A sa compagne Maria Rosaria et à sa famille, nous exprimons toute la solidarité et l’affection de notre organisation.
Pasquale, d’origine calabraise, est né en 1964 et a fêté ses 59 ans il y a quelques mois ; il avait rencontré quelques ennuis de santé dans le passé, mais il les avait très bien surmontés et ces derniers mois, arrivé lui aussi à la retraite, sans abandonner son engagement militant, il s’était montré plus attentif et incisif que jamais dans la construction de la nouvelle résistance ouvrière aux restructurations mises en œuvre par la grande multinationale et dans la nouvelle mobilisation sociale et syndicale engagée pour empêcher la fermeture définitive de l’usine historique de Mirafiori.
Pourtant, subitement, samedi matin, confronté à l’apparition simultanée de deux pathologies, son cœur n’a pas supporté, plongeant dans le stupeur et le désespoir sa compagne, ses nombreux amis et camarades, son organisation syndicale, la Fiom de Turin et son organisation politique, Sinistra Anticapitalista, mais aussi les camarades de Rifondazione, organisation dans laquelle il avait milité jusqu’en 2007, année de la naissance de notre organisation.
Une perte irréparable à laquelle, une journée après, personne ne veut encore croire, celle d’un militant de classe généreux, ouvert et compétent, irremplaçable de par son savoir-faire en matière de construction de mobilisations larges sur le lieu de travail.
Le samedi 10 février encore, lors de la réouverture du local de notre organisation, il nous racontait en détail avec quelles difficultés, mais de quelle manière il avait été possible de réussir à ce que les travailleuses et les travailleurs de Mirafiori se relancent dans une grève partie de la base et sortent ensuite deux jours de suite dans la rue pour manifester à l’extérieur de l’usine.
Pasquale était entré chez Fiat en 1987, lors de la reprise du recrutement après la défaite dramatique subie par le mouvement ouvrier à l’automne 1980, marquée par le licenciement de 22.000 travailleurs et les longues années de stagnation syndicale ; Il avait ensuite eu l’occasion de forger son expérience dans les luttes du début des années 1990, dans les combats contre le démantèlement de l’échelle mobile de salaires, dans l’opposition à la concertation, puis dans la reconstitution, vers la fin des années 90, de l’orientation de classe et de lutte de la Fiom, positionnée à gauche de la direction confédérale de la CGIL. Il était devenu délégué de la FIOM en 1997 et, depuis cette position, il avait animé les luttes victorieuses du début des années 2000 qui avaient empêché la fermeture de Mirafiori, ce qui était désormais dans les intentions du groupe de direction de Fiat, c’est-à-dire de la famille Agnelli. Il avait ensuite été l’un des principaux acteurs des batailles menées par la Fiom pour rejeter les accords contractuels perdants conclus par la FIM et l’UILM et pour établir des contrats alternatifs dans le cadre d’une alternative syndicale de classe.
Il avait une profonde connaissance de l’organisation du travail, il se montrait très attentif à l’évolution des procédés de production afin de déjouer toutes les tentatives patronales pour augmenter les rythmes et la charge de travail, développant ainsi la résistance ouvrière.
Avec l’arrivée de Marchionne et son offensive brutale contre les acquis de la classe ouvrière de Fiat, il avait été, comme l’écrivait le secrétaire provincial de la FIOM : « l’un des principaux animateurs et promoteurs du comité pour le non au référendum de Mirafiori, avec les autres délégués et délégués de la FIOM, déterminant dans la préservation de la capacité d’action de l’organisation chez Fiat, jusqu’à la sentence de la Cour constitutionnelle qui a entériné la réintégration de la FIOM dans le groupe Fiat ».
Mais Pasquale n’était pas seulement un cadre syndical de classe, il était aussi un cadre politique à part entière, un militant révolutionnaire qui inscrivait son action dans une perspective alternative au capitalisme, un militant anticapitaliste et communiste, attaché à développer l’auto-organisation démocratique et le pouvoir de la classe travailleuse.
