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La filière batterie entraînant le « Plan d’action 2035 » d’Hydro-Québec et encadrée par la loi 69 « pour moderniser les lois entourant l’énergie » est de facto non seulement le cœur de la politique industrielle du Québec mais l’épine dorsale de sa politique de développement économique pour la première moitié du XXIe siècle. Comble de l’absurdité, Québec n’associe aucun objectif global ou sectoriel ni échéancier de diminution des gaz à effet de serre (GES) au développement de la filière batterie malgré un investissement à terme de 30 milliards $ !
Cette filière intègre plus que jamais le Québec, tout comme le Canada qui combine la même stratégie avec la croissance de la production du gaz et du pétrole, dans le plan de mach des ÉU. L’objectif primordial étatsunien, loin de la lutte climatique, est de damer le pion à la Chine pour le contrôle du marché mondial dont la dominante génératrice de plus-value extra devient l’extractivisme vert. Non pas que cet extractivisme se substituera à celui des hydrocarbures mais qu’il s’y superposera comme au XXe siècle le pétrole s’est mondialement superposé au charbon. D’ailleurs les ÉU ne sont-ils pas devenus les premiers producteurs de pétrole et de gaz avec le Canada qui court derrière eux ? Raison de plus pour la gauche de donner toute son importance au développement de la filière batterie et de ses suites, le plan d’action 2035 d’Hydro-Québec et le projet de loi 69 qui sera au menu de l’Assemblée nationale cet automne.
Ce sont les États-Unis du président démocrate Joe Biden qui ont lancé la course aux plus offrants avec des centaines de milliards en subventions et des règles d’achat local afin, entre autres, de développer l’énergie verte et de promouvoir le secteur technologique américain tout en bloquant la Chine. Convaincus par cette approche, ou ne voulant simplement pas voir leurs propres entreprises désavantagées ou incitées à déménager aux États-Unis, plusieurs gouvernements, y compris au Canada, ont déployé à leur tour des politiques similaires.
Le gouvernement du Québec a emprunté la même voie pour aider à la mise en place de sa nouvelle filière batterie. Son ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a qualifié, le mois dernier, de « naïfs » ceux qui pensent que des projets d’usines de batteries, comme ceux de Ford et de GM-Posco dans la nouvelle « Vallée de la transition énergétique », ou de cellules de batteries, comme celui de Northvolt en Montérégie, pouvaient se réaliser sans un accompagnement politique et financier des pouvoirs publics. « S’il n’y avait aucune subvention du gouvernement, il y aurait zéro dans la filière batterie au Canada. Ça serait aux États-Unis. »
L’analyste économique principal de Radio-Canada chante les louanges de la filière batterie :
Bien plus structurant qu’une cimenterie ou qu’un projet d’exploration pétrolière à l’île d’Anticosti, le projet que Northvolt vient d’annoncer sur la Rive-Sud de Montréal place le Québec parmi les grands développeurs de la filière batterie du monde. L’investissement public, souvent critiqué, est absolument nécessaire. Si on veut être un acteur de premier plan dans ce secteur, il faut impérativement et rapidement injecter des milliards de dollars.
Mais, comme l’expliquait Paolo Cerruti [PDG de Northvolt], c’est très difficile d’aller à zéro. Aujourd’hui, une batterie moyenne produite en Asie nécessite à peu près 100 kilogrammes de CO2 en émissions de la mine jusqu’au produit fini pour chaque kilowattheure de batterie produite. […] Ce que l’on fait chez Northvolt en Suède, et qu’on a l’intention de répliquer ici au Canada, c’est 50 kilogrammes de CO2 grâce à notre travail sur la chaîne d’approvisionnement et sur l’énergie, à la décarbonation de nos processus de production. Donc, on est déjà à la moitié. D’ici 2030, l’objectif est de descendre à 10 kilogrammes pour chaque kilowattheure de batterie produite.
Donc, choisir le Québec est en complète harmonie avec la vision de Northvolt. Le lithium est produit au Québec, par Nemaska et Sayona notamment, et non pas à l’autre bout du monde, où le respect des travailleurs et de l’environnement soulève généralement de grandes préoccupations.
De plus, la cathode, composante importante dans la chaîne de production vers la cellule de batterie, est aussi fabriquée ici, avec des investissements annoncés récemment chez Ford, GM et BASF au Québec. Encore une fois, Northvolt peut compter sur une production locale et éviter de dépendre des fournisseurs asiatiques.
L’entreprise compte aussi sur le recyclage des composantes et des métaux. En fait, grâce à une filière intégrée de la batterie au Québec, développée par les gouvernements du Canada et du Québec, Northvolt trouve exactement le modèle d’affaires qu’elle recherche.
En misant sur une filière batterie de premier plan, le gouvernement Legault pourrait mettre en place une grande industrie québécoise, avec une expertise québécoise, pour électrifier ses transports et ses procédés industriels, à partir d’énergies renouvelables.
En écoutant les critiques qui s’émeuvent des milliards injectés par l’État dans cette filière, le Québec serait condamné à dépendre du reste du monde pour espérer améliorer son bilan énergétique. Le choix qui est fait aujourd’hui, avec Northvolt et d’autres entreprises dans la filière batterie, est un investissement qui pourrait être névralgique pour le Québec, comme l’a été la nationalisation de l’hydroélectricité dans les années 60.
Le principal analyste politique de la Chaîne de l’État canadien y voit un grand dessein s’articulant en trois volets économico-politiques :
Se prémunir contre les futurs Trump
L’avenir de l’industrie automobile étant électrique, toutes les composantes qui traverseront la frontière chaque jour de part et d’autre seront autant d’arguments pour garder ce robinet économique ouvert. Parce que les usines de batteries de GM, Ford, Stellantis et autres Northvolt vont également alimenter les sites de fabrication aux États-Unis. Si le gouvernement américain ne souhaite plus que ses entreprises achètent les feuilles de cuivre de Solus Advanced Materials, à Granby, pour construire leurs batteries, l’autre usine la plus proche est en Chine !
La révolution à la maison
La petite révolution de la bagnole électrique sera graduellement rattrapée par celle de la maison de plus en plus autonome sur le plan énergétique. Le solaire et l’éolien sont de belles sources d’énergies renouvelables, mais elles sont intermittentes et pas toujours disponibles au moment où les consommateurs en ont besoin. Dans quoi sera stockée cette énergie en attendant le bon moment ? Dans de puissantes batteries.
Des emplois de cols bleus SVP !
Le troisième aspect sous-estimé de la naissance de la filière batterie est son apport au retour en force du secteur manufacturier en Amérique du Nord. La game a changé quand Joe Biden a décidé de reconstruire le secteur manufacturier américain, a affirmé le ministre François-Philippe Champagne. Or, sur le plan politique, les dernières années ont montré que les électeurs de la classe ouvrière sont les plus en colère, désabusés et sceptiques par rapport à leur place dans la société. Cette classe ouvrière a contribué à la progression du phénomène Donald Trump aux États-Unis, à la poussée du Brexit au Royaume-Uni, et même au convoi de la liberté à Ottawa en février 2022.
Un conjoncture en panne dépendante d’une petite transnationale européenne
On constate qu’à moins que la gauche veuille avaler cette amère pilule enrobée d’une dose dopante de sucre, elle doit se lever tôt d’autant plus que la filière batterie semble faire saliver les syndicats de cols bleus comme Unifor. La conjoncture économique se présente comme son premier allié objectif. Northvolt, le bateau-amiral de la filière, est une très petite transnationale suédoise centrée d’abord sur l’Europe au financement très fragile dans une conjoncture certes à terme prometteuse mais la réalité du moment présent est un ralentissement de la croissance des ventes de véhicules électriques. Il est bien possible que ce ralentissement soit plus que conjoncturel. Faut-il se surprendre que Northvolt ait freiné son développement sans compter que son usine québécoise n’est pas sa priorité ?
