Contre toute attente, le 7 juillet dernier, le NFP est arrivé en tête au second tour de ces élections législatives anticipées. Pourtant, j’estime que cette campagne électorale éclair, menée contre l’extrême droite, traduit l’échec politique et idéologique de la gauche.
Ce point de vue situé ne fera probablement pas l’unanimité à gauche, car les discours militants, politiques et médiatiques dominants ont invisibilisé le ciment de l’idéologie d’extrême droite qu’est le racisme. De fait, la grande oubliée de cette campagne a été la lutte antiraciste, pourtant la seule à même de combattre, à la racine, l’extrême droite. Je qualifie la lutte antiraciste de grande oubliée, non pas de grande absente de cette campagne, pour dire son invisibilisation : les personnes racisées, issues de l’immigration, françaises, bi-nationales, étrangères ou sans-papiers se sont mobilisées, dans les urnes, dans la rue, dans les collectifs et associations pour réfléchir et agir contre l’extrême-droite, mais aussi contre la silenciation de leur existence par le bloc blanc et/ou bourgeois de gauche. Le « on s’engueulera après », brandi par la classe politique et les militant·es de gauche n’a pas été un drapeau blanc, mais une technique de silenciation des personnes racisées, par les personnes blanches. Ça n’est pas parce que notre combat a été tu qu’il a été silencieux, et c’est pourquoi je vous ai demandé, sur Instagram, de me faire part de vos témoignages de femmes racisées qui ont contribué à éviter la catastrophe annoncée : l’accession de l’extrême droite au pouvoir.
Le refus d’entendre nos voix en dehors des urnes
L’heure est au bilan de cette séquence politique, douloureuse, dont ne nous mesurons probablement pas l’importance historique, ni ses conséquences sur la santé mentale et la situation économique des personnes racisées, et plus particulièrement des femmes qui se sont largement mobilisées.
Cette campagne électorale a été le théâtre de notre essentialisation, nous, personnes racisées, réduit·es aux habitant·es des quartiers populaires dits prioritaires. Nos existences déshumanisées ont constitué l’argument phare du RN pour récolter des voix, en nous érigeant, collectivement en menace pour la suprématie blanche. À gauche, j’aimerais dire que nous avons fait l’objet d’un clientélisme de bas étage, mais c’est même pire que cela, car aucune faveur, ni aucune considération pour notre lutte antiraciste ne nous a été accordée, en échange de notre vote. Nous avons uniquement constitué un vivier de voix pour le NFP, plus terrifiées par l’accession au pouvoir de l’extrême droite que convaincues par la gauche.
J’ai un goût amer en bouche : celui de la confiscation de nos voix, que l’on faire taire lorsqu’elles s’expriment, à gauche, en dehors de l’espace clos que sont les urnes. Les personnes racisées sont surreprésentées au sein des quartiers prioritaires et, au premier tour des législatives, au sein des classes populaires, 52% des des quartiers prioritaires ont voté pour le NFP, contre 24% en dehors de ceux-ci. De même que dans les territoires coloniaux français dits « départements et territoires d’outer mer », la gauche a fait carton plein, à l’exception de Mayotte et de la Réunion qui ont élu, pour la première fois, deux députés RN. Sa maigre victoire, la gauche nous la doit, et nous nous devons de refuser notre essentialisation, et le silence auquel elle a tenté de nous contraindre, sans quoi, aux prochaines échéances électorales, elle nous livrera, elle aussi, à l’extrême droite, renforcée par l’absence d’une conscience antiraciste à gauche.
