C’est une gifle infligée à la droite nationaliste et raciste en France. Mais le danger n’est pas écarté. Dans deux ans, il y aura des élections présidentielles. Ce serait grave si toute la gauche était alors une fois de plus obligée de se rassembler derrière un seul candidat, et si c’était le diable bourgeois avec sa grand-mère néolibérale. Et pire encore, si le candidat du RN passait quand même.
Fêter le succès d’une mobilisation impressionnante.
Avant de parler de cela, je voudrais d’abord célébrer ce succès. Même dans les championnats d’Europe de football, les équipes victorieuses sont d’abord joyeuses et exubérantes lorsqu’elles ont gagné. C’est seulement plus tard qu’elles réfléchissent à leurs faiblesses, celles qui pourraient les faire perdre la fois suivante. La défaite du RN est un immense soulagement et un encouragement pour des millions de victimes désignées de l’extrême droite : les migrant.e.s, les réfugié.e.s, les femmes, les personnes « différentes », les salarié.e.s. Ils le doivent à une impressionnante mobilisation de la base, qui a trouvé son expression politique dans la nouvelle alliance de la gauche. Cette alliance a à son tour contribué à réaliser une large unité dans l’action contre le danger de l’extrême droite.
À la télévision, on a eu droit auxhabituels courts micro-trottoirs dans la rue. À Paris, une jeune femme, noire, dit les choses en deux mots : « Macron a ouvert la voie à ces gens d’extrême droite avec sa politique néolibérale et antisociale ». C’est la vérité ! Il faut mettre fin à ces politiques éhontées dans l’intérêt du grand capital. Seule une orientation cohérente dans l’intérêt des exploités et des opprimés permet de couper l’herbe sous le pied de l’extrême droite. C’est pourquoi Macron, qui reste président, doit être remis à sa place.
Nouveau Front populaire et « vieille » social-démocratie
Le programme du Nouveau Front Populaire est à bien des égards moins radical que celui de l’Union de la Gauche qui avait porté le candidat du PS social-démocrate, Mitterrand, au pouvoir en 1981. Ce programme promettait notamment d’importantes nationalisations. À l’époque, les gens dansaient dans les rues de Paris. Il n’a pas fallu six mois pour que Mitterrand bascule vers une politique néolibérale. La montée de l’extrême droite s’est amorcée dans les années qui ont suivi.
Mais il y a aussi dans ce programme de nombreuses revendications qui vont au-delà de celles de l’Union de la gauche de l’époque : sur les droits des réfugiés et des migrant.e.s, sur la protection du climat, sur les droits des LBTGIQ+. Surtout, il promet le retrait de la contre-réforme des retraites et un impôt progressif sur le revenu et, de manière générale, une imposition beaucoup plus stricte des plus hauts revenus et des plus grandes fortunes. La France Insoumise (FI), avec son charismatique porte-parole Jean-Luc Mélenchon, est la force la plus importante du Nouveau Front populaire. Même s’il est un peu - ou plus qu’un peu - trop imbu de lui-même, son exigence que le nouveau gouvernement mette en œuvre le programme du Nouveau Front populaire est tout à fait justifiée.
Des compromis aideraient l’extrême droite
Car que se passerait-il sinon ? Des compromis avec les macronistes seraient la garantie d’un rebond de l’extrême droite. Kevin Kühnert, secrétaire général du SPD, parle chez nous à la télévision du fait que les Français devraient enfin apprendre à faire des compromis. Et il entend par là la soumission de l’alliance de gauche à la politique néolibérale et anti-sociale de Macron. Honte à toi, Kevin ! Est-ce que tu n’as pas été de gauche un jour ? Ne comprends-tu pas que ta proposition revient à faire gagner l’extrême droite ?
Au contraire ! Seule le maintien des projets de réforme du Nouveau Front populaire offre une chance de faire barrage à l’extrême droite. A cela s’ajoute la nécessité de maintenir la dynamique de mobilisation. La gauche doit dire : « Sans vous, nous ne pouvons rien imposer, descendez massivement dans la rue ! Élisez dans vos quartiers les »états généraux" prévus dans notre programme ! Il nous faut une nouvelle Constitution, comme le prévoit notre programme, une VIe République ! Et celle-ci doit être démocratique et sociale. Pas seulement l’abolition du scrutin majoritaire et du statut royal du président, mais aussi l’inscription des droits de l’homme et de l’égalité non seulement dans la loi, mais aussi dans la réalité.
En Allemagne, c’est de cela que nous devons discuter.
Bien, et que pouvons-nous faire en Allemagne ? Tout d’abord, nous avons besoin d’une grande consultation sur la manière de stopper l’extrême-droite. Les syndicats doivent y prendre une part décisive. Viennent s’y ajouter tous les mouvements sociaux qui visent à l’émancipation et toutes les forces de gauche. L’unité d’action contre la droite et l’auto-affirmation de la gauche révolutionnaire et socialiste dans cette unité sont les armes décisives contre le désespoir.
Manuel Kellner