© Mediapart À l’air libre
dwyEdwy Plenel reçoit Adam Shatz, éditeur aux États-Unis de la London Review of Books, auteur de Frantz Fanon. Une vie en révolutions, publié aux éditions La Découverte. Ce livre déploie l’actualité et la vitalité de l’œuvre-vie de cette haute figure de la lutte contre les aliénations et dominations, depuis l’expérience douloureuse du colonialisme.
« Il ne faut pas essayer de fixer l’homme, puisque son destin est d’être lâché » : de la Martinique à l’Afrique, du combat contre le nazisme au sein de la France libre à la lutte contre le colonialisme avec la cause de l’indépendance algérienne, la vie de Frantz Fanon fut conforme à cette recommandation de son premier livre Peau noire, masques blancs paru en 1952, qui se conclut par ces mots : « Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! »
Leur font écho ces autres lignes qui terminent son livre ultime, le célèbre Les Damnés de la terre (1961), dans un appel à quitter l’Europe pour la raison que voici : « Cette Europe qui jamais ne cessa de parler de l’homme, jamais de proclamer qu’elle n’était inquiète que de l’homme, nous savons aujourd’hui de quelles souffrances l’humanité a payé chacune des victoires de son esprit. »
Mort d’une leucémie à 36 ans, le 6 décembre 1961, ce Martiniquais s’est inscrit dans le sillage de son compatriote Aimé Césaire, auteur du Discours sur le colonialisme (1950), tout en subvertissant son héritage par sa projection sur le monde entier. Frantz Fanon agissait, pensait et écrivait d’un même mouvement, avec comme ancrage sa pratique de clinicien, en psychiatre novateur dévoilant les ressorts des aliénations et traquant les pathologies nées des dominations.
Le livre d’Adam Shatz offre un regard neuf et kaléidoscopique sur le parcours et la pensée de cet homme libre dont les interrogations tragiques continuent d’interpeller, ô combien, notre monde d’aujourd’hui, ses injustices et ses oppressions. Cet entretien est assorti d’extraits du film de Mehdi Lallaoui, Sur les traces de Frantz Fanon, toujours disponible sur Mediapart.
Edwy Plenel, Adam Shatz