Pour minimiser ces impacts, les experts recommandent de consolider le traité sur les eaux de l’Indus (IWT), un traité négocié par la Banque mondiale en 1960 pour éviter les guerres de l’eau entre l’Inde et le Pakistan autour des cours d’eau transfrontaliers qu’ils partagent. Le traité attribue les trois rivières orientales du bassin de l’Indus - le Sutlej, le Ravi et le Beas - à l’Inde, et les rivières occidentales du bassin, qui comprennent le Jhelum, la Chenab et l’Indus, au Pakistan.
Toutefois, des spécialistes ont affirmé que l’attribution des rivières était une tactique de diversion destinée à saper la souveraineté du Cachemire dans le cadre du conflit international sur le territoire contesté du Cachemire.[1]
Le traité sur les eaux de l’Indus a permis de concilier d’importantes préoccupations juridiques avec les droits sur l’eau au moyen de résolutions techniques, une méthode fondée sur les concessions mutuelles qui a éliminé toute discussion sérieuse et de longue portée sur des solutions équitables et durables en matière de partage de l’eau dans le sous-continent.
Le traité sur les eaux de l’Indus a mis en place le contrôle souverain de l’Inde et du Pakistan sur les rivières du Cachemire, tout en empêchant les Cachemirien.nes d’exercer leurs droits légaux et politiques sur ces ressources hydriques cruciales. Cette situation se prolonge dans les débats actuels sur la protection du climat dans le cadre du traité international sur l’eau.
Le Cachemire se trouve au carrefour du changement climatique et des tensions géopolitiques indo-pakistanaises. Selon nous, la protection du climat dans le cadre du Traité international sur l’eau ne servira qu’à donner un vernis vert à la mainmise de l’Inde et du Pakistan sur les ressources hydriques du bassin de l’Indus.
La mère Inde au travail
Le8 juillet 1954, le Premier ministre indien Jawaharlal Nehru a fait un discours inattendu lors de la cérémonie d’ouverture du canal de Bhakra. Il a fait l’éloge de la construction du canal en soulignant que « Mère Inde travaille » et « produit des choses grandes et petites ».
Impressionné par la capacité de son pays à réaliser une infrastructure d’une telle importance, Nehru a comparé le projet aux « temples, gurdwaras, églises et mosquées les plus remarquables que l’on puisse trouver dans le monde entier.... Je me sens plus religieux lorsque je vois ces ouvrages », avait-t-il proclamé.[2]
Quelques mois plus tard, lors de la cérémonie officielle d’inauguration du barrage de Bhakra-Nangal, les propos de Nehru expriment toujours l’émerveillement et la fierté suscités par cette réalisation. Le Premier ministre avait remercié et félicité les ingénieurs et les conseillers étrangers qui avaient participé à la construction, mais il avait également consacré une grande partie de son discours à « tout le peuple », saluant « son dur labeur et ses sacrifices ».
Appelant la foule à « se souvenir d’eux et de tous ceux qui ont versé leur sueur et leur sang » pour la construction du barrage, Nehru a exhorté l’Inde à « se lier d’amitié avec la rivière Sutlej ». En coulant du béton lors de la cérémonie, il s’est exclamé que le barrage était « l’une des grandes victoires remportées sur la nature ».[3]
Les mots de Nehru pour célébrer l’événement et le caractère sacré attribué au barrage camouflaient l’appétit colonial de l’État indien pour le Cachemire et ses rivières, un territoire à majorité musulmane sur lequel l’Inde et le Pakistan revendiquaient tous deux la souveraineté. L’imaginaire populaire qui fait des barrages les temples modernes de l’Inde colle parfaitement aux représentations hindoues de l’Indus, dieu guerrier mâle, et de l’Indus et du Cachemire, berceaux de la civilisation hindoue.[4]
Cependant, dans ces cérémonies et dans les propos de Nehru, certains enjeux essentiels ont été omis. Au début des années 1950, le Pakistan dépendait entièrement des eaux de l’Indus, qui traversaient l’Inde et le Cachemire avant d’atteindre le Pakistan. Lors de son discours de juillet, Nehru a passé sous silence le fait que l’Inde, à l’insu du Pakistan, avait bloqué le cours de la rivière Sutlej vers le Pakistan « afin d’accumuler une bonne quantité d’eau pour la cérémonie d’ouverture ».[5]
Cette décision a non seulement contribué à accroître l’inquiétude des Pakistanais quant à la possibilité que l’Inde prenne le contrôle de l’ensemble du bassin, mais elle a également eu des répercussions sur les agriculteurs pakistanais qui sont tributaires de cette source d’approvisionnement en eau.