Au cœur de nos individualités, un récit commun
Refuser l’essentialisation, c’est nous redonner voix au chapitre, nous-même, collectivement, en créant des narratifs au cœur desquels s’expriment nos individualités, nos peines, nos espoirs, et nos combats communs. Je vous propose ici mon journal de bord des législatives, qui dialoguera avec ceux d’autres individualités, combatives et ébranlées par la violence sociale et institutionnelle d’un début d’été gâché. Le 9 juin au soir, saisie par les résultats des élections européennes, je parle à voix-haute, angoissée, entre deux coulées de morve : « Macron va dissoudre l’Assemblée Nationale, j’en suis sûre ». Je me suis dit que j’étais probablement excessive, avant d’envoyer un message à l’unx de mes amix : « Bb, t’as envie de boire un verre ? J’ai besoin de noyer ma tristesse ». Être triste et apeuré·es, à deux, c’est toujours mieux. Quelques minutes plus tard, j’hurle dans mon appartement « Putain ! Il a dissout l’Assemblée nationale. C’est la merde, c’est la merde, c’est la merde… ». Une vague d’impuissance me submerge. J’ai le sentiment de me faire dérober mon existence par un monarque présidentiel qui prétend vouloir « redonner le choix aux français·es », car il est, au mieux vexé de sa défaite cuisante aux européennes, au pire désireux d’offrir les clés du Palais Bourbon et de Matignon à l’extrême droite. J’opte pour la seconde option. Passé le temps de la sidération, et la gueule de bois électorale, la société civile s’organise et refuse le fatalisme. Le soir du 10 juin, la gauche annonce la formation d’une coalition : le Nouveau Front Populaire est créé en opposition aux partis de la majorité présidentielle, à la droite, et au Rassemblement national.
Outre la sidération créée par ce séisme politique, il y a aussi eu le déni, comme me le raconte Océane, créatrice de contenus, qui a vécu cet épisode depuis l’étranger. Elle ne mesure pas tout de suite la gravité de la situation, jusqu’à ce qu’elle demande “aux gens qui avaient voté extrême droite aux européennes de se désabonner. Et c’est là que je me suis rendu compte de l’ampleur du truc, puisque j’ai reçu une vague d’insultes, de haine, de propos racistes, grossophobes, etc. etc. C’est au bout de quelques jours que la peur et l’anxiété ont commencé à monter et je me suis dit OK là tu peux pas rester sans rien faire, je sais pas quoi, mais il faut que je fasse quelque chose. ».
Ce quelque chose, on a toutes eu envie de le faire, et nous l’avons fait, sous des formes multiples : militer sur les réseaux sociaux, sur le terrain, rejoindre ou créer des collectifs. Anciennes ou nouvelles militantes, nous nous sommes toutes heurtées à la violence du racisme, qu’il provienne des fachos ou des gauchos. Une violence plus violente qu’à l’usage, surtout lorsqu’elle émane d’un camp qui prétend être le nôtre.
L’antiracisme n’est pas un électoralisme
Le 13 juin au soir, Ana et moi participons à une « Assemblée générale de luttes contre l’extrême droite », à Lille. Sur les 300 personnes présentes, les femmes racisées (dont nous deux) se comptent sur les doigts d’une main. Les autres sont des personnes blanches, majoritairement des « totos » (comprenez des anarchistes, libertaires, antifas). Bercé·es par la croyance d’être des révolutionnaires, iels refusent toustes d’appeler au vote, et de voter pour le NFP car il n’est pas antiraciste, mais projettent de mobiliser les quartiers populaires en « simplifiant les tracts » à l’extrême pour “ne pas être classiste”.
Je m’insurge : « Vous prétendez être antiracistes en refusant d’appeler à voter et de voter pour une coalition qui ne l’est pas, mais aujourd’hui l’abstention nous condamne, nous personnes racisées. J’ai peur pour ma vie, mes droits et mes proches. Si le NFP ne nous sauvera pas, il ne menace pas nos existences comme le fait l’extrême droite. Vous considérez que parce que pauvres et racisé·es, les habitant·es des quartiers populaires sont incultes. Pour être antiracistes, adoptez la stratégie des personnes concernées. Cessez d’être racistes et classistes en pensant apprendre aux habitant·es des quartiers populaires ce que sont leur existence, bien plus radicales et révolutionnaires que les vôtres ». Ana et une adelphe marocaine ont soutenu mon propos, et nous avons été infantilisées, renvoyées à des « électoralistes » qui ne comprenaient rien à la lutte.
Quand on revient sur cet évènement dont nous sommes ressorties ébranlées, Ana fulmine « Les législatives sont arrivées et il y a eu une levée des blanc·hes car il fallait que ça les touche pour qu’ils s’attaquent à l’extrême droite. Et maintenant qu’ils veulent s’investir, ils nous demandent de jouer avec leurs règles. Quand à une AG, l’une des seules personnes racisées parle de son vécu, de l’urgence et de la seule stratégie légitime à mettre en place et qu’on lui répond qu’elle parle juste avec ses émotions et qu’il faut en sortir : pour moi, c’est la violence blanche par excellence de confondre militantisme par choix et par survie. ».