Alain Dubuc, professeur associé à HEC Montréal et membre de l’Institut du Québec, a affirmé à l’émission Le 15-18 diffusée sur ICI Première que ce revirement est une douche froide en soulignant que l’annonce de Northvolt suscite une certaine crainte du fait qu’elle montre une hiérarchie de ses usines. Selon lui, après l’usine de Suède, celle d’Allemagne est classée en deuxième position en raison de sa proximité géographique. Par conséquent, l’usine québécoise se place de toute évidence en troisième position.
Dans ce dossier, le professeur Dubuc retient le fait que le gouvernement de François Legault a un peu passé sous silence les risques liés à une entreprise balbutiante, qualifiant la présentation du projet d’enflure verbale. Pour lui, c’est très mauvais pour l’image du gouvernement qui a misé sur ce projet. Le groupe suédois réfute par ailleurs avoir voulu se développer trop vite, au détriment de la sécurité. La police suédoise enquête sur un éventuel lien entre trois décès de personnes qui étaient employées sur le premier site du fabricant de batteries.
En plus de la mauvaise conjoncture et un financement difficile, elle « perd un contrat de près de 3G$ de BMW » faute de livraison à temps car son usine suédoise, la seule en production, tarde à produire à plein rendement. On peut penser que Northvolt ne se risquera pas de s’inscrire en bourse de sitôt, elle qui voulait le faire en 2024.
Projets « mis sur pause » et annulés dans la « Vallée de la transition énergétique »
Du côté des transnationales s’installant dans la « Vallée de la transition énergétique », essentiellement dans le parc industriel de Bécancour, si la construction de l’usine de cathodes de GM avec la sud-coréenne Posco semble aller bon train, il n’en va pas de même pour celle de Ford avec la sud-coréenne EcoPro-BM qui s’est mise en pause technique pour une deuxième fois au début août. Cette « pause » pourrait être plus longue quand on sait que « [l]e constructeur américain Ford a annoncé jeudi le décalage de deux ans du lancement de ses nouveaux modèles de VUS électriques devant être fabriqués au Canada, arguant vouloir profiter des dernières avancées en matière de batteries. Ces véhicules devaient arriver sur le marché en 2025, mais le groupe a décidé, selon un communiqué, de « reprogrammer » leur lancement à 2027. »
Si en amont, la transnationale brésilienne Valle a débuté la construction de son usine de traitement de nickel pour approvisionner GM-Posco, la transnationale allemande BASF a abandonné son projet d’usine de cathodes tout comme la sud-coréenne Volta Energy a interrompu en juillet la construction de son usine de feuilles de cuivre pour batteries à Granby. Pour tout dire, « [à] la Société du parc industriel de Bécancour, on observe qu’un bon nombre de grands constructeurs automobiles sont venus faire leur tour sans décider de s’implanter, à l’exception de Ford et de GM-POSCO… » Malgré que la japonaise Honda ait décidé de construire en Ontario son usine de fabrication de batteries à côté de son usine d’assemblage de véhicules, Québec ne désespère pas que l’entreprise construise à Bécancour son usine de cathodes quitte à lui céder son investissement dans la minière Nemaska Lithium.
Même la moyenne entreprise québécoise Lion électrique qui transforme des camions et autobus scolaires à l’énergie électrique doit congédier des centaines de ses employés apparemment faute de subvention fédérale qui n’est pas au rendez-vous malgré le soutien de Québec à ce rare fleuron national au sein de la filière batterie. D’autres projets plus fantaisistes, comme celui de TES Canada, ne sont sans doute pas viables.
Des mines de lithium au nord et de graphite au sud fleurtant avec la banqueroute
Si la mauvaise conjoncture ébranle la petite transnationale suédoise et compromet les projets des transnationales étatsuniennes et de leurs partenaires sud-coréennes, elle met en cause l’existence même des minières du lithium et du graphite. « L’exploration minière visant des gisements de graphite, de lithium et de terres rares a atteint un sommet au Québec en 2022, selon un rapport de l’Institut de la statistique du Québec » quoique que l’or y demeure la reine de l’exploitation minière. Le lithium domine dont les gisements en Abitibi mais surtout ceux en territoire crie (L’Eeyou Istchee). « Il y a actuellement près de 400 projets d’exploration minière dans la région de l’Eeyou Istchee, le territoire traditionnel des Cris de la Baie-James, où vivent environ 20 000 Cris répartis dans neuf communautés. Chisasibi est la plus grande. »
Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2014095/mines-metaux-lithium-winsome-valdor
N’empêche que la nouvelle conjoncture a passé par là. « Les prix de plusieurs minéraux critiques et stratégiques — notamment produits au Québec — affichent des reculs importants sur les marchés depuis le début de 2023, dont le lithium, le nickel et le graphite. » « Les mineurs occidentaux font pression pour que les prix des métaux augmentent afin d’écarter les rivaux chinois » qui produisent la majorité de ces métaux.
Sayona
La mine North American Lithium près de Val-d’Or, au Québec (anciennement la mine Québec Lithium), a atteint la production commerciale au début de 2018 et expédiait du concentré de spodumène à des raffineries en Chine pour le transformer en carbonate de lithium. Face à la brusque chute des prix des produits à base de lithium et du concentré de spodumène plus tard dans l’année, North American Lithium a suspendu sa production en 2019 et s’est placée sous la protection de la loi sur les faillites. Elle a été rachetée par Sayona Québec dans le cadre d’une coentreprise de Sayona Mining (Australie) et Piedmont Lithium (États-Unis) en 2021. La mine a commencé une production limitée de concentré de lithium en mars 2023, visant une production commerciale complète au troisième trimestre de 2023. Les nouveaux propriétaires prévoient également de construire une raffinerie d’hydroxyde de lithium ou de carbonate de lithium.
L’action de Sayona Mining, une compagnie australienne derrière plusieurs projets de mines de lithium au Québec, a perdu près de 30 % de sa valeur jeudi. Cette chute survient après que le principal actionnaire de la compagnie, Piedmont Lithium, a mis en vente la totalité de ses actions dans l’entreprise. Elle se départit ainsi d’actions d’une valeur d’environ 52 millions de dollars canadiens. Par voie de communiqué, Piedmont Lithium a indiqué prendre cette décision pour « maintenir un bilan prudent ».
Depuis un an, la valeur de l’action de Sayona Mining s’est effondrée de 78 %.
La filiale québécoise de Sayona Mining avait annoncé une restructuration un mois auparavant, dans le cadre d’une baisse mondiale du prix du lithium. Quinze employés ont été mis à la porte. Piedmont Lithium avait également annoncé au début février une réduction de 27 % de son personnel afin de contrôler ses dépenses. […]
Sayona détient aussi 60 % du projet Moblan et 100 % du projet de Lac-Albert, sur le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James. La Coalition Québec meilleure mine, qui s’oppose au projet Authier puisqu’il est situé à proximité d’un esker en Abitibi-Témiscamingue, a tenu à réagir par écrit aux événements boursiers de jeudi. « Cette méchante débarque prouve une fois de plus qu’il n’y a aucun risque à prendre avec une compagnie aussi fragile et volatile financièrement », a commenté le regroupement citoyen.
