Bung était membre du groupe d’opposition Thalu Wang, qui milite pour la modification de la loi thaïlandaise sur l’atteinte à la dignité royale (lèse-majesté), fréquemment utilisée pour punir quiconque est perçu comme diffamant, insultant ou menaçant la monarchie thaïlandaise.
Le 14 mai 2024, Bung a été victime d’un arrêt cardiaque et est décédée alors qu’elle était sous la responsabilité des services pénitentiaires, ce qui a suscité des questions sur la qualité des traitements qu’elle a reçus à ce moment critique avant d’être transférée de la prison à l’hôpital universitaire de Thammasat, dans la province de Pathum Thani.
La détention de Bung fait suite à sa condamnation à un mois de prison pour outrage à la cour le 26 janvier 2024. Ce même jour, la Cour avait rejeté sa demande de libération sous caution dans le cadre d’une autre affaire de lèse-majesté relative à une manifestation organisée en 2022, au cours de laquelle elle avait brandi une banderole dans un centre commercial de Bangkok, posant la question de savoir si les cortèges de véhicules de la Cour royale étaient ou non source de désagréments pour la population.
Cette décision met en lumière la sévérité et le caractère répressif des mesures prises à l’encontre des personnes qui font usage de leur liberté d’expression et de leur droit de manifester.
Utilisation de la loi sur la lèse-majesté contre les défenseurs des droits de l’homme et les voix critiques
Le 27 janvier 2024, à la suite de sa condamnation, Bung a entamé une grève de la faim partielle pour exiger des réformes du système judiciaire. Elle espérait que le gouvernement thaïlandais cesserait d’emprisonner les personnes qui expriment des opinions divergentes.
Ce n’est pas la première fois que des personnes accusées de crime de lèse-majesté décèdent en détention. Le 8 mai 2012, Amphon Tangnoppakhun est décédé quelques mois après sa condamnation à 20 ans de prison. Malgré la faiblesse des preuves, il a été reconnu coupable d’avoir envoyé des courriels irrespectueux envers la reine Sirikit.
La mort de Bung vient rappeler les conséquences tragiques et inhumaines de la loi sur la lèse-majesté ainsi que le mépris du gouvernement pour le droit des prisonniers politiques à la libération sous caution, y compris pour ceux qui n’ont pas été déclarés coupables en vertu d’un jugement définitif, mais qui osent contester ces méthodes.
Le gouvernement thaïlandais doit écouter les demandes de plus en plus nombreuses qui émanent de son propre peuple et de la communauté internationale, et abroger la loi sur la lèse-majesté.
Cette loi a été utilisée comme un outil politique pour réduire au silence les défenseurs des droits de l’homme et les personnes qui critiquent le gouvernement thaïlandais. En 2020, des manifestations massives réclamant des réformes de la monarchie ont éclaté en Thaïlande. Entre novembre 2020 et mai 2024, au moins 272 personnes ont été inculpées en vertu de la loi sur la lèse-majesté, selon le groupe thailandais « Lawyers for Human Rights ».
Avant même avant la mort de Bung, la loi sur la lèse-majesté était une menace permanente qui pesait sur le droit du peuple thaïlandais à exprimer ses opinions politiques. Le 14 mars 2024, un usager des médias sociaux a été condamné à 50 ans de prison pour avoir publié en ligne ses sentiments à l’égard de la monarchie. Sur les 18 publications en question sur les réseaux sociaux, 14 ont donné lieu à des accusations en vertu de la loi sur la lèse-majesté, tandis que quatre ont donné lieu à des accusations en vertu de la loi sur la criminalité informatique, qui permet aux autorités de fermer ou de supprimer des sites Web et des contenus illégaux ou inappropriés, exerçant ainsi un contrôle considérable sur le droit de la population à la liberté d’expression et à la liberté de l’Internet. Son application a conduit à une autocensure généralisée et à une diminution des discussions en ligne sur les questions « sensibles ». Le prévenu a été placé en détention provisoire pendant 144 jours avant de recevoir sa première condamnation par le tribunal d’instance. La peine a été réduite à 25 ans après que l’accusé a plaidé coupable.
Les détenus politiques qui n’ont pas été condamnés par un jugement définitif devraient se voir accorder le droit à la liberté sous caution.
Nous appelons les autorités thaïlandaises à soutenir la proposition de loi d’amnistie populaire, car il est essentiel que le gouvernement accorde l’amnistie aux personnes faisant l’objet de persécutions politiques pour avoir simplement exercé leur liberté d’expression et de réunion pacifique.
Nous encourageons également la communauté internationale à suivre les procès des défenseurs des droits de l’homme et des militants thaïlandais impliqués dans des affaires de lèse-majesté, afin de veiller à ce que leurs droits fondamentaux soient respectés.
Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
CIVICUS : World Alliance for Citizen Participation (CIVICUS)
Focus on the Global South
Front Line Defenders
Asia Democracy Network