Mais la deuxième conséquence, peut-être la plus importante, de cet acte visant à consolider l’État a été de confisquer encore davantage et de passer sous silence la souveraineté cachemirie sur les rivières occidentales du bassin de l’Indus (Jhelum, Chenab et Indus), dont certaines portions traversent l’État du Jammu-et-Cachemire.
Alors que l’Inde continuait à œuvrer à la construction de l’État indien par le biais de barrages, elle consolidait simultanément son contrôle colonial sur le territoire contesté du Cachemire, dont le dirigeant hindou impopulaire avait provisoirement adhéré à l’Inde en 1947.
Bien que Nehru ait promis aux Cachemiriens qu’un plébiscite libre et non faussé, sous mandat de l’ONU, leur permettrait de choisir leur propre destinée politique, une série d’interventions, dont des arrestations et des détentions de Cachemirien.nes dissidents, la répression de la presse libre et la désignation de dirigeants soumis et clients, ont sabordé le droit à l’autodétermination de cette population.
Dans le même temps, le traité sur l’eau est devenu un instrument de dilution de la souveraineté des Cachemirien.nes sur leurs terres et leurs eaux.
Alors que l’État indien fêtait la construction du barrage de Bhakra-Nangal en 1954, la question du contrôle du bassin de l’Indus n’était toujours pas résolue. Le Pakistan craignait que le projet Bhakra-Nangal ne s’inscrive dans le cadre d’un objectif indien plus vaste visant à prendre le contrôle total des eaux du bassin. Le chef d’état-major de l’armée de l’air pakistanaise prévoyait que « l’été 1954 serait une période très dangereuse du point de vue des risques de guerre avec l’Inde ».[6]
Prenant la mesure de cette escalade, les Britanniques ont qualifié le conflit de l’Indus de potentiellement « plus dangereux que le dossier du Cachemire », affirmant que le conflit à venir, associé à celui du Cachemire, contribuerait à créer « une impasse prolongée » quant à l’avenir politique du territoire contesté.[7]
Il était donc primordial pour les Britanniques d’éviter une guerre en 1954, même au détriment de l’autodétermination du Cachemire. Les Britanniques pensaient qu’un règlement négocié du différend sur l’Indus permettrait d’atteindre cet objectif.
Les négociations du traité sur l’eau et le Cachemire
Le traité a fait l’objet de négociations tout au long des années 1950 ; dès 1952, le ministère britannique des affaires étrangères et la Banque mondiale ont convenu qu’il fallait dissuader l’Inde et le Pakistan de négocier sur des bases juridiques et plutôt les inciter à s’en tenir à des questions d’ordre technique.