Cours boursier de Sayona le 15/08/24 : https://money.tmx.com/fr/quote/SYAXF:US
Nemaska
Le projet de Nemaska Lithium était prometteur. D’abord sauvé de la faillite sur le dos des petits investisseurs par Investissement Québec, il comptait sur Ford pour acheter sa production :
Après plusieurs années d’exploration et de construction, Nemaska Lithium a produit son premier concentré de spodumène à la mine de Whabouchi, au Québec, au début de 2017. L’entreprise a suspendu sa production en 2019, et la mine a été mise en état d’entretien et de maintenance. Après avoir demandé la protection de la loi sur les faillites, Nemaska a été rachetée par le groupe Pallinghurst [enregistrée dans le paradis fiscal de l’île de Guernesey] en partenariat avec le gouvernement du Québec et s’est libérée de la protection contre les créanciers en 2020. L’entreprise prévoit redémarrer la mine et construire une raffinerie d’hydroxyde de lithium à Bécancour (Québec). Avant le démarrage de la production d’hydroxyde de lithium à l’usine Nemaska de Bécancour, au Québec, la société fournira à Ford du concentré de spodumène provenant de sa mine Whabouchi. Les travaux de construction de l’usine de conversion d’hydroxyde de lithium sont prévus pour 2023.
[L’entreprise] s’est placée sous la protection de la loi de la faillite avant d’être en partie rachetée par Investissement Québec au terme d’une aventure qui aura fait perdre des économies importantes à des dizaines de milliers de petits investisseurs. Mais Nemaska, c’est avant tout une communauté crie qui s’est construit un village isolé au cœur de la forêt boréale, à plus de 1500 kilomètres de Montréal,
Une mine de lithium dans laquelle le gouvernement du Québec a investi des sommes colossales doit entrer en production dans une communauté crie de la région Eeyou Istchee Baie-James, au nord du Québec, en 2025. Mais à Nemaska, où les installations de la mine sont en chantier, le projet divise la communauté et, selon deux anciens chefs, il n’a jamais reçu l’approbation de la population.
Nouveau Monde Graphite (NMG)
Si on se fie au cours boursier, ce n’est pas plus reluisant du côté de Nouveau Monde Graphite, le seul projet en développement côté graphite, même les ententes une fois signées, une partie du financement assurée… et un tarif préférentiel pour l’électricité sans compter la collaboration involontaire de la Chine :
La Municipalité de Saint-Michel-des-Saints et Nouveau Monde Graphite inc. (« Nouveau Monde » ou « NMG ») (TSXV : NOU ; OTCQX : NMGRF ; Francfort : NM9) cristallisent leur partenariat de développement social, économique et environnemental en signant une entente de collaboration et de partage des bénéfices dans le cadre du projet minier Matawinie.
À travers cette nouvelle entente, qui couvrira toute la durée d’exploitation commerciale de la mine, Nouveau Monde versera jusqu’à 2 % de ses flux monétaires nets après impôts à la Municipalité afin de rehausser les bénéfices et réinvestissements dans la communauté. Un versement anticipé de 400 000 $ par année précédant la période d’exploitation de la mine permettra à la Municipalité de préparer et mettre à niveau, au besoin, ses infrastructures.
Nouveau Monde versera également 1 % de ses flux monétaires nets après impôts au Fonds communauté d’avenir qui servira de catalyseur pour des projets structurants à portée sociale, économique et environnementale en Haute-Matawinie.
NMG a conclu une entente cadre avec le Conseil des Attikamek de Manawan et le Conseil de la nation Attikamek en 2018 et une entente de pré-développement en 2019. Des discussions actives sont en cours pour finaliser une entente sur les répercussions et avantages.
General Motors et de Panasonic s’engagent à investir 275 millions supplémentaires, soit 125 millions pour GM et 159 millions pour Panasonic, a fait savoir Nouveau Monde Graphite. Les deux ententes d’approvisionnement représentent 85 % de la production de matériau d’anode prévue à Bécancour. La production est destinée aux usines de General Motors et de Panasonic aux États-Unis, a précisé Eric Desaulniers.
Les premières livraisons de la future usine sont prévues au début de 2027. Nouveau Monde Graphite espère pouvoir finaliser le financement de son projet d’ici la fin de l’année et commencer les travaux de construction en 2025. Nouveau Monde Graphite traitera à Bécancour le graphite extrait de sa mine de Saint-Michel-des-Saints pour le transformer en matériau d’anode pour les batteries lithium-ion. L’entreprise a l’ambition d’électrifier complètement ses activités. Elle a obtenu du gouvernement du Québec un tarif d’électricité inférieur au tarif industriel ordinaire d’Hydro-Québec pour 77 mégawatts.
La Chine a donné un coup de pouce à Nouveau Monde Graphite en limitant ses exportations de graphite, dont la demande est en augmentation dans le monde.
Le cours de NMG le 15/08/24 : https://www.zonebourse.com/cours/action/NOUVEAU-MONDE-GRAPHITE-IN-34837526/
Ça n’empêche pas NMG de rêver en grand :
Les projets miniers liés à la production de batteries attirent de plus en plus les investisseurs sur la Côte-Nord. Du côté de l’entreprise Nouveau Monde Graphite, la production ciblée au gisement du lac Guéret est maintenant d’environ 500 000 tonnes de concentré de graphite par an. Quant à la société Northern Graphite, elle étudie des sites pour la construction d’une usine de matériaux d’anodes pour batteries à Baie-Comeau. L’entreprise Nouveau Monde Graphite veut multiplier par presque dix fois la production annuelle de graphite avec le projet Uatnan, dont le gisement est situé au lac Guéret, à 285 kilomètres au nord de Baie-Comeau.
En 2017, les Innus de Pessamit avaient conclu une entente de coopération avec Mason Graphite puisque la mine se trouve sur le territoire ancestral de cette Première Nation. À nos yeux, il faut recommencer cette entente. Avec la communauté innue [de Pessamit], c’est un peu une page blanche. Ce n’est pas du tout le même projet. On parle d’un projet d’une ampleur dix fois plus grande, ajoute Éric Desaulniers [PDG de NMG]. Mardi, le Conseil des Innus de Pessamit n’a pas répondu aux demandes d’entrevue de Radio-Canada à ce sujet.
Et puis viendraient les mines de terres rares qui « se trouvent en très faible densité dans la roche. Pour cette raison, la production tend à produire beaucoup de déchets comparativement à l’exploitation d’autres minéraux à teneur plus élevée, selon l’analyste minier d’Eau Secours, Émile Cloutier-Brassard. »
Une filière basée sur les transnationales d’ailleurs aux dépens des PME d’ici
Cette conjoncture défavorable donnerait-elle raison à la critique de la Banque Nationale, la banque des PME, vis-à-vis la Banque de Montréal (BMO), celle des transnationales ?
Le Québec doit saisir les occasions économiques que lui procure son électricité avant d’être rattrapé, soutient le président de la BMO au Québec, Grégoire Baillargeon. Contrairement au grand patron de la Banque Nationale, le banquier voit d’un œil beaucoup plus favorable les milliards de dollars de soutien gouvernemental à la filière batterie.
En septembre 2023, Laurent Ferreira, PDG de la Banque Nationale, a vivement critiqué les milliards de dollars de subventions accordées à la filière batterie au Canada, déplorant l’attrait des entreprises étrangères au détriment du soutien aux entreprises nationales. Il a souligné que ces subventions principalement profitent aux actionnaires étrangers, ne contribuant pas suffisamment à l’économie canadienne.
De commenter le professeur Laurin de l’UQTR :
Le professeur d’économie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) Frédéric Laurin croit quant à lui que le projet va bel et bien se réaliser. Il croit toutefois que la filière batterie n’est pas nécessairement la meilleure option économique pour la région. On performe très bien économiquement actuellement et tout ça repose sur des entreprises locales qui se sont vraiment bien défendues ces dernières années et qui ont des expertises dans toutes sortes de domaines, dit-il. Selon lui, le danger c’est de mettre tous les œufs dans le même panier et de laisser de côté la diversité économique.
