Avec le Grenelle de l’environnement, Sarkozy prétend à la résolution de la crise écologique. On aurait tort de minimiser la fonction et la portée de l’opération.
Passons sur la référence aux accords de Grenelle, de la part d’un président de la République qui dit vouloir en finir avec Mai 68. Ce qui est en jeu, c’est la définition, par la droite la plus libérale qui soit, d’une écologie non seulement compatible avec le capitalisme, mais qui puisse aussi lui donner un second souffle : ici, le développement durable, c’est le développement durable et l’approfondissement d’un système qui porte en lui pauvreté des populations et dégradation des écosystèmes comme la nuée porte en elle l’orage.
Le second enjeu, pour le gouvernement, c’est de réduire les marges d’action des mouvements écologistes, en les cantonnant dans un rôle de lobbying, de négociateurs à froid. Alors que la contestation écologiste avait repris du poil de la bête, sur des terrains aussi variés que la lutte antinucléaire, les OGM, la défense d’un service public de l’eau, ou la reconnaissance des victimes de l’amiante, il est nécessaire de poursuivre sur la voie de la mobilisation, sans s’en remettre à des négociations qui risquent de se révéler un jeu de dupes. Rien que les mesures actuelles de diminution drastique du transport de marchandises par le rail et les fermetures de gares, tandis que le transport par camions ne cesse d’augmenter, illustrent le double langage gouvernemental.
Le Grenelle de l’environnement fonctionne avec six groupes thématiques, desquels doivent sortir quinze à vingt propositions fin octobre. Sans pouvoir faire de pronostic précis, on peut deviner que de nouvelles écotaxes vont voir le jour, dont la portée antisociale est largement prévisible, puisque le Medef a prévenu que la défense de l’environnement ne devrait pas reposer sur les entreprises.
Mais surtout, on sait que les mesures d’urgence à même de réorienter les politiques de différents secteurs ne seront pas prises. Un consensus large existe dans les milieux écologistes autour de quatre moratoires (EPR, OGM, autoroutes et incinérateurs). Même si ces mesures ne constitueraient qu’un très modeste frein au productivisme et à la pollution ambiante, elles pourraient constituer une exigence minimale pour commencer à discuter. Elles peuvent, elles doivent, en tout cas, être la base commune des associations et des organisations se réclamant de l’écologie qui veulent constituer un mouvement social de défense de l’environnement, en toute indépendance du gouvernement. Les initiatives prises en marge du Grenelle officiel seront l’occasion d’initier un tel mouvement.