Notre lutte antiraciste n’a jamais été électoraliste car la gauche nous a toujours trahi.es, en refusant de défaire le racisme structurel fondateur de la République, ou en adoptant des politiques racistes, xénophobes et islamophobes… estampillées « de gauche ». J’ai ressenti une grande dissonance cognitive en appelant à voter pour une coalition de partis ne me représentant absolument pas.
Membres du NFP © AFP
Sophia (nom d’emprunt) aussi, en se lançant dans un “marathon d’actions et de militantisme presqu’uniquement électoralistes” mais en se “disant qu’il y avait une urgence, une urgence corporelle même”. Le vote est un outil, pas un mariage d’amour, mais de circonstances, pour continuer à pouvoir agir politiquement autrement qu’en votant. Toujours est-il que Sophia a eu “beaucoup de mal à coller des affiches NFP” qui ne parlaient “que d’économie, jamais d’antiracisme” qui est pourtant le moteur de son engagement. Cette campagne a été cimentée autour de l’antifascisme, des droits des femmes et des personnes LGBTQIA+. Sophia rejoint l’appel, par des mouvances anarchistes et libertaires à une réunion d’urgence dans le 18e. Ils et elles refusent également de voter ou d’inciter à le faire, et préfèrent manifester avec les sans-papiers. Depuis sa ”position de femme noire, venant de la précarité” Sophia rétorque : “ je m’en fous de votre pureté militante, car les sans-papiers vont crever si vous ne votez pas”. Durant trois semaines elle multiplie les actions, ne mange plus, dort peu, se dissocie de ses émotions, avant de subir l’épuisement physique et psychologique. Le sentiment de solitude l’accompagne tout au long de cette campagne.
J’ai été épargnée par ce sentiment affaiblissant, grâce à mes proches, collègues de travail, et camarades de lutte dont l’unité a su défier l’adversité. Une unité cimentée par des îlots de résistance antiraciste dans un océan bleu marine qui promettait de nous submerger, face à l’incapacité de la gauche a ériger une digue antiraciste. Partant de ce constat, le Front Populaire Antiraciste est créé, en opposition au NFP, et formule dans une tribune publiée dans l’Humanité le 27 juin, ses « recommandations pour un programme véritablement antiraciste et décolonial ».
L’écosystème des Impactrices investit différents espaces qui font écho aux moteurs de notre engagement : l’antiracisme, le féminisme, l’écologie. Souba Manoharane-Brunel, co-fondatrice des Impactrices rejoint le Front populaire antiraciste, pendant qu’Alicia rejoint le groupe Alertes Féministes. Je me retrouve au sein d’une boucle de plus de 600 « influenceur·ses contre l’extrême droite », majoritairement blanc·hes et ayant pour angle mort, le racisme. La campagne menée sur les réseaux sociaux par ce groupe est à mon sens, un échec, car ses membres refusent de penser le vote RN comme un vote fondamentalement raciste, et de concevoir l’extrême droite comme une menace imminente pour la vie et les droits des personnes noires, arabes, asiatiques, musulmanes, juives. Pensant lutter efficacement contre l’extrême droite tout en refusant d’apposer le sceau de la honte sur leurs électeur·ices, la gauche mainstream est en partie responsable des résultats du premier tour. Tout comme le sont, en grande partie, les médias mainstream. À l’exception des militant·es antiracistes, des médias que sont Blast, Street Press, Mediapart, et France 3 régions, personne ne traite des sorties plus racistes les unes que les autres des candidat·es RN, ni des meurtres, tentatives de meurtre et agressions racistes, islamophobes et antisémites qu’ont subi les personnes racisées durant cette période de déchainement de l’électorat RN.
Pendant ce temps, la gauche est diabolisée, qualifiée d’extrême, d’antisémite et d’immigrationniste par les mensonges et les diffamations du camp présidentiel, de l’extrême droite et des médias. La situation est Orwellienne : le RN, fondé par un Waffen-SS est glorifié et présenté comme la seule force politique à même de protéger les juif·ves tandis que la gauche est qualifiée de menace ultime, pour avoir pris position contre le sionisme et le génocide en cours à Gaza.
