En ce qui concerne les membres, nous avons déjà des structures de participation décisionnelles que sont les associations locales et régionales, les commissions thématiques, les réseaux militants, les collectifs. Autant de structures qui permettent de discuter collectivement et d’enrichir la politisation par le partage d’idées.
Dans cette optique ce type de sondage adressé aux membres va à contre sens du débat démocratique parce qu’il fonctionne avec une méthode de morcellement des militants et militantes, et va à l’inverse du débat politique commun et d’une solidarité militante. Particulièrement pour les progressistes, le rassemblement dans les débats est essentiel. Nous sommes inondés de propagande médiatique de plus en plus à droite et conservatrice ; pour contrer ce discours dominant, il faut se rassembler et discuter collectivement.
Le sondage de la direction de QS produit l’effet contraire et ressemble beaucoup plus à une consultation dirigée qui nous éloigne de la démocratie militante dont nous avons besoin, particulièrement pour faire face au discours de droite qui prend de plus en plus de place dans la société. Pour y faire face nous avons besoin de solidarité militante, certainement pas de morcellement.
Dans un article publié dans CAIRN INFO en 2003, sous le titre « Les sondages orientent plus qu’ils ne consultent » l’auteur expliquait que les sondages jouent un rôle politique : loin de cerner « l’opinion » des individus, ils contribuent à l’orienter. Les sondages donnent une mesure de « l’opinion » biaisée dans un sens conforme aux désirs de leurs commanditaires, d’abord parce qu’ils ne posent que certaines questions, ensuite parce que la formulation de ces dernières influe sur les réponses. La question, par exemple, peut être tronquée. Une autre technique consiste à multiplier les questions pour marginaliser celles qui sont essentielles. [1]
C’est ce qu’on peut constater dans le sondage qui nous a été soumis. Mais il faut tout d’abord affirmer qu’un parti politique de gauche, qui vise à changer cette société mercantile et injuste doit absolument se baser sur la mobilisation et les actions collectives. Cet exercice de sondage va à l’inverse et ne sert qu’à centraliser le pouvoir.
On met côte à côte les revendications de justice sociale, économiques, féministes et humanitaires avec l’indépendance du Québec.
Le sondage de QS pose la question avec choix multiples. Quel enjeu politique est le plus important pour vous en ce moment ?
L’Éducation, l’égalité des genres, l’environnement et la lutte aux changements climatiques, le logement, la hausse du coût de la vie et l’économie, l’inclusion et la lutte au racisme, l’indépendance du Québec, la santé et les services sociaux, l’immigration et l’intégration des nouveaux arrivants, la langue française et la culture. Je préfère ne pas répondre.
Est-ce une volonté de neutraliser le combat pour un changement de société ? La méthodologie du sondage, en plaçant l’indépendance comme un élément parmi d’autres, le suggère, comme l’explique l’article de CAIRN INFO. L’indépendance, essentielle pour réaliser le changement social que nous revendiquons, ne peut être un élément parmi d’autres, elle est centrale dans le combat que nous menons, comme l’indique notre programme :
« En ayant la pleine maîtrise de toutes ses politiques économiques, c’est-à-dire les politiques budgétaires, fiscales, commerciales, monétaires et douanières, un Québec souverain disposera des pouvoirs requis pour mettre en œuvre un projet de société égalitaire, féministe, écologiste et solidaire. Il pourra refuser la domination économique et le pillage des ressources naturelles. »
Pour bien ancrer le clou, le sondage pose les mêmes questions sous trois autres angles différents.
* Comment appréciez vous le travail du gouvernement dans la gestion des enjeux suivants ?
* Sur lequel des enjeux suivants aimeriez vous que Québec solidaire soit plus actif ?
* Parmi les enjeux suivants, lequel vous motiverait le plus à vous mobiliser ( ex. participer à une manifestation, prendre la parole sur les médias sociaux) ?
On nous demande enfin si on a une bonne, plutôt une mauvaise opinion ou si on ne connait pas…
Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire, Christine Labrie, Manon Massé. Dans ce cas la réponse est obligatoire. La même question est posée pour Paul St-Pierre Plamondon, François Legault, Pierre Poilievre et Justin Trudeau. On nous demande enfin pour quel parti on a voté en 2022, pour lequel on voterait maintenant, et si on est membre de QS.
Diriger par sondage est un exercice contreproductif et qui va en sens inverse du rassemblement et du débat démocratique dont nous avons besoin avec urgence. Le récent Conseil national à Saguenay a démontré le dérapage démocratique de la direction qui a transformé un rapport de la tournée des régions en déclaration programmatique. Nous devons nous reprendre en main, la démocratie étant essentielle pour des débats sains et surtout pour se consolider face aux discours de droite.
André Frappier
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