Maubray, dans l’entité d’Antoing, à la frontière franco-belge, risque de devenir un centre européen de… ski. Regroupés autour du prince de Ligne, grand propriétaire foncier, des investisseurs entendent construire un « centre de glisse » dans une zone de grand intérêt écologique, de part et d’autre du canal Nimy-Blaton. En charge de l’aménagement du territoire, le ministre wallon André Antoine (Cdh) déroule le tapis rouge. Les avis négatifs du Parc Naturel des Plaines de l’Escaut (côté belge) et du Parc Naturel Scarpe-Escaut (côté français) ne sont même pas mentionnés dans la note remise au Gouvernement wallon. Celui-ci a donné a donné son accord à la procédure de révision du plan de secteur, en dépit de l’opinion défavorable exprimée par le Conseil Régional du Pas de Calais. Les investisseurs sont pressés, alors - une fois n’est pas coutume - Namur va vite : l’étude d’incidences est en cours, l’enquête publique aura lieu à partir du 15 août [1].
Ce projet mérite d’entrer au musée de la connerie environnementale dont nous avons déjà suggéré la création pour que les générations futures sachent comment le profit a failli (?) bousiller complètement la planète. De quoi s’agit-il, en effet ? De clôturer une zone de 350ha (vous avez dit : « couloirs écologiques » ?), de déplacer 600.000 m3 de déblais et de créer une « île aux oiseaux » au milieu d’un étang protégé (vous avez dit : « biodiversité » ?). De construire des pistes de ski intérieures, un stade de glace, une installation de surf sur vague artificielle, une « rivière sauvage », un « lagon tropical ». D’installer 1165 logements, 4000 places de parking, 1500 places de restaurant, 19,3 km de voiries éclairées. L’impact écologique n’est pas piqué des hannetons. Consommation d’eau : 500.000 m3/an (puisés dans la nappe du Tournaisis, déjà surexploitée) ; consommation énergétique : 54.000.000 kWh de gaz, 31.000.000 kWh d’électricité ; production de CO2 : 21.000 tonnes par an (et on dit aux gens de baisser le thermostat pour limiter les émissions !).
On oscille entre le fou rire et la fureur quand on lit sous la plume d’André Antoine que le projet est « fondé sur un concept ‘éveil-nature-sport’ » et qu’il « présente l’avantage de s’ancrer (sic) dans un site naturel de plus de 300 ha ». Tu parles d’un « ancrage » ! De deux choses l’une : ou bien M. Antoine écrit n’importe quoi pour faire passer un projet qu’il n’a pas étudié, ce qui est une faute ; ou bien il croit vraiment que faire du ski dans un congélateur géant et loger dans une fausse cabane sur pilotis au milieu d’un faux lagon permet aux gens de « s’ancrer » dans la nature, ce qui est une stupidité.
Il saute aux yeux que ce projet obscène n’est pas « fondé » sur un quelconque « concept éveil-nature-sport » mais sur l’appât du gain : 1,5 millions de visiteurs friqués par an, tel est l’objectif. Les promoteurs agitent la carotte traditionnelle : l’emploi (400 temps plein, 700 temps partiels) et cela suffit à hypnotiser les politiques. Pierre Wacquier, député-bourgmestre (PS) de Brunehaut : le centre est « un bon projet » porteur de « plus-value socio-économique » [2]. Même son de cloche de gauche à droite. Ces gens-là ont-ils encore un cerveau ? Un plan public de lutte contre le changement climatique offrirait infiniment plus d’opportunités de créer des emplois. De bons emplois, pas des emplois Disneyland. Des emplois qui ont du sens, car ils s’inscrivent dans un plan de sauvetage de la planète pour nos enfants. Des emplois qui offrent une plus-value d’humanité, tracent un projet de civilisation non libéral. Savez-vous ce qu’est la civilisation, Messieurs ? C’est le contraire de ce que vous soutenez ici. Car si votre « centre de glisse » est « ancré » dans quelque chose, c’est dans la merde d’un système qui utilise le fléau du chômage qu’il crée pour promouvoir à la fois la dénaturalisation de la nature et la déshumanisation de l’humanité… au prix du massacre du climat.