Mégafeux en Gironde, inondations à répétition dans le Nord et le Pas-de-Calais, orages violents, sécheresses : les deux dernières années ont été un condensé des risques climatiques auxquels la France sera de plus en plus exposée. Et auxquels elle est loin d’être préparée.
Dans son dernier rapport, « Changement climatique : nous ne sommes pas prêt·es », Oxfam dresse le bilan des vulnérabilités françaises face au dérèglement climatique et fait des recommandations pour mieux anticiper le choc qui vient. Au regard de la trajectoire de référence adoptée par la France (+ 2,7 °C d’ici 2050, + 4 °C d’ici 2100), basée sur les scénarios du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), le pays doit se préparer à des bouleversements majeurs.
Avant 1990, souligne Oxfam, la France connaissait en moyenne deux jours de vague de chaleur par an. Depuis vingt ans, ce chiffre est passé à huit. Et l’accélération est là : « Dans un scénario à + 4 °C, l’Île-de-France pourrait connaître jusqu’à 94 jours de vague de chaleur, soit plus d’un quart de l’année. »
Le 13 juillet 2022, à Cazaux, en Gironde, un important feu brûle la forêt de pins. © Valentino Belloni / Hans Lucas via AFP
D’ici la fin du siècle, ces épisodes de forte chaleur pourraient être responsables de 46 000 morts par an. Les conséquences sur les écosystèmes, sur l’accès à l’eau, l’agriculture et l’approvisionnement alimentaire, ou encore sur l’habitabilité de certains territoires « mettent aussi indirectement en péril des droits fondamentaux, comme le droit à l’éducation, à la santé ou à la dignité humaine », note le rapport.
Car ni nos écoles ni nos hôpitaux ni nos transports ni la plupart de nos infrastructures ne sont aujourd’hui préparés aux épisodes extrêmes qui vont se multiplier. « D’ici à 2030, d’après les estimations hautes, 7 138 écoles maternelles (soit environ 1,3 million d’enfants de 2 à 5 ans) seront exposées à des vagues de chaleur supérieures à 35 °C. C’est le cas de 100 % des écoles maternelles des Bouches-du-Rhône, de Seine-Saint-Denis, à Paris, et de Gironde », relève le rapport.
Gare à la gentrification verte qui renforce les inégalités
Sur les 2 321 structures hospitalières que compte la France, 103 sont menacées de fermeture totale ou partielle en raison du dérèglement climatique. Investir dans l’adaptation de notre réseau ferroviaire est impératif pour éviter pannes et avaries. Faute de quoi, les pertes économiques pourraient aussi être colossales. RTE, le gestionnaire de réseau de transport d’électricité, chiffre à 100 milliards l’investissement pour adapter le réseau électrique à un réchauffement de 4 °C, et ce sans compter l’adaptation spécifique des centrales nucléaires.
Face à cela, Oxfam déplore que l’État n’agisse qu’« en réaction » aux catastrophes et sans vraiment se donner les moyens d’anticiper. Les moyens alloués à l’adaptation – dans les deux plans gouvernementaux d’adaptation – paraissent totalement dérisoires eu égard aux enjeux.
Alors qu’il faudrait investir « plusieurs dizaines de milliards par an » dans ce chantier – Oxfam reconnaît qu’un chiffrage plus précis n’est pas possible à ce stade –, l’État n’investit pour l’instant que 600 millions d’euros par an. Il continue aussi parallèlement à programmer des « investissements qui ne sont pas adaptés » ou qui aggravent le chaos climatique : soutien diplomatique aux entreprises d’énergie fossile, politiques contribuant à toujours plus d’artificialisation des sols, soutien à l’agro-industrie et absence de protection effective des aires marines protégées.
« Les investissements publics décidés aujourd’hui ne prennent absolument pas en compte le facteur adaptation. Les responsables politiques n’ont pas mis à jour leur logiciel et font comme si nous étions toujours dans les années 1990, comme s’ils n’avaient pas lu les rapports du Giec ni les recommandations du Haut Conseil pour le climat », affirme Quentin Ghesquière, chargé de plaidoyer et campagne climat à Oxfam France.
Une incurie qui n’expose pas tout le monde au même niveau de risque. Car « la vulnérabilité au changement climatique est démultipliée pour les personnes qui sont à l’intersection de plusieurs inégalités », note Oxfam, à savoir « les pauvres, les femmes, les personnes âgées, les groupes marginalisés ». Avec un droit du travail encore très flou sur ces sujets, les salariés du BTP et du secteur agricole sont particulièrement exposés.
Le rapport met d’ailleurs en garde contre ce qu’il nomme la « gentrification verte » qui exclut encore plus les ménages modestes. « La végétalisation des villes a un effet positif sur la valeur des biens immobiliers et entraîne donc le déplacement des populations précaires vers les périphéries non végétalisées, donc plus chaudes en été », note le rapport. Oxfam préconise donc sur ce point de multiplier les projets qui associent les habitants plutôt que des grands projets « destinés à faire l’objet de communication, du type “écoquartiers”, qui provoquent la gentrification rapide ».
La présentation du prochain plan d’adaptation au changement climatique du gouvernement, qui devait contenir une cinquantaine de mesures, est attendue depuis des mois. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique en sursis, n’a plus que quelques jours pour le présenter.
Lucie Delaporte