Elle est née en 1951 à Evreux, de parents tous deux enfants de réfugié.e. s espagnol.e.s : républicains du côté maternel et libertaires du côté paternel.
Sa grand-mère paternelle, Mercedes Vera, fut une combattante de la CNT, elle l’a peu fréquentée. Elle a en revanche, connu et apprécié son grand-père maternel, ancien gradé de l’armée Républicaine, philatéliste à Madrid.
Son enfance, de 6 à 8 ans, et celle de son frère aîné est marquée par ces deux années passées à Madrid, où sa mère avait tenté un retour définitif.
Sa mère s’installe finalement à Louviers où elle trouve un emploi en usine et élève seule ses deux enfants, qui de ce fait, se retrouvent souvent auprès de leur tante Fraternidad, fille de cette combattante féministe libertaire et qui lui a beaucoup appris.
Marie-France, après la troisième, sera orientée vers un Lycée professionnel à Vernon, où sa mère tient désormais un pressing.
Alors qu’elle est encore en troisième, Mai 68 est pour elle une illumination. Elle entre en contact avec les jeunes regroupés autour du journal « Rouge » et devient une figure de la contestation : « le CET, c’est déjà l’usine ». Elle diffuse à tours de bras leur bulletin « L’apprenti enchaîné ».
Il se trouve que son professeur de français est l’un des animateurs de la future Ligue communiste à Rouen. Pour se débarrasser de ce jeune enseignant trop remuant, on l’accusa d’avoir fait étudier « une nouvelle pornographique ». Il s’agissait… du « Mur », les réflexions d’un militant à la veille de son exécution. Marie-France écrivit alors une lettre ouverte à Jean-Paul Sartre, qui réagit par une tribune de soutien dans Le Monde du 18 janvier 1969. Jean-Marie Canu ne fut pas viré, mais muté, après une grève d’une semaine au Lycée et au Lycée Professionnel. Marie-France, qui aurait pu passer en seconde, sur la demande des professeurs qui la voyaient suivre un cursus général, paya son action d’un refus.
Elle n’a jamais obtenu son BEP, car elle n’en voulait pas. Elle travailla comme secrétaire dans diverses entreprises, tout en militant, en particulier au Front solidarité Indochine. Elle fit alors la connaissance du « vieux » trotskyste de Vernon, l’ouvrier du LRBA Jack Houdet, militant depuis 1956, qui l’impressionnait avec son manche de pioche sur le marché, « des fois que les gros bras du député gaulliste Tomasini débarquent ». En revanche, elle garde encore le mauvais souvenir de l’élitisme hautain de certains étudiants de la Ligue Communiste : l’adhésion à la LC lui fut refusée à cause d’un exposé jugé trop « faible » sur la question de la bureaucratie dans le mouvement ouvrier...
Elle connut le père de ses futurs enfants dans le car qui les emmenait au bicentenaire de la Commune de Paris, elle déménagea à Evreux. Depuis la candidature du soldat Alain Krivine à la présidentielle, une section de la LC très dynamique s’y est développée, dans une ambiance de type communautaire.
Elle est très marquée par la répression qui frappe « les trois militants CGT de Vernon ». Pour avoir collé des affiches en soutien à des soldats emprisonnés, deux d’entre eux, ouvriers de l’État à l’usine d’armement, risquent la révocation. Le troisième est son frère, qui lui risque l’expulsion vers l’Espagne franquiste car il n’était pas naturalisé français. Cela sera évité grâce à une intense mobilisation, qui entre autres voit Krivine et Rocard en tête d’un millier de personnes à Evreux.
D’abord embauchée à l’Inspection Académique de l’Eure, elle est mutée à Rouen, car considérée comme « forte tête ». Les 50km de distance et les horaires de car lui imposent de fortes contraintes. Le couple décide ensuite de s’installer à Louviers, où la Ligue est aussi active. Au cours de cette première année à Louviers, son compagnon, incorporé au 39è RI à Rouen, y est actif dans un comité de soldats ; il subit une mutation disciplinaire à Lille. Elle est de celles et ceux qui « montent » l’Association de quartier de la ZAC Maison rouge, alors un grand ensemble de logements en immeubles. C’est en particulier les succès obtenus de ce travail qui vaut aux militant.e.s autour de la Ligue d’être reconnu.e.s pour leur savoir-faire par la municipalité autogestionnaire.
Le premier enfant de leurs trois enfants naît en 1978. Comme souvent, c’est la femme qui sort de l’organisation, tout en restant dan le milieu militant et amical.
Les années qui suivront seront marquées pour eux par une grande disponibilité auprès d’un couple de réfugiés uruguayens Tupamaros, avec lesquels les liens sont restés forts après leur retour au pays.
Membre de « À Gauche Vraiment ! », puis du NPA jusqu’en 2010, elle a été aussi la suppléante de Pierre Vandevoorde à l’élection législative de 2002 à Vernon, et candidate à chaque élection municipale à Louviers. Depuis 2011, elle est une militante active du Réseau départemental « Éducation sans frontières (RESF). Elle y est reconnue pour son savoir-faire, et comme une interlocutrice pugnace des pouvoirs publics.
Pierre Vandevoorde