Par exemple, lorsque le Pakistan a engagé le célèbre avocat américain John Laylin pour l’aider dans ses négociations, Eugene Black, le principal négociateur américain de la Banque mondiale, a recommandé à Laylin de ne pas encourager les Pakistanais « à se montrer rigides et légalistes ».[8]
Black pensait plutôt que « si cette affaire peut être laissée aux experts techniques sous la direction avisée de la Banque internationale et avec la perspective d’une injection de fonds substantiels de la part de la Banque pour le développement dans le cas d’un accord, la discussion devrait se dérouler assez facilement ».[9]
La Banque mondiale a soutenu qu’il était d’une importance capitale de « parvenir à un accord équitable sur la répartition des ressources en eau existantes » et que, pour y parvenir, « il serait nécessaire d’assurer, en partie aux frais de l’Inde, un important stockage d’eau au Pakistan ».[10]
On peut se demander pourquoi les négociateurs britanniques et américains ont poussé à la recherche de solutions techniques dans le conflit de l’Indus malgré le peu de progrès réalisés « dans la recherche d’une solution aux difficultés financières ou techniques ».[11]
Pourquoi les approches techniques ont-elles été privilégiées par rapport aux solutions juridiques, en dépit du fait que les positions pakistanaises et indiennes reposaient sur le principe du « droit à l’eau » ? Majed Akther affirme que des négociateurs américains tels que David Lilienthal et Eugene Black voyaient pendant la guerre froide le développement du bassin de l’Indus comme le moyen d’éviter une guerre entre l’Inde et le Pakistan.[12]
Ici, il est important de tenir compte du contexte de guerre imminente en 1954. Les Britanniques se sont rendu compte que le « règlement du différend sur le partaqge des eaux » devenait « de plus en plus urgent, car s’il n’est pas résolu, il continuera d’aggraver les frictions entre l’Inde et le Pakistan ». « S’il était résolu, la tension serait considérablement relâchée, ce qui créerait une meilleure atmosphère pour tenter de régler le problème du Cachemire ».[13]
Selon Daniel Haines, bien que la question du Cachemire et le différend sur l’Indus soient inextricablement liés, les Américains et les Britanniques ont dû dissocier le Cachemire du différend sur le fleuve - et c’est précisément ce qu’ils ont fait en recherchant des solutions techniques tout en essayant de contourner la question de la légalité. L’élaboration d’un plan de gestion international pour l’Indus reposait sur la relégation de la question de l’avenir politique du Cachemire dans l’indétermination.[14]
Ainsi, la question de l’eau était politique et « véritablement une question de vie ou de mort » pour le Pakistan et l’Inde, mais elle était considérée comme apolitique lorsqu’elle était évquée en relation avec le Cachemire.[15]
Alors que les négociations se poursuivaient, les programmes de gestion internationaux qui s’appuyaient sur des solutions techniques ont éprouvé des difficultés à parvenir à un compromis entre l’Inde et le Pakistan. En effet, le litige sur l’Indus subsistait encore au 1er janvier 1959, l’Inde et le Pakistan ayant échoué « dans les négociations (pour trouver un compromis) dans leur différend sur l’utilisation de l’Indus ».[16]
Si la réputation de la Banque mondiale a souffert de son incapacité à résoudre le différend, il en a été de même pour le Conseil de sécurité des Nations unies qui avait tenté en vain de régler le conflit tout au long des années 1950. Pour le Conseil de sécurité des Nations unies, le contentieux de l’Indus était une « querelle indigne » et « nuisait à la fois aux relations entre l’Inde et le Pakistan et au prestige du Conseil de sécurité ».[17]
Le Commonwealth britannique, aux côtés de la Banque mondiale et du Conseil de sécurité, a donc tenté de « dissuader les Pakistanais de maintenir leur idée de lancer une nouvelle querelle au sujet du Cachemire » en assurant le Pakistan que le Commonwealth était « prêt à envisager » d’apporter « une contribution financière raisonnable à la mise en œuvre d’un règlement ».[18]
Ces institutions internationales se sont efforcées de parvenir à une résolution du conflit relatif à l’Indus et ont tenté d’éviter une « querelle » au sujet du Cachemire. Bien que les deux questions soient enchevêtrées, pour assurer la paix entre l’Inde et le Pakistan, le Cachemire devait être retiré des discussions sur le litige autour de l’Indus. La question de la souveraineté et de l’autodétermination du Cachemire devait être évitée.
Le droit international et ses limites
Le traité sur l’eau est souvent présenté comme un traité de paix international qui permet d’éviter une guerre à grande échelle entre l’Inde et le Pakistan. Toutefois, si la souveraineté des deux États sur l’Indus est protégée et affirmée, les droits légaux des Cachemirien.nes sont totalement ignorés.
