Mais Majdal Shams se trouve être la plus grande des agglomérations du plateau du Golan syrien, occupé depuis 57 ans. La population locale insiste sur son identité arabo-syrienne, refusant d’être annexée à l’État sioniste, comme elle l’a clairement montré en manifestant contre les visites malintentionnées à Majdal Shams du ministre néonazi Bezalel Smotrich et de certains de ses pairs du gouvernement actuel, jusqu’au premier ministre néofasciste, Benjamin Netanyahu. Les habitants ont accusé tous ces visiteurs indésirables d’être eux-mêmes des tueurs d’enfants et des criminels de guerre, et d’être entièrement responsables du massacre de samedi, quelle que soit l’origine de l’obus qui l’a causé.
Le gouvernement sioniste s’est naturellement efforcé d’utiliser le massacre dans sa campagne de propagande visant à dépeindre ceux qu’il combat, qu’il s’agisse de Palestiniens ou de Libanais, comme des barbares, et se dépeindre lui-même comme engagé dans un « choc entre la civilisation et la barbarie », selon les termes de Netanyahou dans le discours inepte qu’il a prononcé devant le Congrès américain il y a une semaine. Cela s’est produit au cours d’une session qui restera dans l’histoire comme un signe supplémentaire de la décadence des institutions américaines, une session au cours de laquelle la majorité des membres du Congrès présents se sont levés et réassis à un rythme qui les a fait ressembler à des participants à des exercices aérobiques collectifs !
La Maison Blanche (et Bleue) s’est empressée de condamner le massacre de Majdal Shams, le qualifiant d’« horrible » et accusant le Hezbollah de l’avoir perpétré. La position officielle de Washington dans cette affaire va au-delà de l’hypocrisie habituelle qui le conduit à pleurer chaque enfant juif tué par des tirs provenant d’une source arabe tout en fermant presque les yeux sur les 15 000 enfants palestiniens tués jusqu’à présent par des bombes israéliennes, fournies en grande partie par Washington à son allié. Ce qui va au-delà de l’hypocrisie habituelle cette fois-ci, c’est que Washington a traité le plateau du Golan à l’instar du gouvernement sioniste comme s’il s’agissait d’un territoire israélien, alors qu’il s’agit d’un territoire syrien occupé selon le droit international et aux yeux de tous les pays du monde, à l’exception de l’État sioniste et de son parrain américain.
Washington s’est aligné sur le consensus international depuis 1967 jusqu’à ce que Donald Trump, proche ami de l’extrême droite sioniste, arrive au pouvoir et décide de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le Golan en mars 2019. Il convient de noter à cet égard que l’administration Biden a décidé de maintenir cette violation flagrante du droit international et ce soutien éhonté à l’expansionnisme sioniste. Cette position, ainsi que le recul de Biden sur la promesse qu’il avait faite lors de sa campagne électorale de 2020 de revenir sur la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël et d’y déplacer par conséquent l’ambassade des États-Unis, ainsi que sur la décision de Trump de fermer le bureau de représentation palestinien à Washington, étaient des présages de la collusion ultérieure de Washington avec l’agression sioniste contre Gaza, et un acompte offert par le « fier sioniste irlando-américain » au « fier sioniste juif », comme Netanyahu a décrit Biden et lui-même en célébrant leur amitié de « quarante ans » lors de leur récente rencontre à Washington.
L’identité arabe des autochtones du plateau du Golan (les colons sionistes les ont presque égalés en nombre, ce que l’extrême droite sioniste essaie de réaliser en Cisjordanie) et la clarté du statut juridique du plateau aux yeux du monde entier, à l’exception d’Israël et des États-Unis, ces deux caractéristiques ont fait de la condamnation israélienne du massacre de Majdal Shams une condamnation inhabituellement hypocrite elle-aussi, bien pâle en effet par rapport à ce qui se serait passé si un massacre similaire avait eu lieu contre un groupe de jeunes Juifs, que ce soit à l’intérieur des frontières internationalement reconnues de l’État d’Israël ou même parmi les colons du plateau du Golan.
Il est donc probable que Netanyahou se contentera d’une frappe de représailles douloureuse mais limitée visant le Hezbollah et qu’il ne lancera pas une guerre globale contre le Liban, sachant très bien qu’elle serait plus sévère pour l’intérieur d’Israël que la guerre sioniste contre Gaza. Les limites probables de la frappe à venir ont été indiquées par l’abstention des deux ministres néo-nazis, Smotrich et Ben-Gvir, lors du vote autorisant Netanyahu et le ministre de la guerre Galant à gérer les représailles, d’autant plus que Smotrich avait appelé à saisir l’occasion du massacre de Majdal Shams pour éliminer le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
Le gouvernement sioniste ne lancera pas d’attaque globale contre le Hezbollah avant d’avoir terminé son agression contre Gaza, et à moins d’obtenir le soutien inconditionnel des États-Unis dans une confrontation qui pourrait bien inclure l’Iran et se transformer en guerre régionale. Autrement dit, le gouvernement sioniste ne lancera pas une guerre globale contre le Hezbollah à moins que Donald Trump ne remporte les élections américaines en novembre prochain. Il se contentera sinon de recourir à des frappes douloureuses mais limitées, ce qu’il fait depuis octobre dernier, et limitera ses exigences à ce qui est conforme à la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée à la suite de la guerre des 33 jours en 2006, comme il l’a fait jusqu’à présent, sachant que c’est la limite de ce qui est soutenu par la communauté internationale.
Gilbert Achcar