C’est dans cet esprit qu’il avait d’abord milité au PCI, n’hésitant pas ensuite à s’engager dans la construction du Parti de la Refondation Communiste en 1993, un militantisme marqué par la continuité du choix politique rigoureux du refus de tout repli, de toute subordination aux logiques institutionnelles et de toute forme de collaboration de classe ; il s’est opposé ensuite à la scission organisée par Cossutta (en 1998 ndt) et, au début des années 2000, s’est positionné résolument à gauche dans les débats internes de Rifondazione, . C’est dans ce cadre qu’il s’est opposé à l’alliance gouvernementale avec le centre-gauche de Prodi, en participant à la bataille du congrès de 2005 avec la motion qui a pris le nom de Sinistra critica (Gauche critique), soutenue d’ailleurs par l’écrasante majorité du cercle Mirafiori, nombreux et actif. Ce même cercle avec lequel, au premier rang, il combattra ensuite en 2006-2007 les choix de retour en arrière de la direction de Rifondazione , en soutenant ceux qui, au sein de la direction du parti et au Parlement, se sont opposés à ces orientations de subordination aux forces de la bourgeoisie. Cet engagement l’amènera à participer en 2007 à la construction d’une nouvelle organisation politique, d’abord appelée Sinistra Critica puis Sinistra Anticapitalista. Pasquale a entrepris ce travail de construction de notre organisation en étant toujours très attentif et déterminé à maintenir le positionnement sur lequel se fonde notre démarche : la conviction de la justesse de nos orientations programmatiques de base, mais aussi une grande disponibilité pour travailler de façon unitaire avec d’autres forces politiques et sociales de classe. Dans les années suivantes, il aura été candidat à des élections pour Sinistra Anticapitalista, même si son activité principale est toujours restée l’action syndicale et sociale sur le lieu de travail.
C’est pourquoi, même dans les débats internes à la FIOM et à la CGIL, quand certains dirigeants syndicaux ont abandonné une position d’opposition à la direction modérée de la CGIL, il n’a pas eu de doutes quant à la nécessité de contribuer à la formation du courant de gauche au sein de la Confédération, mais aussi au sein de la Fiom elle-même, appelé « Être un syndicat » (aujourd’hui, « les racines du syndicat »).
Une position minoritaire qui n’a jamais empêché Pasquale de travailler de manière unitaire et intense avec tou.te.s les autres camarades et au sein des instances de la FIOM, car il a toujours bénéficié d’une grande estime pour ses qualités et sa générosité qui, aujourd’hui encore, ont été soulignées par tou.te.s ceux et celles qui ont collaboré avec lui. « Il n’y a pas de mots pour exprimer notre gratitude à ton égard, tu étais un militant extraordinaire, un combattant généreux et honnête. Tu as toujours donné la priorité à ceux que tu représentais ; pour nous, tu resteras un exemple à suivre. On t’aime Pasquale », a écrit Edi Lazzi, secrétaire provincial de la FIOM.
Pour notre organisation politique, la disparition de Pasquale est une perte humaine inexprimable et irremplaçable, c’est une perte terrible qui pès sur notre capacité de travail collectif non seulement en direction de Mirafiori, mais plus généralement en direction de toutes les usines de la région de Turin.
Ces dernières semaines encore, nous avions discuté avec lui à plusieurs reprises des moyens nécessaires pour aider à réorganiser les luttes dans cette nouvelle phase politique difficile, mais aussi et surtout pour aider les militants syndicaux les plus combatifs à se doter de tous les outils politiques nécessaires pour affronter dans les meilleures conditions possibles la lutte contre les multinationales et contre ce gouvernement réactionnaire, mais aussi pour faire échec aux dynamiques bureaucratiques dans les appareils et plus généralement pour maintenir vivante une perspective alternative anticapitaliste à la barbarie que les classes dominantes nous proposent sur le plan social et environnemental, et aux nouveaux horizons guerriers.
Il sera difficile de le faire, d’être à la hauteur, mais Pasquale aurait certainement voulu que ce travail soit fait. Nous devons donc le faire, sans lui et donc avec plus de difficultés et peut-être moins de succès, mais nous devons le faire parce qu’il est juste de le faire et de continuer le travail collectif de cet ami et camarade que nous n’oublierons pas et que nous remercions pour tout ce qu’il a fait pour notre classe.
Le Cercle de Turin de Sinistra Anticapitalista
– Ici on n’a pas de pauses
– C’est une blague ? Lundi grève !