Il était originaire d’Apt dans le Vaucluse. Son père, ouvrier spécialisé (entre autre dans une fabrique de fruits confits) était syndicaliste à la CGT. Sa mère femme de ménage. Lycéen à Apt, il entre à la Jeunesse Communiste en 1966, dont il est exclu en 1967 pour « guévarisme » (sic). Il se rapproche alors de « Révoltes », organisation de jeunesse de l’Organisation Communiste Internationaliste. Mai 68 survient : l’OCI reste en dehors et condamne le mouvement étudiant. Scandalisé, il rompt.
Étudiant en chimie à l’Institut Universitaire de technologie de Marseille, il découvre un curieux journal diffusé dans les milieux proches du PCF : « Le Communiste ». Très vite il participe à sa rédaction. Le groupe est animé par deux figures du mouvement ouvrier : Lucienne Abraham (alias Michèle Mestre) et Mathias Corvin, des trotskystes historiques qui militent depuis les années 1930 et qui ont quitté la IVe internationale en 1954, convaincus de la nécessité d’une intégration totale au principal parti ouvrier de l’époque : le PCF. C’est durant cette période qu’Emile Fabrol rencontre celle qui deviendra la compagne de toute sa vie, sa camarade : Yannick. Ils auront ensemble un fils, Cédric.
Les usines pétrochimiques marseillaises périclitant, Emile doit rejoindre la région parisienne en 1973 pour travailler à Roussel-Uclaf, grosse entreprise pharmaceutique où il prend immédiatement des responsabilités à la CGT.
Émile participe au petit noyau dirigeant du groupe, Yannick, employée à l’Assurance maladie, assure le secrétariat pour Mathias Corvin. L’action du « Communiste » se base sur une charte préconisant : « L’action pour la défense de l’URSS, des démocraties populaires et de la Chine, l’action pour la défense des peuples coloniaux » et « l’action pour la transformation révolutionnaire du PCF ». Le militantisme est totalement clandestin, combinant la participation aux activités du PCF et de la CGT avec l’édition du mensuel « Le Communiste », diffusé en kiosques et sur abonnement.
Le groupe se disloque en 1983 à la mort de Corvin. Emile crée avec Yannick et deux autres camarades « Tribune Communiste de Seine Saint Denis ». Après un temps d’activité autonome, le groupe se rapproche de la Ligue Trotskyste de France (LTF), jusqu’à s’y intégrer. Les orientations sont convergentes : attention aux milieux communistes, opposition au stalinisme et au bureaucratisme, défense sourcilleuse de l’URSS et des « États ouvriers déformés ». L’expérience n’a cependant duré que 10 mois, car il fallait obéir à la moindre directive de la direction états-unienne. La rupture se fit sur le refus de l’appel à envoyer des brigades internationales en Afghanistan.
En 1989, Émile est victime d’un plan de licenciement à Roussel-Uclaf. Il entreprend des études en informatique. Dans ce nouveau domaine, il commence par des petits boulots pour arriver finalement au poste de directeur du service informatique à la mairie des Lilas. Le temps est venu pour lui et ses proches de faire le point, au travers d’une nouvelle publication mensuelle, « Prométhée ». Ce cheminement le fait passer par d’autres petites organisations (Gauche Révolutionnaire, Gauche Communiste), avant qu’en 2009, à sa fondation, Emile et Yannick rejoignent le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Ils côtoyaient depuis longtemps les militant.e.s de Bobigny de la LCR, ils ont été séduits par l’idée de la création d’un parti des révolutionnaires devant regrouper un maximum de camarades issus de toutes les tendances de ce que le mouvement ouvrier a produit de meilleur. Emile est élu membre du conseil politique national du NPA, il anime le comité de Pantin tout en participant à la direction quotidienne ainsi qu’à l’animation de la campagne présidentielle de Philippe Poutou de 2017.

Esprit ouvert et curieux, toujours à l’écoute tout en n’arrêtant pas de dessiner en réunion, il suit l’activité de divers groupes de réflexion, au sein du NPA et en dehors : « Se fédérer pour l’émancipation », « Arguments pour la lutte sociale »… L’hommage qui lui était rendu sur le site d’APLS commençait ainsi : « Jean Puyade nous fait savoir qu’il avait parlé avec lui peu avant, lui disant que des personnels hospitaliers avaient chanté « on est là ! ». Sans aucun doute le type d’information qui importait à Émile, toujours préoccupé avant tout par ce que nous appelons les uns et les autres « le mouvement réel ».
Pierre Vandevoorde
Pour plus de détails, voir la notice que j’avais rédigée pour le Maitron :
https://maitron.fr/spip.php?article243928