
Analyse et conclusions sur le résultat des négociations collectives chez Volkswagen
« Pas de fermeture d’usine, pas de licenciements massifs et pas de réduction des rémunérations mensuelles ». Tel est le succès qui a été annoncé sous l’appellation enchanteresse de « miracle de Noël ». Qu’est-ce qui se cache là derrière et que signifie concrètement cet accord pour nous et pour notre avenir ?
Les primes, l’augmentation de la rémunération conventionnelle et les congés payés ne seront pas perçus pendant des années, ou seront réduits. Volkswagen demandait un sacrifice salarial de 10%. Et voilà que nous nous retrouvons avec une réduction de 10% à 15%. Devons-nous nous en satisfaire ?
Une partie du personnel voit son temps de travail augmenté d’une heure avec une faible compensation. Augmenter le temps de travail à un moment où le travail est en train de manquer, c’est paradoxal.
Ce n’est pas en rognant sur les salaires que l’on crée des emplois. Cela n’a jamais été le cas et ne le sera pas non plus cette fois-ci. C’est ainsi que l’on a voulu présenter les choses au public, en mettant en avant la garantie de l’emploi jusqu’en 2030. Mais en fait, ce sont 35 000 emplois qui seront supprimés d’une manière socialement acceptable d’ici 2030.
On n’aura donc pas en effet la fermeture de trois usines, mais cela fait un volume total presque quatre fois plus élevé que le nombre d’emplois à Zwickau.
Pour arriver au terme de ce véritable carnage, on se donne seulement cinq ans.
Volkswagen emploie près de 120 000 personnes en Allemagne. Si d’ici 2035, 35 000 emplois supplémentaires sont supprimés, chacun.e peut faire le calcul de ce qu’il restera alors de Volkswagen. Et ceci sans que la menace de licenciements économiques dûs à une mauvaise conjoncture ne disparaisse.
Quand on renonce à former des apprenti.e.s, il n’y a plus d’avenir. L’année dernière, le nombre des places disponibles était de 1150. Volkswagen voulait les réduire à 420 et IG Metall se félicite de son succès parce qu’il a pu en imposer 650.
Une certitude, c’est que les conséquences des pertes d’emploi se font dramatiquement et longtemps sentir au plan régional après des vagues de désindustrialisation, comme on l’a vu à Détroit ou dans l’ancienne RDA. De ce fait, ce ne sont pas seulement les salarié .e .s de Volkswagen qui sont concernés, mais nous tous et toutes ! Dans toute l’Allemagne,
l’industrie automobile et ses sous-traitants sont menacés et l’on suivra l’exemple de Volkswagen pour supprimer des emplois et faire les poches du personnel restant afin d’assouvir la cupidité des capitalistes.
Si le syndicat IG Metall de Volkswagen, dont le taux de syndicalisation est de plus de 90%,n’arrive pas à se battre, quel est donc le message envoyé ?
C’est un scénario qui, s’il devait se réaliser, aurait un coûter très élevé pour nous tous et toutes.
Aurait-on pu faire mieux ?
Les espoirs de voir la direction d’IG Metall s’engager dans uncombat pour une réduction générale du temps de travail ont été très faibles dès le départ. Elle a toujours eu comme perspective indépassable et centrale la défense de la compétitivité de l’Allemagne.
La promotion du site de production industriel allemand était un des points du discours de Christiane Benner (vice-présidente nationale du syndicat ndt) lors de la dernière grève d’avertissement à Wolfsburg, sur le thème : « Si l’on veut vraiment faire de l’Allemagne un site de production plus compétitif, il faut être moins cher que les autres à l’étranger ».
Cela va à l’encontre de toute possibilité de mettre en œuvre une solidarité internationale et d’une lutte commune au niveau international contre les attaques mondiales que subissent les travailleurs de l’automobile.Volkswagen ne connaît pas de nations et lorsqu’elle a brandi la menace de délocaliser la production de la Golf au Mexique, c’est devenu une amère réalité. L’usine de Bruxelles va fermer et ici, pendant tout le temps qu’a duré la mobilisation, on n’a même pas pris la peine d’en dire un mot.
Ceux qui dans ce bras de fer jouent la carte du nationalisme ont déjà perdu. La solidarité internationale doit devenir notre affaire. À l’avenir, nous ne pourrons compter que sur nous-mêmes. Les luttes mondiales du mouvement ouvrier sont bien vivantes dans nos mémoires, en particulier la lutte pour la journée de travail de 8 heures et le 1er mai.
La solidarité n’est pas de la charité, elle est à la fin des comptes utile à chacun et chacune d’entre nous. Si nous nous battons à nouveau tous ensemble à l’avenir, alors nous remporterons des succès.
Devons-nous nous contenter de ce résultat ?
Nous ne sommes pas seuls ! Des scientifiques, le mouvement pour la justice climatique, des collègues d’autres entreprises et aussi des salarié.e.s de Volkswagen défendent ensemble les axes suivants :
● Maintien de tous les emplois par la réduction du temps de travail.
● Reconversion de la production en faveur des transports publics.
Cela nécessiterait la mise en place d’autres formes de propriété, telles qu’elles sont définies au § 2 des statuts de l’IGM. Après la Seconde Guerre mondiale, la socialisation a été inscrite dans la Loi fondamentale et dans les statuts d’IG-Metall en tant que forme de propriété, afin de se prémunir du retour du malheur et de la misère par la propriété des moyens de production. Mais ni l’État ni la direction de l’IGM n’envisagent de discuter de la socialisation ne serait-ce que comme une possibilité. Il n’y en a que pour le partenariat social, bien que nous puissions tous constater que les propriétaires actuels sont incapables de garantir une vie dans la sécurité et une production porteuse d’avenir, et qu’ils répandent malheur et misère. Pourtant la socialisation est une question d’actualité. Nous voulons à l’avenir décider nous-mêmes et collectivement de ce qui doit être produit et dans quelles conditions. IG Metall s’est battu chez Volkswagen contre les licenciements massifs, les fermetures d’usines et pour le maintien des salaires de fin de mois (si l’on ne tient pas compte des primes, des congés payés, etc. malgré l’augmentation des dépenses). IG Metall a atteint ces objectifs.
Mais en acceptant de fait une baisse des salaires réels. Un avenir serein pour nous tous et toutes, et donc pas de désindustrialisation comme à Détroit, ce n’est pas son objectif.
Son objectif, c’est d’assurer que la transition se fasse de manière socialement acceptable et plus encore sans heurts, à l’exemple de Ford Saarlouis et maintenant de Volkswagen. Par des départs en cessation progressive d’activité et sans remplacements, 35 000 emplois y seront supprimés en seulement 5 ans, et les conséquences en seront terribles.
Notre lutte se poursuit et ira même plus loin. Nous ne subirons pas les attaques du capital contre nous tous et toutes sans réagir. Maintenant, nous prenons les affaires en main.
Déclaration du 21.12.2024 faite par Tobi Rosswog, Thorsten Donnermeier et Lars Hirsekorn