Comme l’observe Fozia Lone, le traité ne tient pas compte des effets néfastes de l’exclusion des Cachemirien.nes des décisions relatives à leurs droits et à leur maîtrise de leurs ressources naturelles.[19]
Lorsque l’on examine le traité lui-même, cet aspect est flagrant. Les principaux acteurs, cités dans le préambule du traité, sont « le gouvernement de l’Inde et le gouvernement du Pakistan », tous deux « également désireux de parvenir à un usage aussi complet et satisfaisant que possible des eaux du système fluvial de l’Indus ».[20]
Dans tout le texte du traité, la question du Cachemire n’est jamais mentionnée et la souveraineté du peuple sur les eaux de la province de Jammu Kashmir n’est jamais reconnue.
Cet effacement ne se limite pas à exclure le Cachemire des instances juridiques internationales. Comme l’affirme Mona Bhan, le traité sur les eaux et la construction de nombreux barrages le long du bassin de l’Indus qui s’en est suivie au Jammu-et-Cachemire permettent à l’État indien d’affirmer sa souveraineté sur le territoire contesté.
En d’autres termes, les barrages deviennent des outils d’occupation pour l’État-nation indien qui sont légalisés par des dispositifs internationaux tels que le traité sur la navigation intérieure.[21]
Dans leurs travaux sur le bassin du Mékong, Chris Snedden et Coleen Fox montrent comment les établissements de gestion des bassins fluviaux de la région instrumentalisent les discours de coopération pour élaborer des accords juridiques motivés par des objectifs géostratégiques.[22]
Comme le Traité international sur l’eau, l’Accord du Mékong de 1995 vise à distribuer équitablement les eaux du Mékong aux principaux acteurs du bassin (les États riverains du bassin), mais légitime également la possibilité pour ces États d’utiliser des barrages dans le cadre de stratégies anti-insurrectionnelles, comme c’est le cas en Thaïlande avec le barrage de Pak Mun.[23]
Le fait que ce traité et le droit international ne reconnaissent pas la souveraineté du Cachemire et son droit à l’autodétermination sur les ressources situées sur son territoire a eu des conséquences importantes pour la région. Les investissements massifs de l’Inde dans les infrastructures et les barrages ont transformé le paysage du Cachemire, déplacé les communautés indigènes et entraîné des changements substantiels dans les conditions météorologiques locales.[24]
Le Traité international sur l’eau ne reconnaît pas les risques environnementaux et ne prévoit aucun mécanisme pour lutter contre l’augmentation des tremblements de terre, des inondations et des avalanches résultant de l’accroissement du nombre de barrages.[25]
En outre, le traité ne prévoit aucune disposition relative à la situation critique et à l’indemnisation adéquate des communautés déplacées. Bien que des cadres juridiques internationaux tels que la Charte des Nations unies de 1962 relative à la « souveraineté permanente sur les ressources naturelles » et la Déclaration des Nations unies de 2007 sur les droits des peuples autochtones affirment la permanence de la souveraineté d’un peuple sur ses ressources naturelles, l’Inde continue d’investir dans des infrastructures hydrauliques qui portent atteinte à la souveraineté du Cachemire.[26]
La droite hindoue et le traité international sur l’eau
Le 18 septembre 2016, à 5h30 du matin, des militants armés ont attaqué une base de l’armée indienne à Uri, dans le Jammu-et-Cachemire occupé par l’Inde, près de la frontière pakistanaise. Zone fortement boisée, Uri est traversée par la rivière Jhelum et plusieurs autres cours d’eau du bassin de l’Indus. Dix-sept soldats indiens ont été tués dans cette opération.