Ça va tuer notre base entrepreneuriale québécoise formée de PME et en particulier ici dans la région en Mauricie, au Centre-du-Québec, on est, les deux régions qui se sont le plus améliorées économiquement dans les cinq dernières années. Et ça, ce sont les PME qui ont porté cette croissance-là et donc on va tirer de l’emploi dans nos PME qui ont fait bonne figure ces dernières années… Maintenant, on est sorti de la dévitalisation économique pour revenir dans un vieux modèle de développement économique basé sur de grandes entreprises.
Les PME seraient d’autant plus lésées que « [l]e gouvernement n’a pas imposé de contenu québécois à la filière batterie. Rien n’oblige Northvolt, GM ou Ford à s’approvisionner au Québec en matières premières et en services. »
De traitement de faveur à la pollution garantie de l’eau et de l’air… sans norme
Si la conjoncture est mauvaise, le bilan environnemental de la filière batterie est désastreux. Le navire-amiral, Northvolt, a eu droit a un traitement de faveur :
L’entreprise suédoise assure qu’elle y fabriquera des batteries électriques dont l’empreinte carbone sera pratiquement nulle. Quelque 3000 emplois seront créés. Et la province se positionne comme un meneur de la filière batterie. L’ombre au tableau : le projet, dont le site, grand comme 318 terrains de football, se situera entre Saint-Basile-le-Grand et McMasterville, ne coche pas les critères pour être automatiquement soumis au processus d’évaluation du BAPE. Le règlement qui établit si la méga-usine devrait être assujettie au processus a été modifié quelques mois avant l’annonce. Le seuil déterminant de la fabrication de cathodes est passé de 50 000 à 60 000 tonnes, alors que le projet de Northvolt en prévoit 56 000.
Québec a éclipsé la recommandation des fonctionnaires. Le ministre Benoit Charette n’a pas écouté son ministère qui souhaitait un BAPE pour l’usine d’assemblage.
Northvolt : Québec a retiré des arguments scientifiques de son analyse
L’an dernier, le ministère de l’Environnement justifiait par la science le refus d’un projet sur le même site.
Pourtant les potentiels dégâts environnementaux se sont pas banals :
Des documents publiés en Suède détaillent les impacts environnementaux de la giga-usine de batteries suédoise qui est semblable à celle construite au Québec. Northvolt promet que les rejets dans l’air et dans l’eau seront limités, sous les normes en vigueur. Mais certaines normes n’existent pas encore chez nous.
Dans l’air, l’usine suédoise émet notamment du nickel, du cobalt, du lithium et de l’ammonium. Ce seront effectivement les mêmes produits au Québec, confirme Northvolt […] Dans l’eau, l’usine suédoise rejette du nickel, du cobalt et du lithium, entre autres. Au Québec, il n’existe actuellement aucune norme qui encadre le niveau acceptable de ces substances dans l’eau potable.
Le lithium, c’est psychoactif, ça a un effet sur le cerveau, les gens bipolaires prennent du lithium, rappelle Maryse Bouchard, spécialiste de l’exposition aux contaminants de l’environnement, à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Le lithium a des effets sur la santé mentale à des concentrations assez faibles, ajoute Benoit Barbeau, professeur spécialisé en traitement de l’eau potable à Polytechnique Montréal.
Northvolt compte demander au premier trimestre 2025 l’autorisation pour les prélèvements et les rejets d’eau auprès du ministère de l’Environnement du Québec et de Pêches et Océans Canada. C’est seulement à ce moment-là que l’on connaîtra avec précision les quantités de contaminants qui seront rejetées dans l’air et dans l’eau de la rivière Richelieu. L’analyse du projet étape par étape plutôt que de façon globale, par le BAPE, agace Patrick Bonin, de Greenpeace Canada, qui rappelle que les gouvernements investissent des milliards dans Northvolt avant même que ce projet soit évalué.
Pour sa part, le président de l’Ordre des chimistes du Québec, Michel Alsayegh, s’est déclaré préoccupé par le manque de transparence et d’encadrement du projet, évoquant notamment le pompage et le rejet d’eau dans la rivière Richelieu ainsi que la gestion des matières dangereuses inhérentes aux activités de fabrication des batteries lithium-ion.
Une dissidence posant des objections de fond mais qui ne mobilise pas en masse
La critique virulente des Kanien’kehá:ka (Mohawks), dans le cadre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, vise particulièrement dans le mille :
Projet Northvolt : « Ils vendent l’environnement », dénonce un élu de Kahnawà:ke
« Ils vendent l’environnement, ils vendent les zones humides ». L’affirmation de Ross Kakwirakeron Montour, tasénhaienhs (chef) à Kahnawà:ke, est aussi forte que l’opposition du conseil de bande de la communauté au projet Northvolt.
À tour de rôle, Équiterre, Nature Québec et le Comité d’action citoyenne Projet Northvolt ont de nouveau fait part de leur méfiance quant à cet imposant projet en Montérégie.
Il y a une tendance du gouvernement à soustraire des projets à une évaluation environnementale et à affaiblir le BAPE […]. Cela mine la confiance du public et ne respecte pas les droits des peuples autochtones, a souligné Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec, lors d’un point de presse à Montréal, lundi.
La société Northvolt est venue nous voir et s’est adressée au conseil de manière plutôt informelle. Ils ont simplement dit : « nous sommes là », a-t-il rapporté.
C’est entre autres ce qui a motivé l’administration de la communauté à lancer une poursuite contre le géant suédois en janvier. M. Montour a rappelé que le Canada s’est pourtant engagé à mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones qui met justement l’accent sur le consentement libre et éclairé des Autochtones.
L’élu de Kahnawà:ke a aussi souligné que le gouvernement de François Legault refuse toujours d’implanter ces principes au Québec et qu’il refuse de nous reconnaître notre droit à l’autodétermination. L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une motion en 2019 visant à reconnaître les principes et à s’engager à négocier la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Or, une telle motion n’est pas contraignante et le premier ministre avait déclaré l’année suivante que son gouvernement refuserait de mettre en œuvre intégralement la Déclaration en invoquant l’intégrité du territoire québécois et l’économie de la province.
Pour expliquer pourquoi les Kanien’kehá:ka (Mohawks) se sentent concernés par un projet qui devrait se faire à McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, à environ 50 km de Kahnawà:ke, M. Montour a rappelé la responsabilité qui incombe à sa nation.
Nous faisons partie de cet environnement et nous devons prendre en compte l’impact de nos décisions. C’est ma responsabilité, ma responsabilité de gardien de l’environnement, et c’est mon plus grand droit.
Le bulldozage de la CAQ pour imposer Northvolt à l’encontre d’une opposition encore incapable d’une mobilisation de masse malgré maintes pétitions et rassemblements a incité une minorité (anarchiste) à lui substituer du sabotage comme des tapis à clous posés sur le chantier de l’usine ou des « objets incendiaires » tout en remettant en question le bien-fondé de l’usine :
Des internautes anonymes qui affirment être à l’origine des cinq « objets incendiaires » déposés le 5 mai sur le site de la future usine de Northvolt en Montérégie ont expliqué leurs gestes dans une publication non signée sur une page web anarchiste. Ils disent avoir mené cette action […] dans le but d’endommager les machines et de réduire la capacité du projet à se poursuivre, car ils estiment que l’entreprise suédoise, qui se présente comme un acteur de la transition verte, en est plutôt la pierre tombale.
