Suite à une conversation téléphonique une semaine plus tôt entre les présidents américain et russe, le secrétaire d’État américain Marco Rubio et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov se sont rencontrés pour discuter du sort de l’Ukraine en Arabie Saoudite le 19 février. Aucun représentant ukrainien n’a été invité.
Concernant les pourparlers, La Gauche pour la Paix Sans Annexions a déclaré dans un communiqué du 24 février que, bien que « le président américain de droite anti-communiste Donald Trump promeuve l’idée de paix », en fait, il « semble seulement vouloir partager l’Ukraine » avec le président russe Vladimir Poutine et priver « le peuple ukrainien de sa souveraineté ».
Voir aussi :
- Entre Trump et Poutine : l’Europe à la croisée des chemins
- Boris Kagarlitsky : « La libération des prisonniers politiques russes doit faire partie de tout accord Trump-Poutine »
- Gilbert Achcar : Pourparlers États-Unis-Russie — la paix entre néofascistes et la guerre contre les peuples opprimés
La Gauche pour la Paix Sans Annexions rassemble des socialistes russes de diverses tendances révolutionnaires, et s’est formée à la suite d’une réunion d’émigrés de gauche anti-guerre post-soviétique organisée à Cologne, en Allemagne, en novembre dernier.
La coalition a soutenu que de telles négociations conduiraient « inévitablement à beaucoup plus de guerres de conquête », étant donné que « l’impunité avec laquelle des parties de l’Ukraine ont été annexées déliera les mains de tous les impérialistes ».
Leurs opinions ont été reprises par le collectif éditorial de Posle, un site web russe anti-guerre créé par des gauchistes russes peu après le début de la guerre.
Leur éditorial du 24 février a soutenu que les pourparlers entre les États-Unis et la Russie « n’apporteront rien d’autre que de nouvelles guerres au monde. L’impérialisme ne s’arrête jamais à mi-chemin — il ne prend l’acquisition des territoires convoités que comme une invitation à une agression supplémentaire ».
Le sociologue marxiste Boris Kagarlitsky a mis en garde contre les dangers posés par l’accord Trump-Poutine, dans une lettre du 19 février écrite depuis une colonie pénitentiaire russe où il purge une peine de cinq ans d’emprisonnement pour « justification du terrorisme ».
Selon Kagarlitsky, la « nouvelle orientation » de l’impérialisme américain « est vers la domination, une domination qui ne tient pas compte des intérêts ou des droits des autres ».
Dans le cadre de ce projet, Trump offre ouvertement à la Russie « le rôle de partenaire junior dans cette entreprise — une entreprise dirigée contre la Chine, l’Europe, et en fait le reste du monde entier. »
De l’autre côté, les élites russes ont « désespérément » besoin du soutien de Trump "pour se sortir de l’impasse qu’elles ont créée [en Ukraine]…
« Il semble que les personnes au pouvoir à Moscou aient peu d’autre choix que d’accepter les conditions [de Trump], d’autant plus que Trump les accommodera sur la question ukrainienne... »
La véritable importance des pourparlers, a noté Posle, ne réside pas dans les résultats, étant donné qu’aucun accord tangible n’a été conclu : « L’administration américaine n’offre aucun plan définitif pour mettre fin à la guerre, et la Russie n’a pas encore démontré de volonté de compromis et de renoncer à au moins certaines de ses revendications territoriales. »
Plutôt, « pour les deux parties, ces négociations sont principalement d’importance symbolique : il est important pour elles de montrer qu’un tel scénario » — qu’ils décrivent comme « des représentants de puissances militaires discutant calmement de la division du territoire d’un autre pays et de ses richesses naturelles » — « ne devrait plus sembler impensable et que les règles du jeu ont été radicalement changées… »
Pour cela, « cette rencontre entrera dans l’histoire comme le début d’une nouvelle ère — l’ère de l’impérialisme du XXIe siècle. »
« Le sort des Ukrainiens tourmentés aujourd’hui pourrait bientôt devenir l’image du futur pour l’humanité », a averti Posle, « mais l’humanité a toujours la chance de dire ’Assez !’ à cette folie impérialiste. »
À la lumière de cela, La Gauche pour la Paix Sans Annexions a appelé tous les gauchistes russes à « se prononcer en faveur du droit des Ukrainiens à résister et pour la défaite de ’leur propre’ impérialisme ».
Pendant ce temps, ils ont déclaré que la gauche occidentale devrait exiger que leurs pays augmentent l’aide à l’Ukraine afin que les Ukrainiens puissent « continuer [leur] résistance contre l’impérialisme russe, leur permettant de gagner à long terme. »
Malgré les dangers posés par ce qu’il a appelé un « axe Moscou-Washington » émergent, Kagarlitsky a terminé sa lettre sur une note d’optimisme : "Heureusement, il y a de bonnes raisons de croire que le rapprochement entre ces projets autoritaires ne sera pas sans heurts…
"Je crois que nous ne nous dirigeons pas vers une ère sombre de totalitarisme triomphant... mais plutôt vers une période de lutte aiguë et parfois chaotique.
« Nous devons simplement reconnaître la menace et comprendre son ampleur. »
Traduit pour ESSF par Adam Novak
Federico Fuentes
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