessez-le-feu avec l’armée birmane. Tout au long des années 1990 et au début des années 2000, elle a collaboré avec l’armée dans des offensives contre l’armée Mong Tai de Khun Sa, puis contre le Conseil de restauration de l’État Shan (RCSS).
Ces opérations conjointes servaient les intérêts des deux parties : elles permettaient à la Tatmadaw d’éliminer ses rivaux tout en aidant l’UWSA à renforcer son emprise le long de la frontière thaïlandaise.

Les relations entre les deux parties semblaient bonnes, mais elles étaient contrôlées par les dirigeants de l’UWSA et le chef des renseignements militaires, le général Khin Nyunt, qui accédait aux demandes de l’UWSA. Le numéro deux de la junte, Maung Aye, considérait toutefois l’UWSA comme une force autonome qui refusait de se plier à ses ordres. Cette divergence a semé la confusion parmi les commandants sur le terrain, pris entre deux feux par les ordres contradictoires venant de Rangoon. En 2005, les relations entre la junte et l’UWSA ont commencé à se détériorer.
Trois événements ont déclenché la rupture : le limogeage du général Khin Nyunt, le refus de l’UWSA de continuer à combattre le Rassemblement des nationalités de l’État Shan (RCSS) dans la région de Loi Tai Leng, et l’arrestation en représailles par la junte du commandant de brigade de l’UWSA Bao Aik Kham alors qu’il revenait de Loi Tai Leng avec « une cargaison de drogue ». L’arrestation a été supervisée par Min Aung Hlaing, alors chef du commandement de la région du Triangle.
Les relations se sont encore détériorées en 2009 lorsque l’armée a fait pression sur l’UWSA pour qu’elle se rebaptise « Force de garde-frontières » conformément à la Constitution de 2008 qui avait été rédigée dans le but de consolider le régime militaire sous une apparence civile.
En 2010, les médecins, les enseignants et d’autres fonctionnaires se sont retirés du territoire Wa et des ouvrages militaires ont été construits dans les zones contestées.
Sous la présidence de Thein Sein, des accords de cessez-le-feu ont été signés au niveau des États et de l’Union, ce qui a contribué à apaiser les tensions. Mais le refus de l’UWSA de signer l’accord de cessez-le-feu national (NCA) en 2015 a ravivé les hostilités. L’armée a alors bloqué les livraisons d’aide humanitaire du Programme alimentaire mondial (PAM) au territoire Wa, notamment le riz et le carburant.
The UWSA’s refusal to sign the NCA also drew pressure from China. In response, the group helped form the Federal Political Negotiation and Consultative Committee (FPNCC), an alliance of seven ethnic armed groups aimed at forging an alternative to the NCA.
L’UWSA n’avait jamais intégré d’alliance ethnique auparavant, se contentant d’entretenir des relations amicales avec des groupes qui s’étaient séparés du Parti communiste birman. Après la formation du FPNCC, l’UWSA est apparue comme un puissant protecteur des petits groupes armés ethniques, notamment le SSPP, le MNDAA, le TNLA et l’Armée d’Arakan (AA), leur fournissant des armes, des fonds et un refuge sur son territoire.
L’annonce de la suspension de l’aide de l’UWSA a donc été une confirmation de son soutien financier et militaire aux autres armées ethniques. Ce soutien, direct ou indirect, s’est également étendu aux groupes de résistance apparus après le coup d’État de 2021.
L’UWSA contre l’armée birmane
Après le coup d’État, l’UWSA a gardé ses distances avec la junte, refusant d’accueillir les émissaires du régime dans son bastion de Panghsang, dans le nord de l’État Shan, et ne les rencontrant que deux fois en territoire neutre. Bien qu’elle ait participé aux pourparlers de paix à Naypyitaw en 2022, aucun accord substantiel ne fut conclu.
Cependant, elle a maintenu son engagement non seulement auprès des groupes armés du nord-est de la Birmanie, mais aussi auprès des organisations ethniques d’autres régions.
Au cours de l’opération 1027 contre le régime, elle a pris le contrôle de zones stratégiques telles que Hopang, Tangyan et certaines parties de Mongkyat et Mongyaw, avec l’accord tacite de l’armée. Cela reflétait des accords antérieurs dans lesquels l’armée birmane avait autorisé l’UWSA à étendre son territoire afin de servir de zone tampon, en particulier contre les attaques de la MNDAA.
Pékin resserre son emprise
Avant le coup d’État, la Chine était le seul acheteur de l’étain produit dans le territoire de Wa.
Les inquiétudes de la Chine se sont intensifiées après le putsch, lorsque les forces ethniques ont pris le contrôle de villes proches de la frontière, perturbant ainsi le commerce. Pour Pékin, le maintien de ses échanges commerciaux d’un milliard de dollars par an avec le Myanmar, ainsi que la sécurité de son programme « Belt and Road Initiative » (BRI), passent avant les nombreuses atrocités et autres violations des droits humains commises par le régime.
Pékin a commencé à intensifier la pression sur la MNDAA et la TNLA pour qu’elles mettent fin à leurs offensives contre le régime. Mais lorsque cette pression s’est avérée insuffisante, elle s’est tournée vers l’UWSA.
L’UWSA a rapporté que la Chine avait gelé des milliards de yuans détenus dans des banques chinoises par des responsables et des partenaires de l’UWSA. Dans un geste spectaculaire, les autorités chinoises ont arrêté le commandant adjoint de l’UWSA, Bao Junfeng, ainsi que plusieurs de ses officiers au motif qu’ils auraient été impliqués dans des opérations frauduleuses. Bao Junfeng devait succéder à son oncle âgé de 70 ans, Bao Youxiang, à la tête de l’UWSA après avoir été nommé commandant adjoint en 2021. Son arrestation a perturbé la transition à la tête de l’UWSA et a montré la détermination de Pékin à affirmer son contrôle.
Pendant près de deux ans, l’UWSA a subi un embargo financier imposé par Pékin. Mais alors que le régime perdait de plus en plus de territoire, la Chine a menacé d’étendre l’embargo sur le territoire de Wa aux denrées alimentaires, aux médicaments, au carburant et à d’autres produits de première nécessité. Les 500 000 personnes qui vivent dans cette région étaient confrontées à des difficultés imminentes, et l’UWSA a finalement cédé à la demande de la Chine.