Selon les auteurs, l’électrification des transports et le virage vers les véhicules électriques qui bénéficieront des batteries produites sur le site sont de fausses solutions, alors que le véritable problème réside dans l’expansion du parc automobile et l’appétit insatiable du Canada pour les ressources naturelles. Une exploitation des ressources, comme le lithium, qui se fait sur des territoires autochtones non cédés et qui empoisonne les écosystèmes entiers…
Une opposition politique officielle menée en bateau ou qui tergiverse
Quant aux édiles locaux, ils ont approuvé sans savoir :
Les maires de McMasterville et de Saint-Basile-le-Grand ont appuyé et défendu le projet de Northvolt, alors qu’ils ignoraient les impacts environnementaux, selon une lettre obtenue par Radio-Canada grâce à la Loi sur l’accès aux documents. « Nous sommes consternés par votre absence et votre mutisme », ont-ils écrit au ministre de l’Environnement, Benoit Charette, en quête d’informations pour rassurer leurs citoyens. […]
Pendant que les maires cherchaient des réponses et que le ministère ne les donnait pas, les médias démontraient les impacts du projet sur les milieux humides, les boisés, les espèces fauniques ainsi que la rivière Richelieu.
De leur côté, les partis politiques de l’opposition ont beau multiplié les critiques mais ne remettent pas en question le projet Northvolt :
Les partis politiques d’opposition remettent en question l’ampleur des subventions allouées, suggérant que l’argent devrait être consacré aux petites et moyennes entreprises locales. Certains leaders politiques, tels que Joël Arseneau du Parti québécois et Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire, doutent de la rentabilité du projet et mettent en avant les préoccupations liées à la pénurie de main-d’œuvre et à l’impact environnemental potentiel de l’usine.
Québec solidaire a eu beau promettre en janvier que « [l]’environnement sera une priorité parlementaire de Québec solidaire », il s’est satisfait de demander un droit d’initiative pour initier un BAPE sans exiger ni la démocratisation de sa direction et des commissions d’enquête ni l’obligation d’appliquer ses recommandations ni la tenue d’un BAPE générique sur « l’avenir énergétique du Québec » comme l’a demandé le Front commun pour la transition énergétique au début 2023… et même les Libéraux provinciaux sur la filière batterie en mars dernier. Avec le PQ et des représentants du mouvement environnemental, Québec solidaire s’est contenté de présenter en novembre 2023 un « Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable » vague à souhait, sans revendications précises, chiffrées au besoin, et sans échéancier, qui devrait donner lieu à un débat public à la formule non précisée. Comme il fallait s’y attendre, ce manifeste de beaux principes et de généralités est tombé dans l’oubli.
Concrètement, il semble que les Solidaires se satisfassent de demander la comparution de Northvolt devant un comité de l’Assemblée nationale et « de dévoiler [leurs] documents cachés ». Côté mines, Québec solidaire se réjouit que la CAQ désormais exige un BAPE « pour tout nouveau projet de mine au Québec » et mettent certaines limites au free mining sans l’interdire, ce qu’il déplore, et sans être plus exigeant en termes de redevances et d’encadrement des claims pour protéger l’environnement et les territoires municipalisés. Somme toute, « [l]e développement de la filière des batteries est important pour l’économie du Québec, mais il faut faire les choses dans le respect de l’environnement et des communautés locales ».
La catastrophe annoncée pour la forêt boréale de la « Grande Alliance »
Ces mines ont pourtant un potentiel écologique et social dévastateur :
Les forêts boréales canadiennes sont parmi les plus importants puits de carbone de la planète et, selon l’Institut climatique du Canada, elles séquestrent environ 28 milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent de 40 fois les émissions annuelles de gaz à effet de serre au pays. Une partie significative de la forêt boréale québécoise était jusqu’à présent épargnée par les activités industrielles, mais la situation pourrait changer, car ce territoire nordique contient d’importantes quantités de minéraux critiques et stratégiques, comme le lithium, qui suscitent la convoitise des industries minières.
« En milieu boréal, la forêt se décompose très lentement, plus lentement qu’en milieu tropical, et donc, on a une accumulation importante de carbone qui reste dans les sols formés de matière organique morte. Et comme la forêt boréale a une superficie immense, elle joue un rôle majeur à l’échelle mondiale dans la séquestration du carbone », résume Xavier Cavard, membre du Centre d’études de la forêt et titulaire de la Chaire de recherche UQAT-MFFP sur la gestion du carbone forestier.
L’hécatombe de la forêt boréal risque d’être facilité par la « Grande Alliance », accord du gouvernement québécois avec le Grand Conseil des Cris qui s’intègre comme un gant dans le Plan Nord initié par les Libéraux de Jean Charest et maintenu par la CAQ :
« La Grande Alliance », un protocole d’entente signé en 2020 entre le gouvernement du Québec et la nation crie, prévoit un réseau ferroviaire d’environ 700 kilomètres, la construction de centaines de kilomètres de nouvelles routes et de lignes électriques et la création d’un port en eau profonde, dans la forêt boréale, afin de permettre aux minières d’avoir accès aux minéraux critiques.
Le militant écologiste et président de l’Action boréale Henri Jacob demande aux promoteurs de La Grande Alliance, formée par des délégués de la nation crie et du gouvernement québécois, d’éviter de « faire les mêmes erreurs qu’en Abitibi », où l’industrie minière a exploité la forêt boréale « sans se soucier des prochaines générations » et pris « possession de 40 % du sol ».
« Ce qui s’est passé en Abitibi depuis le début des années 1930 », il faut « en tirer des leçons », car « ce qu’on voit aujourd’hui, c’est des parcs à résidus miniers, ce qu’on appelle la slam, le résidu qui va souvent dans les cours d’eau avec des métaux lourds et avec d’autres produits chimiques et d’autres matières. Cela fait en sorte que, souvent, l’environnement est vraiment dégradé de façon importante. Dans certains cas, c’est irréversible », dénonce l’écologiste, en ajoutant « qu’il faut faire du développement minier de façon plus intelligente ».
« L’exploitation des minéraux stratégiques pour faire des batteries, des véhicules électriques, en théorie ça paraît bien. Mais quand on vante les vertus d’une auto électrique qui se promène sans tuyau d’échappement, donc sans émettre de CO2, on oublie de dire que, pour la construire, il faudra exploiter des mines, que ce soit en Abitibi, ou plus au nord, des mines qui, elles, génèrent énormément de CO2 durant l’exploitation. Et après l’exploitation, il ne reste plus de biodiversité sur le site minier. »
Heureusement, « [u]n volet du protocole d’entente prévoit la création d’un système d’air protégée qui vise 30 % de leur territoire d’ici 2030. Les Cris vont donc déterminer ce qu’ils veulent protéger pour leur chasse et pour le patrimoine culturel. » Qu’adviendra-t-il du 70% restant ?
La résistance active d’Heather House…
« Depuis 1975, la Nation Crie a signé plus de 75 ententes et conventions entre les gouvernements provincial et fédéral et provincial [dont] 7 accords-clefs ». On ne peut que se réjouir que la Nation Crie se soit affirmée et consolidée en gouvernement Crie depuis le coup de tonnerre du jugement Malouf de 1973 qui a consacré son existence institutionnelle. Le revers de la médaille, cependant, en fut l’accentuation de sa division en classes sociales, à l’image atténuée de la société blanche, avec ses affairistes aux commandes. Heureusement, comme dans la société blanche, il faut compter sur la dissidence dont une grande partie des traditionnalistes mais pas seulement :
Alors qu’elle était enceinte, en novembre 2020, Heather House a entamé une grève de la faim, pour s’opposer à « La Grande Alliance », un protocole d’entente signé entre le gouvernement du Québec et le Grand Conseil des Cris.