Le responsable indien des opérations militaires, le lieutenant-général Ranbir Singh, a sans surprise dénoncé ces militants comme étant des « terroristes étrangers, soutenus et envoyés par le Pakistan ». Mohammad Nafees Zakaria, porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères, a nié les allégations de Singh, affirmant à l’inverse que l’Inde tentait de détourner l’attention de sa politique d’oppression au Cachemire.[27]
Pour les observateurs qui connaissent bien le conflit du Cachemire et le rôle du Pakistan et de l’Inde dans ce conflit, les événements d’Uri mettent en scène une histoire familière dans laquelle les attaques dirigées contre l’occupation indienne du Jammu-et-Cachemire sont présentées par l’État indien comme des actes terroristes parrainés et soutenus par le Pakistan, le Pakistan niant de son côté les allégations de l’Inde, et les Cachemiriens se retrouvant à devoir supporter les conséquences qui s’ensuivent.
À première vue, il semble que l’attaque d’Uri n’ait rien à voir avec le différend qui oppose depuis longtemps l’Inde et le Pakistan sur le contrôle du bassin de l’Indus. Pourtant, la situation d’Uri sur la rivière Jhelum est devenue déterminante au lendemain de l’attentat. Le Premier ministre indien Narendra Modi a déclaré, lors d’une rencontre pour discuter de l’avenir du Traité, que « le sang et l’eau ne peuvent pas couler ensemble ».[28]
Modi a menacé le Pakistan de sanctions diplomatiques en raison de son implication présumée dans l’attentat d’Uri, en profitant de sa position géographique le long de l’Indus pour bloquer l’écoulement de l’eau vers le Pakistan. Modi a de fait émis l’idée que l’Inde violerait les termes du traité sur l’eau et exercerait sa pleine souveraineté sur l’Indus.
Le sinistre propos de Modi selon lequel « le sang et l’eau ne peuvent couler ensemble » et la suspension de la réunion de la Commission des eaux de l’Indus ont fait écho à des discours antérieurs visant à isoler le Pakistan sur le plan diplomatique et à légitimer la captation « légitime » par l’Inde des eaux qui s’écoulent vers le Pakistan. Ces déclarations alimentent l’inquiétude croissante des Pakistanais, qui craignent que l’Inde ne mette à exécution sa menace de fermer les vannes alimentant le Pakistan.
Le conseiller pakistanais aux affaires étrangères et à la sécurité, Sartaj Aziz, a répondu à l’appel de Modi à ce que l’Inde coupe l’eau qui « revient au Pakistan » en le qualifiant d’acte de guerre. Le commissaire pakistanais chargé de l’eau de l’Indus, Jamaat Ali Shah, a réagi en déclarant : « Que devons-nous croire de ce que dit le Premier ministre indien : mettre fin à la pauvreté ou fermer l’accès à l’eau au Pakistan. C’est du terrorisme économique à visage découvert ».[29]
Dans un article paru dans Pakistan Today, Abbas Hasan a mis en garde contre « la récente menace émanant de l’Inde de ne pas respecter le traité sur l’eau de l’Indus (IWT), qui menace les bases de la vie au Pakistan et doit être prise au sérieux ».
Hasan a ajouté que « si des mesures immédiates ne sont pas prises, nous risquons de mettre en péril les bases de la vie au Pakistan ».[30] Pour tenter de résoudre ce problème, le Pakistan a fait appel à plusieurs reprises à la médiation de la Banque mondiale devant la Cour d’arbitrage.[31]
Selon les experts pakistanais, le Cachemire reste la « veine jugulaire du Pakistan » et toute remise en cause de « l’adhésion du Cachemire au Pakistan » nuirait considérablement à l’économie pakistanaise et à sa viabilité en tant que nation indépendante.[32]
Les catastrophes climatiques et les droits des Cachemirien.nes
Les rivalités qui opposent le Pakistan et l’Inde en matière de souveraineté sur le bassin de l’Indus ne prennent pas en compte les effets dévastateurs du changement climatique sur l’avenir de l’ensemble du sous-continent.