Quand nos cœurs ne sont plus à fête, mais à la peur
Le 30 juin au soir, je suis avec des ami·es, mais n’ai pas le cœur à la fête. Le RN et ses alliés arrivent en tête du premier tour et remportent, d’entrée de jeu, 37 sièges à l’Assemblée nationale. Je m’effondre, me disant que plus de 10 millions de français·es ressentent le besoin, pour se sentir ici, “chez eux”, d’écraser celles et ceux qui portent le stigmate visible d’un ailleurs. Que notre peau ou les symboles religieux que nous arborons évoquent un ailleurs indésirable pour les racistes, ici c’est chez nous, que l’on vienne d’ici, ou d’ailleurs. Je crois n’avoir jamais ressenti un sentiment d’injustice aussi brulant que celui-ci : l’immigration, nous ne l’avons pas choisi, c’est la France et son histoire coloniale qui nous l’ont imposée, d’une façon ou d’une autre. Cette patrie maltraitante, nous l’avons tout de même fait nôtre, et aujourd’hui, elle nous répudie plus violemment qu’hier.
Pour Louisa, ”après les résultats du 1er tour”, c’est la prise de conscience du “merdier d’un risque grand de l’extrême droite au pouvoir”. La peur la pousse à agir, à son échelle : “Je travaille dans la petite enfance, avec des familles racisées, des familles qui n’ont pas la nationalité française. J’ai eu peur pour ces gens. J’ai eu peur pour certains membres de ma famille. J’ai eu peur pour ma vie, en tant que femme d’origine étrangère. Pendant une semaine je n’arrivais plus à décrocher. J’ai commencé à rentrer dans des boucles Télégram, WhatsApp des actions autour de chez moi, ça ne s’arrêtait plus. Je me couchais avec ça, je me réveillais avec. Cette semaine a fait remonté toute mon anxiété que j’arrivais à mieux gérer avant cette période. J’ai été militer dans les rues en tractant aux sorties des métros, devant les écoles, etc, j’ai parlé avec beaucoup de gens. C’était éreintant mentalement. Ce qui donne ma ligne directrice dans ma vie pro c’est toutes ces personnes racisées qui ne croient déjà plus en la France, en la démocratie. Toutes ces personnes, sans la nationalité française, qui sont au courant de tout ce qui se passe, qui ont peur, mais qui ne peuvent rien y faire. Ce qui m’a marqué aussi : c’est celles et ceux qui ont assumé calmement leur vote RN et leur racisme. C’est les paroles d’une dame, qui me regarde droit dans les yeux, dans son regard je ne discerne que haine, et elle me dit « Oui oui je sais ce que c’est que le RN, et je voterai pour eux, vous rentrerez chez vous bientôt ». Cette dame, cette haine, m’a fait mal, m’a fait peur. J’en ai pleuré, j’en suis bouleversée à chaque fois que j’y pense”.
La haine raciale est toujours vécue comme une déflagration, qu’elle nous touche directement ou pas, finalement elle nous ébranle systématiquement car quand elle ne nous cible pas personnellement, elle cible celles et ceux qui nous ressemblent. Ce nous, ces autres, ces indésirables, cette masse indistincte déshumanisée et déshumanisante. La haine, on la perçoit partout lorsqu’elle nous contraint à un état d’hyper-vigilance qui pousse à l’éreintement.
L’idéologie raciste et totalitaire qui gagne chaque jour du terrain en France a déjà produit ses effets, en nous abimant. Tout comme Sophia, j’ai passé un mois à négliger mes besoins vitaux, à m’interdire de prendre soin de moi car il y avait plus urgent que cela. Et nous ne sommes pas les seules. Je me reconnais dans les mots d’Océane : “J’étais incapable de faire autre chose que m’informer, et en plus de ça comme j’étais à l’étranger, mon téléphone était ma seule source d’information sur ce qui se passait en France, et je passais littéralement ma journée dessus, paralysé par la peur”. Pour Louisa, la situation était analogue : “Dans ma vie privée, cette période était tellement intense que je me suis même disputé avec mon copain, alors que ça n’arrive jamais. J’étais devenue insupportable, je n’arrivais pas à couper, je ne parlais que de ça, j’en oubliais le reste. Je m’oubliais moi même. Plus aucun recul sur la situation. Bref. Période très fatigante, éreintante.”. Je me reconnais dans son témoignage, qui me touche particulièrement car mon copain a été mon pilier mais a lui aussi fini par craquer, et l’extrême droite s’est d’une certaine façon, immiscée dans nos intimités au point d’ébranler la paix de nos amours respectifs.