« Comme beaucoup de gens de la communauté, j’ai appris l’existence de La Grande Alliance le jour de la signature du protocole » et « ensuite, ils ont promis un an de consultation, mais il ne s’est rien produit dans les mois suivant la signature. La COVID est arrivée et le confinement a débuté une semaine après l’annonce », proteste Heather House.
Elle a écrit une lettre ouverte sur les médias sociaux, adressée aux gouvernements cri et québécois, et amorcé une grève de la faim, qui aura duré deux semaines. « Aux jeunes, à notre peuple, souvenez-vous de nos grands-parents, de nos arrière-grands-parents et des ancêtres avant nous. Ils ont survécu, à peine. Nous sommes les produits de leur traumatisme, nous sommes leur voix quand ils ne pouvaient pas parler. C’est l’heure de dire non », peut-on lire dans la lettre qui a été partagée des centaines de fois.
Mais son geste d’éclat n’a pas été suffisant pour convaincre le Grand Chef de la nation crie de l’époque, Abel Bosum, de lui accorder une rencontre, comme elle le réclamait.
Les craintes d’Heather House sont partagées par le propriétaire du Retro Daze Cafe, Roger Orr, un ancien travailleur social. Les Cris « ne sont pas des mineurs ! » s’exclame l’homme d’une cinquantaine d’années au crâne tatoué et à la voix imposante à La Presse canadienne en expliquant que « nos ancêtres n’ont jamais creusé de trou pour faire des mines, ils ne détruisaient pas le territoire. Quand on détruit l’environnement, on se détruit soi-même ».
…pour Roger Orr et Heather House, les consultations publiques et les études de faisabilité auraient dû précéder la signature d’un protocole d’entente avec le gouvernement du Québec, et non l’inverse. […]
… et celle passive des maîtres de trappe
La camionnette de Freddy s’arrête au kilomètre 58 de la route EM1, sur le territoire de la communauté des Cris d’Eastmain, au nord de Nemaska. C’est à cet endroit que Corporation Éléments Critiques compte assécher et vider deux lacs après avoir fait don des poissons à la communauté
, pour construire une mine de lithium et de tantale à ciel ouvert, qui permettrait de produire environ 4500 tonnes de minerai par jour pendant 17 ans.
La mine sera construite directement sur le territoire de chasse traditionnel du maître de trappe Ernie Moses. « Je suis triste, mais il n’y a pas grand-chose que je puisse faire contre ce projet », se désole-t-il lorsque La Presse canadienne le rencontre près de l’un des lacs qui seront asséchés.
L’Eeyou Istchee est divisé en 300 aires de trappe familiales, chacune d’elles est suffisamment grande pour subvenir aux besoins alimentaires d’une famille élargie et chacune de ces aires de trappe traditionnelle est sous la responsabilité d’un maître de trappe, appelé « tallyman », comme Ernie Moses.
Les projets d’exploration minière, tous métaux confondus, ont plus que doublé dans les quinze dernières années dans l’Eeyou Istchee, passant de 174 en 2004, à près de 400 en 2021.
Les projets de Corporation Éléments Critiques et de Nemaska Lithium ont reçu l’aval des autorités fédérales, provinciales et des conseils de bande cris de la région.
À Eastmain, une communauté située à environ 20 heures de route au nord de Montréal, La Presse canadienne a rencontré le chef du conseil de bande, Kenneth Cheezo, qui appuie le développement minier. Le projet de Corporation Éléments Critiques est situé sur les terres traditionnelles de sa communauté.
« C’est nouveau pour nous, c’est la première fois qu’une mine ouvrira sur le territoire, explique le chef Cheezo. L’entreprise est venue dans la communauté, dans nos écoles, afin de parler aux jeunes des emplois qui seront créés, et on ne parle pas seulement de petits salariés, il y a des possibilités d’emplois dans l’ingénierie, les ressources humaines et plusieurs postes de cadres. »
Le chef de la Nation crie d’Eastmain, Kenneth Cheezo, se dit certain, en se basant sur les réunions avec les représentants de Corporation Éléments Critiques, que l’extraction se fera de façon à réduire les impacts sur l’environnement.
Toutefois, il admet que de trouver le juste équilibre entre le mode de vie traditionnel, la protection de l’environnement et le développement économique est un exercice périlleux.
« C’est très difficile, parce que la terre est tellement sacrée pour nous, alors c’est pénible d’en donner un morceau, même si c’est juste un morceau de roche. »
Le combat des chefs et le danger pour les femmes
Le dilemme de la communauté d’Eastmain est aussi celui de la communauté de Nemaska :
Lorsque l’on fait remarquer à Thomas Jolly [chef de Nemaska de 2015 à 2019] que le gouvernement compte sur le lithium qui sera extrait des terres traditionnelles cries pour lutter contre les changements climatiques, après une longue hésitation, il réagit en posant ces deux questions : « Qui est responsable » de la crise climatique ? » et « Est-ce à nous [les Cris] de payer et souffrir pour ce qu’ils ont fait ? »
Selon M. Jolly, la mine de Nemaska Lithium qui s’apprête à ouvrir et dont Investissement Québec est l’actionnaire à 50 % n’a jamais reçu l’approbation de la population. La décision du conseil de bande d’accepter le projet de Nemaska Lithium a été prise « derrière des portes closes », selon sa version des faits. L’entente entre le promoteur et le conseil de bande pour construire une mine sur le territoire a été ratifiée en 2014.
Dans les mois qui ont suivi la ratification de l’entente avec Nemaska Lithium, tous les membres du conseil de bande ont perdu leurs élections, à l’exception de Thomas Jolly. « Était-ce une façon de les punir ? » demande La Presse canadienne. « Je suppose », répond Thomas Jolly.
En entrevue avec La Presse canadienne, [Laurence Gagnon, porte-parole du Conseil de bande] indique que la raison pour laquelle le conseil de bande de Nemaska a accepté ce projet, « c’est à 100 % pour les bénéfices économiques ». Elle précise qu’il est prévu que la communauté reçoive des redevances chaque année : « On parle de plusieurs millions de dollars sur trente ans pour la communauté. » Cette somme « retourne à nos citoyens pour [qu’ils aient] de meilleures infrastructures, de meilleurs services ».
Cerise sur le gâteau, « CLEC a aussi modifié son projet en y ajoutant la construction d’un camp de 500 travailleurs à 4 kilomètres du site, soit 250 chambres temporaires et 250 permanentes. » Si j’étais une femme crie résidant dans les parages, je m’inquiéterais. La voisinage d’hommes esseulés et de femmes pauvres et racisées aboutit habituellement à une situation de prostitution et de violence.
Les organisations environnentales québécoises ajoutent leur grain de sel scientifique à ce cri du cœur provenant des racines de la terre :
Eau Secours et le Regroupement Vigilance Mines de l’Abitibi et du Témiscamingue (REVIMAT) se disent préoccupés par l’approbation du projet de mine de lithium Baie James par le gouvernement fédéral.
Les deux organismes s’inquiètent de la contamination de l’eau par l’arsenic que risque de produire la mine qui compte extraire 5480 tonnes de minerai par jour pendant de 15 à 20 ans.
L’Agence d’évaluation d’impact du Canada a donné son feu vert lundi au projet de Galaxy Lithium de construire une mine sur le territoire traditionnel des Cris d’Eastmain, en bordure de la route de la Baie James, à 1100 kilomètres au nord de Montréal.
Selon la directrice générale d’Eau Secours, « ce type de projets destructeurs, se contentant du minimum pour répondre aux normes, ne répond pas aux critères de la transition verte », en faisant référence à l’utilisation du lithium dans la fabrication de véhicules électriques.
« Avec 305 hectares de milieux naturels détruits et une fosse qui se remplira d’eau contaminée en arsenic sur 120 ans pour ensuite se déverser dans les rivières voisines, voilà des exemples du prix à payer pour une soi-disant transition verte », a indiqué Rébecca Pétrin.