Soldates de l’UWSA lors d’un défilé / The Irrawaddy
Pas une collaboration, mais une capitulation
La décision de l’UWSA de suspendre son soutien aux EAO ne constituait pas un revirement stratégique, mais une concession faite à contrecœur sous la pression chinoise. Les spéculations selon lesquelles l’UWSA coopérerait avec la junte pour organiser des élections sur le territoire Wa sont sans fondement.
Premièrement, l’UWSA ne reconnaît pas l’autorité du gouvernement officiel de l’État Shan, contrôlé par la junte, et accorde peu d’importance aux personnalités administratives locales. Elle ne traite qu’avec les décideurs de Naypyitaw.
Deuxièmement, l’armée continue de compter sur l’UWSA pour empêcher la résistance de progresser à Tangyan, mais n’offre en échange aucun moyen de pression ni aucune incitation significatifs. Stratégiquement, le régime n’est pas en mesure d’exiger des concessions de la part de l’UWSA.
Troisièmement, bien que les communes contrôlées par les Wa aient été définies comme circonscriptions électorales lors des scrutins de 2010, 2015 et 2020 en vertu de la Constitution de 2008, aucune élection n’y a jamais été organisée. La définition des circonscriptions électorales n’est qu’une affirmation symbolique de souveraineté et ne préjuge en rien du résultat d’un futur scrutin. Sans accord politique entre l’UWSA et l’armée, la tenue d’élections sur le territoire Wa reste irréaliste.
L’UWSA a soutenu non seulement les groupes armés ethniques mais aussi les forces de la Révolution du printemps. La cessation de son aide ne marque pas une collaboration avec le régime mais plutôt une réponse réticente aux menaces croissantes de Pékin.
L’UWSA aurait pu déclarer avoir suspendu son soutien afin d’assurer la stabilité régionale, elle a préféré affirmer explicitement que cette décision était motivée par la pression chinoise. Pékin ne devrait pas se réjouir de cette déclaration.
L’UWSA semble plus soucieuse de préserver sa bonne image auprès des communautés ethniques du Myanmar que d’apaiser son puissant voisin. Cependant, le coût de cette concession (suppression des armes, du financement et de l’accès au territoire) sera durement ressenti par les forces de résistance dans toutes les régions du pays.
Ko Oo
Europe Solidaire Sans Frontières


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