Alors que le Traité de l’Indus n’a pas anticipé les effets du changement climatique sur le bassin, des experts ont récemment déclaré avec insistance que le Traité de l’Indus devait « évoluer » pour faire face aux catastrophes climatiques qui pourraient entraîner une pénurie d’eau extrêmement grave, des inondations et des sécheresses imprévisibles, des vagues de chaleur sans précédent, des crises migratoires et même une guerre nucléaire dans le sous-continent.[33]
Une argumentation aussi pertinente que celle de Betsy Joles, qui propose de protéger « le deuxième aquifère le plus fragilisé au monde » en renégociant les termes du Traité international sur l’eau, va à l’encontre de la politique belliqueuse de Modi. Nous craignons cependant qu’il n’en ressorte rien de bien différent pour les populations du Cachemire qui voient leurs droits et leurs revendications sur leurs rivières ignorés une fois de plus, cette fois sous le prétexte de la protection de l’environnement et de l’imminence de catastrophes climatiques.
Les demandes apparemment progressistes de renégociation du traité international sur l’eau doivent tenir compte des droits des communautés autochtones du Cachemire sur leurs rivières et leurs ressources en eau.
Une « voie vers la durabilité et la stabilité » qui soit juste et sérieuse ne pourra jamais être tracée sans prendre en compte le fait que les habitant.e ;s du Cachemire ont été exclu.e.s des dispositions du traité sur les eaux de l’Indus. Les considérations relatives à la préservation de l’environnement ne sauraient non plus servir de paravent à la promotion des intérêts politiques et économiques de deux États dotés de l’énergie nucléaire.[34]
Mohammad Ebad Athar & Mona Bhan
Notes de bas de page
[1] Mona Bhan, « Infrastructures of Occupation : Mobility, Immobility, and the Politics of Occupation in Kashmir », dans Kashmir and the Future of South Asia, édité par Sugata Bose et Ayesha Jalal. Londres : Routledge, 2021 ; Daniel Haines, Rivers Divided : Indus Basin Waters in the Making of India and Pakistan, Oxford : Oxford University Press, 2017 ; Fozia Lone, « Damming the Indus Waters : Thoughts on the Future of the 1960 Indus Waters Treaty and Himalayan Water Security, » Journal of Water Law 26 (2020) : 207-222.
[2] « Dispute between Pakistan and India over the canal waters of the Indus River Basin, July-December 1954 (Folder 2) », 1954, Foreign Office (FO) 371/112325, Foreign Office Files for India, Pakistan and Afghanistan 1947-1964, The National Archives, 6.
[3] « Nehru Opens Work on Bhakra Dam ’Labour’s Gift to Prosperity », The Indian Express, Nov. 18 1955 [Madras], news.google.com/newspapers ?id=4WllAAAAIBAJ&sjid=IZQNAAAAIBAJ&pg=753%2C1027693.
[4] Mona Bhan, « Infrastructures of Occupation », 74.
[5] « Dispute between Pakistan and India over the canal waters of the Indus River Basin », juillet-décembre 1954, (FO) 371/112325, Foreign Office Files for India, Pakistan and Afghanistan 1947-1964, The National Archives, 46.
[6] « Indus waters dispute between India and Pakistan », FO 371/101218, 1952, Foreign Office Files for India, Pakistan and Afghanistan 1947-1964, The National Archives, 17.
[7] « Indus waters dispute between India and Pakistan », 15, 17.
[8] « Différend sur les eaux de l’Indus entre l’Inde et le Pakistan », 8.
[9] « Différend sur les eaux de l’Indus entre l’Inde et le Pakistan », 8.
[10] « Discussions at UN on problem of Kashmir, March-April 1957 (Folder 10) », 1957, FO 371/129773, Foreign Office Files for India, Pakistan and Afghanistan, The National Archives, 67.
[11] « Discussions at UN on problem of Kashmir, March-April 1957 (Folder 10) », 68.
[12] Majed Akthar, « The Hydropolitical Cold War : The Indus Waters Treaty State Formation in Pakistan », Political Geography 46 (2015) : 69.
[13] « Discussions à l’ONU sur le problème du Cachemire, mars-avril 1957 (dossier 10) », 68.