La minière NMG neutralise la communauté blanche pour isoler les Atikamekw
Ce pourrait-il que les minières liées à la filière batterie qui opèrent en territoire « blanc » compensent les riverains à la hauteur voulue pour leur faire accepter leurs ravages environnementaux, sociaux et pour la santé particulièrement en créant temporairement des emplois lucratifs pour la survie économique de la région ? La mine d’or de Malartic, très contestée il y a une quinzaine d’années, donne un exemple de renversement de situation au profit de la compagnie. Si au Nord du Québec, dont l’Abitibi et peut-être la Côte-Nord, ce sont les mines de lithium qui alimentent la filière batterie, au Sud, au nord de Montréal, ce sont les mines de graphite. Pour l’instant, la seule qui a commencé à opérer est celle de Nouveau Monde Graphique :
Nouveau Monde Graphite développe le site proposé à quelque 150 kilomètres au nord de Montréal et affirme qu’il s’agirait de la plus grande mine de graphite d’Amérique du Nord - 2,7 kilomètres de long, 600 mètres de large, et une production estimée à 60 millions de tonnes du précieux minéral au cours du prochain quart de siècle. Le gouvernement du Québec a approuvé le projet le mois dernier, malgré l’absence d’études environnementales essentielles et le peu de consultation des Atikamekw.
« J’ai participé à au moins une douzaine d’études environnementales au cours des 12 dernières années et je n’ai jamais vu un projet avancer aussi rapidement », a déclaré Ugo Lapointe, coordonnateur de Mines Alerte Canada. « Il manque des études environnementales cruciales. Cela arrive avec d’autres projets, ils avancent sans que toutes les études aient été réalisées, mais je n’ai jamais rien vu de tel. »
On estime à 3 000 le nombre d’emplois liés au tourisme et à la chasse dans la région. Les partisans de la mine affirment qu’elle créera 175 emplois et contribuera à hauteur de plusieurs millions à l’économie locale. Bien que l’entreprise n’ait pas conclu d’accord sur les répercussions et les avantages avec la Première nation de Manawan, elle a signé un contrat de pré-développement avec le conseil de bande en 2019.
Le chef Paul-Émile Ottawa estime que le projet est trop risqué pour obtenir l’approbation de son conseil. Mais l’action de lundi n’est pas venue du conseil. Il s’agit d’un effort populaire, organisé avec Mobilisation Matawinie - une coalition d’Atikamekw et de résidents non autochtones de la région de Lanaudière lancée l’année dernière.
« Beaucoup de gens à qui nous parlons à Manawan hésitent à dire ce qu’ils pensent parce qu’ils ont peur du conseil de bande », explique Jeane Ste-Marie, membre non autochtone de Mobilisation Matawinie. « Le conseil de bande est le principal employeur, mais c’est aussi lui qui décide qui obtiendra une nouvelle maison, etc. C’est ainsi que nous avons commencé à voir beaucoup d’Atikamekw se joindre à notre groupe. »
La résistance au projet en développement vient aussi de la communauté blanche de la région de St-Michel-des-Saints :
Le projet de NMG a été reconnu en 2020 par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) comme étant la source d’une importante division sociale dans la communauté de Saint-Michel-des-Saints. Cette fracture n’a jamais été réparée depuis. Il serait donc faux d’affirmer que la mine Matawinie rencontre l’acceptabilité sociale.
De juin 2022 à mars 2024, May Dagher, résidente de Saint-Michel-des-Saints, a dû mener des procédures qui l’ont mené jusqu’à la Commission d’accès à l’information pour obtenir une copie des rapports d’analyse et d’autres documents afin de connaître l’état du suivi de ces conditions par la minière et les autorités. Ce manque de transparence envers les citoyens est incompatible avec l’affirmation d’un projet responsable socialement dans notre démocratie.
En Outaouais, une unité édiles-citoyenneté qui promet mais c’est encore tôt
Il faut aussi souligner le projet de mine graphite en Outaouais encore au stade de l’exploration, mais soutenu par l’armée des ÉU, et dont l’opposition de l’inhabituel front commun municipalités-citoyenneté retient l’attention :
Le 16 mai dernier, le département américain de la Défense annonçait un investissement d’environ 11,5 millions $ dans le projet de mine de graphite à ciel ouvert La Loutre de l’entreprise britanno-colombienne Lomiko Metals. Un investissement salué par le gouvernement fédéral, qui en a profité pour investir à son tour 4,9 millions $ dans le projet à travers le ministère des Ressources naturelles. Ce financement vient concrétiser ce projet qui est encore en phase d’exploration, c’est-à-dire que la minière procède à des forages préliminaires pour confirmer la qualité et la quantité du minerai présent sur le site
L’alliance qui regroupe les villes de Duhamel, Lac-des-Plages, Saint-Émile-de-Suffolk, Lac-Simon et Chénéville vise à montrer un front uni devant la minière et les gouvernements pour tenter d’établir un certain rapport de force.
Une situation assez unique, puisque les instances municipales tendent généralement à se ranger du côté des promoteurs des projets miniers, remarque Rodrigue Turgeon. « C’est vraiment rare de voir des municipalités être capables de voir au-delà des revenus potentiels. C’est vraiment un modèle à suivre », remarque-t-il.
Cela dit, les citoyen·nes de la région n’ont pas attendu après leurs élu·es pour s’organiser et tenter de faire barrage au projet, remarque Claude Bouffard, de l’Association pour la protection de l’environnement du lac des Plages et co-fondateur de la Coalition québécoise des lacs incompatibles avec l’activité minière (QLAIM).
Les projets miniers de la filière batterie c’est aussi le développement de mines à l’ancienne telles celle de fer sur la Côte-Nord. Le ministre fédéral de l’Environnement est fort heureux de justifier ses ravages environnementaux par cette filière :
Des groupes écologistes dénoncent la destruction de 37 plans d’eau pour entreposer des résidus miniers sur la Côte-Nord, mais ces dommages environnementaux sont nécessaires à la réalisation d’un projet qui contribuera à la transition énergétique, selon le ministre de l’Environnement du Canada, Steven Guilbeault.
Minerai de fer Québec, propriétaire de la mine du lac Bloom, située à environ 13 km au nord-ouest de Fermont, a reçu l’aval du gouvernement fédéral pour procéder à la destruction de dizaines de plans d’eau afin d’agrandir ses aires d’entreposage de résidus et stériles à son site minier.
« Il y a des impacts à aller miner des minéraux critiques et différentes composantes dont nous allons avoir besoin pour la transition énergétique », mais « l’électrification de nos transports et l’électrification de nos industries vont permettre de réduire notre dépendance au pétrole qui va permettre de réduire l’impact des changements climatiques », a réagi le ministre Guilbeault lorsque La Presse canadienne l’a questionné sur les raisons de détruire ces lacs, jeudi.
Des subventions gargantuesques peu récupérables et qui en cachent d’autres>
La politique industrielle de la filière batterie dans la cadre de celle des ÉU coûte chère, très chère comme l’ont montré les sommes faramineuses en subvention à Northvolt par Québec et Ottawa. Pour le Québec seulement, les investissements publics pourraient se chiffrer à 30 milliards $ pour l’ensemble de la filière batterie :
La taille des investissements promis dans la filière batterie pourrait encore doubler d’ici quelques années pour atteindre 30 milliards $, laisse miroiter le grand patron d’Investissement Québec. Les projets annoncés dans la filière batterie représentent des investissements totaux de près de 11 milliards $. À cela s’ajoutent près de 4 milliards $ d’investissements qui doivent être annoncés sous peu.
