Lundi 31 mars, une audience très attendue a eu lieu au parquet de Paris, qui devait rendre une décision dans l’affaire de détournement de fonds européens. Le parti d’extrême droite Rassemblement National aurait détourné jusqu’à quatre millions d’euros par le biais d’assistants parlementaires. Outre la vice-présidente du parti Marine Le Pen, plus d’une vingtaine d’autres personnes ont été condamnées lundi, dont sa sœur Yann Le Pen et le maire de Perpignan, Louis Aliot.
Marine Le Pen savait ce qu’elle faisait et était au centre de pratiques qui n’étaient certainement pas légales.
La décision, qui suspend immédiatement les activités politiques de Marine Le Pen et oblige la femme politique à porter un bracelet électronique, est largement sans précédent précisément en raison de son effet immédiat. Le Pen, qui a quitté la salle d’audience prématurément sans entendre l’intégralité du discours de clôture de la juge, est apparue sur la chaîne de télévision française TF1 lundi soir à vingt heures. Dans l’interview, elle s’est dite innocente. Selon elle, la juge a clairement indiqué que sa décision était politique car elle veut empêcher des millions de Français d’élire Marine Le Pen comme nouveau chef d’État.
« Je ne me laisserai pas acculer si rapidement. J’assure à tous que, comme eux, je suis en état de choc absolu et je n’ai pas l’intention d’abandonner », a déclaré Le Pen. Lorsqu’on lui a demandé si le président du parti et député européen Jordan Bardella serait maintenant le candidat présidentiel du Rassemblement National, elle a simplement répondu qu’elle respectait beaucoup Bardella, mais qu’elle n’était pas prête à parler d’un autre nom que le sien. « Je m’attendais à ce que les juges veuillent se venger de nous, mais j’avoue que je ne m’attendais pas à ce qu’ils aillent si loin. La journée d’aujourd’hui restera dans notre histoire comme le jour où le pouvoir judiciaire a tenté d’empêcher la favorite de l’élection présidentielle de diriger le pays. »
Orbán écrit : « Je suis Marine »
La décision a considérablement secoué le débat politique français, les réactions affluant de toutes parts. Le Premier ministre François Bayrou est, dit-on, choqué, tandis que l’ancien président François Hollande estime que la justice n’a fait que son travail et que le Rassemblement National n’a certainement pas le droit de se présenter comme une victime. Les amis d’extrême droite de Marine Le Pen à l’étranger, comme Viktor Orbán, lui expriment leur soutien par la déclaration « Je suis Marine ». Jordan Bardella a publié une pétition à l’appui de sa protectrice et appelle les citoyens à manifester, de manière non violente mais résolue.
Marine Le Pen a l’intention de faire appel dans les plus brefs délais, mais elle est convaincue que les tribunaux feront tout pour que la décision ne puisse pas être révoquée avant l’élection présidentielle. Le premier tour devrait avoir lieu en mai 2027. Si elle ne pouvait pas se présenter, et si elle était plus tard acquittée, elle pourrait contester la légitimité du président de la République nouvellement élu.
Méfiance envers les institutions démocratiques
L’essence de l’affaire semble avoir disparu du débat. Les tribunaux n’ont pas inventé l’affaire, et au cours de la procédure, un document de plus de 150 pages a été présenté qui prouve clairement que Marine Le Pen savait ce qu’elle faisait et était au centre de pratiques qui n’étaient certainement pas légales. Par exemple, le jardinier de son père fondateur récemment décédé, Jean-Marie Le Pen, était payé comme assistant avec l’argent du Parlement européen. De cette façon, le parti a obtenu une source importante de financement qui lui a permis de fonctionner, de former des cadres et de s’établir sur la carte politique.
On ne sait pas encore quel impact supplémentaire la décision du tribunal aura sur le paysage politique déjà assez confus de la France. Il pourrait y avoir toute une série de scénarios. Peut-être que Bardella, qui ces derniers mois a principalement présenté son livre biographique, qu’il a publié alors qu’il n’avait pas encore trente ans, finira par prendre la candidature. Il est également possible que l’un des républicains conservateurs, peut-être l’actuel ministre de l’Intérieur, Retailleau, passe au premier plan. Ou Marion Maréchal Le Pen, qui est membre du mouvement du candidat présidentiel malheureux et ancien journaliste Éric Zemmour, pourrait vouloir prendre le rôle de leader de l’extrême droite. La triste vérité est qu’une grande proportion de Français ressent actuellement un sentiment croissant d’impuissance, et cette décision de justice augmentera encore leur méfiance envers les institutions démocratiques.
Sára Vidímová