[14] Haines, Rivers Divided, 78-79.
[15] « Consideration of the possibility of breaking the deadlock likely to result from the failure of the arbitration proposals », 1949, Dominions Office (DO) 134/9, Foreign Office Files for India, Pakistan and Afghanistan 1947-1964, The National Archives, 3-4.
[16] « Dispute over Indus River between Pakistan and India, January-June 1959 (Folder 1) », 1959, FO 371/144470, Foreign Office Files for India, Pakistan and Afghanistan 1947-1964, The National Archives, 4.
[17] « Dispute over the Indus River between Pakistan and India, January-June 1959 Folder 1) » 27.
[18] « Dispute over the Indus River between Pakistan and India, January-June 1959 Folder 1) », 28.
[19] Fozia Lone, « Damming the Indus Waters : Thoughts on the Future of the 1960 Indus Waters Treaty and Himalayan Water Security, » Journal of Water Law 26 (2020) : 210.
[20] Traité de 1960 sur les eaux de l’Indus, 19 septembre 1960, 2.
[21] « Infrastructures d’occupation », 71-90.
[22] Chris Snedden et Coleen Fox, « Rethinking Transboundary Waters : A Critical Hydropolitics of the Mekong Basin », Political Geography 25, no. 2 (2006) : 181-202.
[23] Snedden & ; Fox, « Rethinking Transboundary Waters, » 184-194.
[24] Mona Bhan & ; Andrew Bauer, Climate without Nature : a Critical Anthropology of the Anthropocene, Cambridge University Press, 2018.
[25] Lone, « Damming the Indus Waters », 208-211.
[26] Hari Kumar et Geeta Anand, « 17 Indian Soldiers Killed by Militants in Kashmir », The New York Times, 18 septembre 2016,
https://www.nytimes.com/2016/09/19/world/asia/17-indian-soldiers-killed-by-militants-in-kashmir.html
[27] Hari Kumar et Geeta Anand, « 17 Indian Soldiers Killed by Militants in Kashmir », The New York Times, 18 septembre 2016, https://www.nytimes.com/2016/09/19/world/asia/17-indian-soldiers-killed-by-militants-in-kashmir.html.
[28] Indrani Bagchi et Vishwa Mohan, « ’Blood and water can’t flow together’ : PM Narendra Modi gets tough on Indus treaty, » The Times of India (New Delhi), 27 septembre 2016, https://timesofindia.indiatimes.com/india/blood-and-water-cant-flow-together-pm-narendra-modi-gets-tough-on-indus-treaty/articleshow/54534135.cms
[29] « La révocation du traité sur les eaux de l’Indus peut être considérée comme un acte de guerre : Sartaj, Pakistan approaches Int’l Court of Justice over Indus Water Treaty, » Daily Messenger (Islamabad), 28 septembre 2016, Dernier accès 7/5/2024.
[30] Abbas Hasan, « Indus, the source of life : Why India’s refusal to honour the Indus Water Treaty is significant », Pakistan Today, 10 octobre 2016, consulté le 7/5/2024.
[31] « WB says cannot mediate in Pak-India water dispute », The Pak Banker, 10 août 2020, consulté le 7/5/2024.
[32] Malik Muhammad Ashraf, « Resolving the water dispute : The dispute must be seen in context of relations overall », Pakistan Today, 6 avril 2021, https://www.pakistantoday.com.pk/2021/04/06/resolving-the-water-dispute/.
[33] Betsy Joles, « Can India and Pakistan’s Historic Water Pact Endure », Foreign Policy, 21 septembre 2023, https://foreignpolicy.com/2023/09/21/india-pakistan-indus-waters-treaty-dispute-climate-change-flood-drought/.
[34] « Revisiting the Indus Water Treaty : Un chemin vers la durabilité et la stabilité face au changement climatique », Forbes, 2 mars 2023, https://www.forbesindia.com/article/isbinsight/revisiting-the-indus-water-treaty-a-path-to-sustainability-and-stability-in-the-face-of-climate-change/83523/1.