Il y a un autre 15 milliards $ qui est en discussion et qui sera annoncé au cours des prochaines années, répond le président-directeur général d’Investissement Québec, Guy LeBlanc, en entrevue avant une allocution qu’il doit donner, mardi, à Bécancour, devant la communauté d’affaires. Essentiellement, ce sont des phase deux et phase trois pour augmenter la capacité des usines déjà annoncées.
Les subventions peuvent aller jusqu’à la moitié des frais de construction comme pour Northvolt, soit 1.5 million $ par emploi créé, mais pas seulement :
Les gouvernements fédéral et provincial investissent 644 millions de dollars pour la construction d’une nouvelle usine de Ford qui produira les matériaux nécessaires aux batteries de ses véhicules électriques dans le Centre-du-Québec.
Les travaux de construction de l’usine de cathodes nécessitent des investissements totaux de 1,2 milliard de dollars, dont la moitié proviennent de fonds publics. Ottawa octroie 322 millions de dollars à la multinationale américaine par l’entremise du Fonds stratégique pour l’innovation. Investissement Québec investira l’autre moitié.
Non seulement l’aide gouvernementale est-elle sous-estimée par l’oublie des pertes fiscales, mais aussi c’est loin d’être certain que Québec et Ottawa vont récupérer leurs mises :
Le gouvernement fédéral a quelque peu surestimé les retombées qui seront générées par le projet de Northvolt en Montérégie, où l’entreprise suédoise fabriquera des cellules de batteries pour véhicules électriques, notamment grâce à des incitatifs à la production pouvant atteindre 4,6 milliards de dollars, observe le directeur parlementaire du budget (DPB).
Dans un rapport dévoilé vendredi, Yves Giroux indique que le montant total de ces subventions, calquées sur l’Inflation Reduction Act de l’administration américaine, ne sera pas récupéré avant 2037, alors que le gouvernement Trudeau avait laissé entendre qu’il pourrait l’être plus tôt.
Pour Québec, il faut ajouter les prix de faveur pour l’électricité difficile à connaître étant donné le secret des ententes et le coût marginal croissant des nouvelles sources d’électricité. Ce à quoi il faut additionner des investissements supplémentaires de toutes sortes en services publics :
Hydro-Québec vient finalement de recevoir le feu vert pour construire en zone agricole une partie de la ligne à haute tension qui doit alimenter la mine de Nouveau Monde Graphite, qui espère toujours devenir la première mine à ciel ouvert 100 % électrique au monde. Après avoir refusé que la ligne en haute tension traverse une zone agricole située à Saint-Zénon, la Commission pour la protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) revient sur sa décision et coupe la poire en deux.
Filière batterie : Bécancour face au spectre de l’étalement urbain
« Des milliers de travailleurs et leurs familles sont attendus dans la Vallée de la transition énergétique. Pour les loger, il va falloir construire vite, mais vite ne veut pas toujours dire bien. On pense souvent que la densification, c’est seulement bon pour Montréal et Québec, mais c’est faux. L’ensemble des villes ont le devoir de réfléchir à la densification. » (Une citation de Éric Harvey, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les échanges entre les écosystèmes)
La densification face à l’acceptabilité sociale
Dans la foulée de la création de la Vallée de la transition énergétique, un nouveau programme en lien avec les technologies vertes voit le jour dans la région. Il s’agit d’une attestation d’études collégiales (AEC) offerte par le Cégep de Trois-Rivières, sous forme d’alternance travail-études.
Un cours d’eau sera déplacé pour faire place aux usines de la filière batterie à Bécancour. La Société du parc industriel et portuaire de Bécancour se fait toutefois rassurante : les milieux naturels touchés seront intégralement recréés et même améliorés sous la supervision des autorités environnementales. […] L’opération devrait coûter entre deux et trois millions de dollars. Les poissons seront pêchés et transférés dans leur nouvel habitat.
Ces « politiques industrielles » dont le peuple travailleur fait toujours les frais
Il ne faut pas s’étonner que l’ensemble de l’œuvre ignore superbement son impact sur la réduction des GES. Nonobstant le pétage de bretelles des Démocrates étatsuniens dans le cadre de leur compagne électorale présidentielle à propos de leur politique industrielle d’extractivisme vert, selon The Economist cette politique est jusqu’ici un échec même vis-à-vis les critères proprement capitalistes :
Il y a deux ans, le président Joe Biden a signé la loi sur la réduction de l’inflation (IRA). Cette loi phare visait à stimuler la révolution verte des États-Unis en mettant des centaines de milliards de dollars à la disposition de projets d’énergie propre. L’idée n’était pas seulement de rendre l’Amérique plus verte, mais aussi de créer de nombreux emplois de qualité et bien rémunérés sur le sol américain, en particulier dans les régions en difficulté du pays, laissées pour compte par la désindustrialisation et la mondialisation.
Deux ans plus tard, cependant, il n’y a guère de preuves d’un coup de pouce de l’IRA. La mise en œuvre a connu de nombreux retards. La croissance des salaires des Américains les plus pauvres a largement dépassé celle des plus riches, mais les régions laissées pour compte continuent d’être à la traîne de la moyenne nationale en matière de croissance de l’emploi. Le cours des actions des entreprises spécialisées dans les énergies vertes, telles que celles qui fabriquent des panneaux solaires et des turbines éoliennes, est à la traîne du marché en général. Les bénéfices finiront peut-être par arriver, mais d’ici là, les élections de 2024 seront passées depuis longtemps.
Si les politiques industrielles peuvent parfois donner des résultats probants, il faut se rendre compte qui sont les grands gagnants :
Plus récemment, on pourrait aussi citer l’exemple de l’industrie du jeu vidéo, où Montréal s’est hissée, depuis la fin des années 1990, au rang des chefs de file mondiaux, avec près de 15 000 travailleurs et un apport annuel de 1,5 milliard à l’économie québécoise. Sauf que l’aide à ce secteur coûte cher, constatait cet hiver une étude de la Chaire en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke. C’est-à-dire 340 millions en allègements fiscaux seulement en 2022, soit 5 % de l’ensemble des mesures destinées aux entreprises. Qui plus est, 75 % de cette aide profite à seulement 15 des 200 sociétés du secteur, toutes des filiales de grandes entreprises étrangères, dont près de la moitié du magot à la multinationale [française] Ubisoft.
Les politiques industrielles à la mode capitaliste soit échouent aux frais du peuple contribuable — « On se souvient, par exemple, des déboires de sociétés d’État dans l’acier (SIDBEC) ou dans le pétrole et le gaz (SOQUIP), et des échecs répétés dans l’industrie de l’automobile, que ce soit avec Peugeot-Renault (SOMA), avec GM ou avec Hyundai. » — soit atteignent leur but au bénéfice essentiellement des transnationales et des banques toujours aux frais du peuple contribuable quitte à ce qu’une mince couche récolte une poignée d’emplois lucratifs aux conditions de travail pas toujours édifiantes. Dans le cas de petites économies comme le Québec et même le Canada, ces transnationales sont habituellement étrangères ce qui réduit encore plus le rapport de forces politique.
En ce qui concerne la filière batterie, la condition de base indispensable à son succès pour attirer ces transnationales étrangères, en plus des subventions monétaires et en service, réside dans la fourniture d’une abondante électricité « propre » et bon marché pour des raisons tant économiques que politiques. C’est ce « Plan d’action 2035 » d’Hydro-Québec encadré par la loi 69 qu’analysera le prochain article. Et il faudra bien dégager de cet échec annoncé, en termes de lutte climatique, une alternative qui engage véritablement la lutte pour le climat et la biodiversité.
Marc Bonhomme, 24 août 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc videotron.ca