Cette année, KSSQ avait lancé l’idée de cesser partout le travail à 11h45 et d’organiser des actions et initiatives actions contre le racisme et les agissements de l’extrême droite. Les plus grandes usines de la métallurgie s’y sont jointes sous la forme d’une action soutenue conjointement par les comités d’entreprise, les délégués syndicaux d’IG Metall et les directions des entreprises.. Chez Ford, une table ronde de discussion entre le comité d’entreprise et la direction a été diffusée partout en vidéo tandis que la production était à l’arrêt. Chez Deutz, une grande partie du personnel s’est rassemblée devant les halls d’usine et a formé les lettres « Art. 1 GG » (« la dignité de l’homme est intangible » premier article de la Loi fondamentale de la RFA ndt), filmée d’en haut par un drone. Chez Atlas-Copco, les salarié.e.s se sont assemblés de façon à former le mot « Respect ». Dans de nombreuses petites entreprises, des réunions sur place ou des discussions en vidéo ont été organisées.
Dans de nombreuses administrations de la ville, ainsi qu’au grand complexe événementiel Lanxess Arena, les employé.e.s ont pu poser des congés pour participer aux actions. Le maire a prononcé un discours diffusé ou distribué partout. De nombreuses écoles sont sorties dans la rue avec leurs propres pancartes et banderoles. Le comité qui fédère les associations qui organisent le carnaval a soutenu publiquement, tout comme les clubs de football FC Köln et Viktoria Köln. Les organisateurs du carnaval ont installé une énorme effigie du paysan de Cologne - symbole des protestations carnavalesques - pour décorer la scène.
Sur différentes places de Cologne, quinze minutes avant midi, des initiatives ont été prises par des restaurants, brasseries ou bars et par des clubs. Les différents groupes politiques qui siègent au conseil municipal se sont rassemblés devant l’hôtel de ville. Certains théâtres ont proposé des spectacles gratuits.
Pour celles et ceux qui n’ont pas pu participer aux actions à l’heure du déjeuner et pour qui en demandait encore, une marche en étoile a été organisée l’après-midi. Des cortèges aux orientations thématiques différentes sont partis de cinq points de rassemblement pour aboutir à une manifestation finale commune à la « Bastei »(bastille) sur les rives du Rhin. Il y a eu des manifestations organisées pour les migrant.e.s, par « Köln-gegen-Rechts » (Cologne contre la droite), par les différentes coordinations de la rive droite du Rhin ainsi que par le milieu des bars, restos et clubs alternatifs. Les appels à la marche en étoile ont été lancés, comme c’est souvent le cas à Cologne, par tout ce qui structure la vie de la collectivité urbaine, les partis politiques, les églises et les associations actives autour du carnaval.
Étant donnée l’ampleur de la mobilisation et les nombreuses initiatives qui avaient pris place à midi, la marche en étoile du soir avait perdu un peu de son souffle. Il n’y avait pas les 70 000 personnes qui s’étaient rassemblées à Cologne il y a quelques semaines pour la même raison, mais selon mes estimations seulement environ 3000. Mais dans l’ensemble, l’ambiance était bonne et cette journée d’action réussie a trouvé une conclusion heureuse dans une impressionnante mer de lumières à la lampe de poche.
Cette initiative pour faire pénétrer les protestations contre l’extrême droite au plus profond de la société, dans les entreprises, les écoles et tout ce qui fait le cadre de la vie quotidienne est très importante et doit absolument trouver une suite. On avait là un large cadre d’unité d’action sur tout le territoire, dans laquelle les directions d’entreprises, les syndicats, les églises et les organisations qui structurent la contestation sociale ont collaboré. Cela ne peut certainement pas être reproduit systématiquement et sur n’importe quelle question.
Pour combattre l’extrême droite, le seul remède politique c’est à gauche toute - on le verra très vite, comme par le passé. Le projet d’une société solidaire, une planification économique socialiste sont des conditions préalables si l’on veut pouvoir opposer une politique de l’espoir à la politique de la peur, la recette traditionnelle pour la droite. Cela ne fonctionnera pas durablement avec une communauté d’action des syndicats et du capital, des partis de gauche et des représentants bourgeois du gouvernement. Une telle alliance entre syndicats et capital, entre partis de gauche et notables qui représentent localement le gouvernement de la bourgeoisie ne pourra pas fonctionner durablement. Nous avons absolument besoin d’une indépendance politique pour être en mesure d’opposer sur le long terme notre résistance aux théories et propositions politiques de la droite radicale.
Mais le président du DGB de Cologne, Witich Rossmann, avait certainement aussi raison lorsqu’il a souligné hier, lors de son discours le soir à la manifestation, que c’est à Cologne, le 4 janvier 1933, que les principaux représentants du capital allemand ont décidé de permettre à Hitler d’accéder au pouvoir, et qu’il est d’autant plus important aujourd’hui de faire en sorte que ces représentants de la classe dirigeante soient eux aussi impliqués dans les actions contre l’extrême droite pour leur rendre la répétition de ces crimes aussi difficile que possible.
Thies Gleiss, Cologne