Reprendre notre souffle
Pour Océane, “l’entre deux tours des législatives a été le pire”, elle s’est “levée avec une douleur à la poitrine (…) tellement intense” qu’elle croyais s’être “fait mal sans s’en rendre compte”, car elle n’a “jamais ressenti ça à cet endroit de son corps”. L’annonce des résultats a signé le soulagement, et elle a “pu commencer à respirer normalement”. Je me rappelle avoir commandé des pizzas, en face du bar où je me trouvais avec mes ami·es et entendre, à 20h, en les payant “le NFP arrive en tête de ce second tour”. En accourant pour rejoindre mes ami.es, je me suis effondrée de soulagement et d’incrédulité. Après avoir mangé ma pizza en pleurant, j’ai transformé son carton en une pancarte, pour crier d’amour et de joie à République, à Lille, avec celles et ceux que j’aime. Les fumigènes, les drapeaux palestiniens et la jeunesse qui emmerde le front national ont vite laissé place aux grenades de désencerclement, aux gaz lacrymogènes et aux matraques des policiers qui emmerdent la jeunesse de gauche.
Rassemblement à Lille, Place de la République, lors du second tour des législatives anticipées © Louise Bihan
Comme pour moi, pour Sophia, le soulagement n’a duré « que 48h », après quoi, la réalité des tribulations du NFP et de la confiscation de la démocratie par Macron l’ont rattrapée. Son sentiment de solitude reste intact et elle n’est pas pleinement remise de cet épisode traumatique qui suit son cours.
L’heure est aussi celle des comptes, et ils sont au rouge : j’ai sacrifié un mois de travail durant cette campagne. Je n’ai pas les moyens de partir en vacances, au soleil, bien que j’en aurais grandement besoin. La quiétude et le repos sont des luxes que nous pouvons difficilement nous accorder en tant que femmes racisées et engagées dans la défense de nos droits. Océane avait “des prestations à réaliser” qu’elle n’a “pas été capable” de délivrer “en temps et en heure”, si bien qu’elle devra “rembourser ses clients” si elle ne rattrape pas son retard.
Louisa, quant à elle, me confie : “je sortais tout juste de mes études, normalement j’étais censée trouver mon premier poste sur cette même période. J’ai décidé, de mon plein gré certes, de repousser ma recherche d’emploi pour me consacrer entièrement à cette semaine de militantisme. Ce qui a eu des conséquences assez désastreuses, que je continue de gérer encore aujourd’hui. Jusqu’il y a encore quelques jours je ne savais absolument pas comment j’allais payer mes factures et me nourrir. C’est très stressant de se retrouver dans cette situation. Et encore je n’ai pas d’enfant. Je pense à toutes celles qui vivent ça tous les mois et ça me désole. Bref, j’ai réussi depuis à trouver un travail, je me suis endettée auprès de proches pour pouvoir m’en sortir sur le mois qui a suivi cette période électorale. Je remonte la pente de ce gouffre mental et financier que cette période a créé mais je n’ai pas encore fini mon combat”.
Ce combat, nous le menons toutes encore, et le mènerons tant que suprémacistes ressentiront le besoin de nous priver de nos droits pour jouir plus puissamment des leurs. Océane tente aujourd’hui de se “construire des petits espaces safe pour pouvoir se ressourcer, mais cela reste très compliqué”. À toutes celles qui m’ont fait confiance pour me confier leurs récits, et à celles qui nous liront : ne restez pas seules, rejoignez Les Impactrices, le Front populaire antiraciste et autres collectifs qui ne nous permettent pas seulement de militer, mais nous permettent d’exister ensemble et de prendre soin de nous, par nous et pour nous.
canoubis