Face à la perspective de la grève générale et des rassemblements du 28 février (date du drame en 2023), la droite a tenté de jouer la peur et l’accusation de manipulation, se croyant encore forte des 41 % obtenus en juin 2023 et pensant « classiquement » neutraliser la mobilisation. La rue lui a donné sa réponse : gigantesque !
Au moins 1 habitantE sur 10 en manif !
Difficile de chiffrer, mais l’accord est général : les rassemblements — dans plus de 120 villes et aussi à l’étranger — étaient plus massifs peut-être que ceux après la chute des colonels en 1974. Pour les villes de Crète, la police elle-même donne des chiffres initiaux autour de 50 000, on est sûrement près de 100 000 ! Partout, des foules de toutes générations, des cortèges lycéens ou étudiants et des regroupements syndicaux, car la grève générale était incroyablement massive, avec en particulier les commerces en grève. À Athènes, le raz-de-marée était à la hauteur de la colère : au moins 400 000 manifestantEs, peut-être un million ! Et comme principaux mots d’ordre : « Assassins ! Démission ! ». Et aussi : « Je n’ai pas d’oxygène », cette phrase retrouvée il y a peu sur le téléphone d’une victime. Un comité d’experts a confirmé cette semaine la présence dans le train de marchandises d’un produit non enregistré et sans rapport avec le fonctionnement ferroviaire, comme le prétendait le gouvernement, et qui a explosé puis pris feu, causant de nombreuses morts.
Nos morts, leurs profits
Cette journée de mobilisation fait partie de celles où « le peuple a écrit l’histoire » (titre du journal Prin). Même des médias de droite ont changé de discours ces derniers temps et rendent compte du formidable travail du comité des familles de victimes. L’une des figures de ce comité, Maria Karystianou, s’insurgeait cette semaine : « Ils osent dire que ma fille a été sacrifiée. Des sacrifices de citoyens sur l’autel de quel dieu exactement ? Ils ne nous le disent pas. Sur l’autel de leur propre dieu, le dieu argent… »
Et maintenant ? Pas question de s’en tenir à la seule motion de censure que va déposer le Pasok. Mais obtenir la démission de cette ultra-droite semble difficile vu l’état des forces à gauche et leur division. Une piste sera de revendiquer la renationalisation du transport ferroviaire face à ce gouvernement soucieux de tout privatiser, et cela exige à l’évidence un cadre de front unique, que l’actuel impressionnant mouvement de masse pourrait bien imposer dans sa vaste logique de justice, dont certains panneaux rappelaient qu’elle est très large, exigeant ainsi vérité sur les causes du naufrage de Pylos (en juin 2023, au moins 600 migrantEs noyéEs). La mobilisation va continuer !
A. Sartzekis, Athènes, le 1er mars 2025
• Hebdo L’Anticapitaliste - 744 (06/03/2025). Publié le Samedi 8 mars 2025 à 08h30 :
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/greve-massive-et-manifestations-historiques-pour-les-victimes-de-tembi
Grèce : Mobilisations pour découvrir les causes de la tragédie de Tèmbi
Le 28 février 2023, une catastrophe ferroviaire causait la mort de 57 personnes, parmi lesquelles les cheminotEs et de nombreux étudiantEs. Cette tragédie, pour laquelle le gouvernement plaidait l’erreur d’un chef de gare, mettait en lumière l’état lamentable du réseau offert à la privatisation.
Une vague de colère immense s’était alors levée (voir l’Anticapitaliste du 8 et 15 mars 2023, et du 29 février 2024). Elle continue et même se renforce depuis un mois et demi.
Une marée humaine le 26 janvier
La justice traînant en longueur, les parents des victimes, réunis en comité, ont fait procéder à l’enquête que ne voulait pas Mitsotakis. Début janvier, il est apparu que 27 victimes n’ont pas été tuées par la collision, mais par étouffement puis brûlées vives : pour plusieurs experts, la cause en serait la fuite puis l’incendie de produits de type essence frelatée, transportés de manière tout à fait illégale. Sur quelques téléphones retrouvés, on entend des jeunes crier sur le numéro d’appel de détresse « Je n’ai plus d’oxygène ». On sait qu’un tel trafic d’essence existe. Ce qui pose question et révolte, c’est la tentative évidente du Premier ministre d’étouffer l’affaire, comme il l’a fait dans d’autres cas : autoritarisme à la Orbán ? Atteinte insupportable à l’image de tout-puissant que colportent ses réseaux ? Ou plus simplement couverture de ses amis grands patrons qui pourraient être impliqués ?
Quoi qu’il en soit, le comité des familles a appelé à des rassemblements le 26 janvier pour que justice soit faite, et cela dans une centaine de villes en Grèce, une vingtaine à l’étranger. Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues ce dimanche-là avec même des dizaines d’étudiantEs serbes, mobiliséEs chez eux pour le même type de tragédies, présents à Athènes. Il est vite devenu impossible d’atteindre la place centrale !
Grève générale appelée pour le 28 février
Ce succès a déstabilisé la droite. Le 29 janvier, Mitsotakis jouait le père de la nation affligé, mais surtout affligeant puisque, comme toujours, il dégageait ses responsabilités personnelles, accusant les sociétés ferroviaires et les pompiers et, à la suite, un secrétaire d’État chargé par lui-même de gérer la situation sur place en 2023… son acte principal consistant à ordonner que dès le 3 mars, on dégage la terre et les débris de la catastrophe, alors que l’enquête était en cours. Près 80 % des Grecs et des Grecques ont trouvé lamentable cette prestation au cours de laquelle Mitsotakis a dit son regret qu’aucune vidéo des faits n’existe. Et, ô miracle, le 7 février était annoncée la remise de 3 vidéos, soi-disant oubliées ! En dehors du fait que ces vidéos ne montrent rien de décisif, leur authenticité est mise en doute.
Alors, bien sûr, la colère ne s’éteint pas : le 7 février, des milliers de jeunes étaient dans les rues, et surtout, le 28 février, une immense mobilisation — avec grève générale privé/public — est appelée par le comité des familles. Au-delà de l’exigence de vérité, il faut exiger un service public des transports, sûr et de qualité.
A. Sartzekis, Athènes, le 16 février 2025
• Hebdo L’Anticapitaliste - 742 (20/02/2025) :
https://lanticapitaliste.org/actualite/international/grece-mobilisations-pour-decouvrir-les-causes-de-la-tragedie-de-tembi