En deux jours, le 17 et 18 septembre, les explosions de bipeurs et de talkie-walkie piégés ont fait des dizaines de morts, des milliers de blessés au Liban. Les raids aériens israéliens qui ont suivi ont prolongé le massacre : on dénombre plus de 550 morts à la date du 24 septembre, ce qui a contraint des dizaines de milliers de Libanais·es à fuir en masse les zones les plus ciblées, près de la frontière avec l’État hébreu, dans la vallée de la Bekaa et la banlieue sud de de Beyrouth.
Et pourtant, ces attaques terroristes n’ont pas suscité une condamnation et des sanctions mais plutôt, au moins les premiers jours… une admiration de l’ingéniosité israélienne. Des réactions médiatiques et politiques qui sont symptomatiques du racisme systémique, et de la solidarité coloniale à l’égard de l’État d’Israël.
Dans les jours qui ont suivi les premières attaques, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, n’a pas manqué de rappeler que le droit international interdit les attaques qui ne font pas la distinction entre les civils et les cibles militaires et interdit l’utilisation d’appareils piégés ayant l’apparence d’objets inoffensifs. La Vice-Première Ministre et Ministre de la Fonction publique belge Petra de Sutter a quant à elle qualifié ces attaques de « terroristes » le 18 septembre. Ces réactions n’ont cependant rencontré quasiment aucun écho en France dans les jours qui les ont suivies.
Dans une vidéo du 19 septembre, le président français s’est adressé aux Libanais, leur disant certes que la France était à leurs côtés, mais surtout que « le Liban est frappé par le chagrin et la peur ». Or le Liban est frappé non par une catastrophe naturelle, mais par un terrorisme d’État, celui d’Israël. Il y a bien eu une décision israélienne de piéger des milliers de bipeurs, et de les faire exploser sans savoir s’ils allaient toucher des civils ou des militaires. Il y a bien eu une décision israélienne de bombarder les populations libanaises, faisant plusieurs centaines de morts en quelques heures.
Craig Mokhiber, juriste en droit international, qui a démissionné en 2023 de son poste à l’ONU à la prévention des génocides en protestation face à l’inaction des institutions internationales, a affirmé : « Si un attentat terroriste de masse comme celui perpétré par Israël au Liban se produisait dans n’importe quel pays occidental, les dirigeants occidentaux défileraient bras-dessus bras-dessous dans les rues de Paris, les médias occidentaux en feraient une couverture ininterrompue et larmoyante, le drapeau britannique serait en berne pendant des semaines et l’armée de l’air américaine bombarderait les auteurs de l’attentat (ainsi que plusieurs autres pays). Mais il s’agit d’Israël, le pays au-dessus de toute loi. Et les victimes ne sont que des Arabes, le peuple désigné comme indigne des droits de l’homme par l’Occident. L’hypocrisie. Le racisme. La honte. »
Pourquoi, aujourd’hui, beaucoup ont-ils réagi comme si une attaque contre des milliers de personnes dans un pays souverain n’était qu’une prouesse digne d’un film d’action ? Comme si les passants, les voisins, les familles même, de membres du Hezbollah, ou les personnes qui ont récupéré sans raison militaire ces bipeurs et talkie-walkie piégés étaient des victimes collatérales acceptables ? Comme si vivre dans la banlieue sud de Beyrouth, où les prix du logement sont plus abordables, justifiait de risquer de perdre la vie sous les bombes ? Comme si des membres du Hezbollah et leurs proches étaient des cibles légitimes dans leur vie courante ?
Il ne fait aucun doute que ces actions terroristes susciteront toujours plus de violence, que la guerre entraînera la guerre. Emmanuel Macron n’a malheureusement pas parlé de sanctions, seulement de diplomatie. La diplomatie n’a jusqu’à présent fait que patiner, Israël se moquant de toutes les injonctions au cessez-le-feu, au point de se permettre de lancer des frappes aériennes meurtrières au Liban en toute impunité. Il est plus que temps de passer aux sanctions internationales, pour que cessent le génocide à Gaza, la colonisation en Cisjordanie et la guerre contre le peuple libanais.
La requête du procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) en mai 2024 d’imposer des sanctions contre le cabinet de guerre israélien est restée lettre morte car la CPI est inféodée aux États parties pour prendre une décision finale. La France et l’Europe doivent demander que ces sanctions soient effectives, et de manière urgente, au niveau de la CPI, et au niveau européen. L’Union européenne doit rompre son accord d’association avec Israël, déclarer un embargo sur toutes les armes et imposer des sanctions financières sur les avoirs des criminels de guerre et leurs soutiens, comme elle l’a fait pour la Russie. Au niveau individuel, chaque personne peut participer à la campagne BDS.
« Comment appelle-t-on cela, lorsque des civils sont victimes de terrorisme, mais pas par un Arabe ? » « Une attaque très sophistiquée – une provocation – un incident isolé – de la malchance » exprime avec humour noir un dessin de Hage pour L’Orient-Le Jour.
Attac France