C’est encore dans ce sens que vont les dernières mesures du gouvernement en faveur des entrepreneurs, petits et grands, et les déclarations de Meloni, qui a réaffirmé sa « conception du monde » par une phrase lapidaire : « Si vous ne voulez pas travailler, vous ne pouvez pas espérer être entretenus avec l’argent de ceux qui travaillent tous les jours ». Dans notre pays, il y a 5 à 6 millions de pauvres.
En d’autres termes, « si vous êtes pauvre, c’est de votre faute ». Il se trouve que c’est ainsi que les patrons ont présenté la pauvreté, produite par leur système économique, depuis la naissance du capitalisme jusqu’à aujourd’hui, afin de se décharger de toute responsabilité et de blâmer ceux qui se trouvent exploités et opprimés en marge de la société et de mettre en opposition ceux qui n’ont pas de travail et ceux qui en ont un, mais avec des salaires de misère.
Ne plus perdre de temps
Contre ce gouvernement, contre les forces politiques fascisantes qui le composent, le seul antidote pour le contrer efficacement est de mettre en œuvre une mobilisation sociale de masse pour défendre les salaires, les pensions, les emplois et tous les droits sociaux et politiques, pour unir cette classe sociale que les capitalistes et les gouvernants veulent diviser et fragmenter.
C’est une tâche qui incombe à toutes les forces politiques et sociales de gauche, mais pour des raisons évidentes de force organisationnelle et de représentation des travailleurs, elle concerne, en premier lieu, les grandes organisations syndicales. Soyons clairs : les syndicats de base font, avec leurs initiatives, un travail important, même s’ils sont parfois affaiblis par leurs divisions, et en organisant des militants combatifs et de classe, mais leur taille ne leur permet pas de peser suffisamment sur l’évolution des rapports de force globaux.
C’est pourquoi un accent particulier doit être mis sur la responsabilité de la CGIL, parce qu’elle est la principale organisation de masse du pays et parce qu’elle se prétend encore un syndicat de classe, capable de porter l’ensemble des revendications de toutes les catégories de travailleurs.
Seulement, ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées l’année dernière ; pendant des mois, les directions des grandes organisations ont adopté une attitude attentiste, d’« observation » de la politique du gouvernement, alors que son caractère anti-ouvrier était parfaitement clair ; ce n’est qu’à la fin de l’automne que la CGIL et l’UIL ont appelé à une mobilisation hésitante et à une grève, qui à ce moment-là n’était pas facile à mettre en œuvre. En fait, il s’agit d’un immobilisme coupable, masqué par des dénonciations propagandistes, dans le but d’arriver à une table de négociation que le gouvernement n’hésite pas à dédaigner.
Et il continue dans la même voie. Encore ces derniers jours, les « cris » contre la loi sur l’autonomie différenciée ont été forts, Landini en tête : « Plus de disparités et d’inégalités, moins de droits pour les travailleurs et les retraités.... nous nous y opposerons avec tous les instruments que la démocratie met à notre disposition, pour empêcher le gouvernement de diviser le pays et d’en compromettre l’avenir ». Le secrétaire de la CGIL, dans une interview à La Repubblica, énumère très précisément tous les méfaits du gouvernement, sur le « salaire équitable » et les cages salariales, sur les contrats, l’inflation, l’emploi et la pauvreté, les politiques industrielles et les privatisations, en invitant péremptoirement le gouvernement à « s’arrêter » (......)
Il est bon de rappeler le vieil adage : « Ils m’en ont beaucoup donné, mais je leur en ai dit tellement ».
Malheureusement, cette situation de dénonciation des politiques gouvernementales sans avoir la force matérielle de construire une résistance efficace affecte l’ensemble des forces politiques et sociales de la gauche et la classe ouvrière dans son ensemble. Mais une responsabilité particulière incombe à la CGIL qui assure encore la représentation et l’organisation de millions de travailleurs.
Le débat à l’Assemblée de la CGIL
La récente Assemblée générale de la CGIL a connu une discussion difficile avec le report de décisions tant politiques que pratiques. D’une certaine manière, elle a dû reconnaître que les mobilisations et les grèves de novembre n’ont pas été d’une grande utilité, notamment parce qu’elles ont été lancées tardivement, mal préparées et dans une perspective politique qui visait davantage la simple démonstration de l’existence du syndicat et de ses structures qu’une véritable continuité dans la lutte. De plus, même ces jours-ci, ce qui ressort le plus est la demande rebattue adressée au gouvernement de répondre aux revendications des syndicats et non une voie cohérente de reconstruction de la force du mouvement de masse.
Lors de l’assemblée, on a surtout discuté de tous les choix de référendum envisageables pour l’abrogation d’une série de lois antisociales et libérales, notamment celles sur le travail précaire. Les thèmes et les formulations proposés étaient nombreux, bien trop nombreux, pour pouvoir concentrer la bataille sur des objectifs qui pourraient être compris à un niveau de masse et donc maîtrisés de manière efficace. De plus, les référendums qui ne sont pas liés à une plate-forme de revendications et de luttes plus immédiates risquent d’avoir lieu en l’absence d’un contexte social stimulant. C’est pourquoi il est nécessaire de définir immédiatement le contenu de la bataille pour les salaires et l’emploi.
Le petit cadeau ponctuel accordé par le gouvernement à la fin de l’année avec le projet de loi de finances n’a certainement pas résolu les problèmes de millions de travailleurs aux prises avec une inflation qui, au cours des deux dernières années, a frôlé les 20 %.
Dans le même temps, les problèmes d’emploi causés par les restructurations et les délocalisations d’entreprises sont bien présents, et le gouvernement « souverainiste », tout autant que ses prédécesseurs, refuse d’utiliser les instruments de l’intervention publique pour les résoudre, préférant à chaque fois se contenter d’attendre qu’une nouvelle entité privée se mette en place. En revanche, il relance le bradage des actifs publics, à commencer par la poste, pour faire rentrer de l’argent. Dans les caisses.
Les grandes crises industrielles. Emploi et salaires
Les grandes crises industrielles ont atteignent leur paroxysme dans le secteur sidérurgique et dans celui de l’automobile, plus précisément chez Stellantis et dans les grandes entreprises qui lui sont liées, mais elles touchent également des centaines d’autres usines. Quelque 300 000 travailleurs et 300 000 familles sont concernés.
La mobilisation combative, militante et engagée de CKN contre les délocalisations et pour l’ouverture d’une nouvelle forme d’intervention publique par la planification de la réorientation de la production vers la transition écologique, aurait pu être l’occasion pour les directions syndicales de mettre en relation toutes les entreprises impliquées dans les restructurations, en dépassant la gestion perdante de la crise au cas par cas, avec l’objectif explicite de relancer l’action publique en lien avec la participation et le contrôle des travailleurs.
Il est clair pour tout le monde que les directions syndicales n’ont pas voulu s’engager dans cette voie. Ce n’est pas leur horizon.
Il n’en reste pas moins que si l’on veut sortir du bourbier dans lequel le mouvement syndical et la classe ouvrière se sont fourvoyés, il faut organiser une bataille sur le renouvellement des contrats de travail arrivés à échéance coordonnée avec la défense de l’emploi, ce qui ne peut que remettre sur la table la question des nationalisations, et même celle de l’échelle mobile des salaires. Personne ne pense que ce sera facile : il faut des discussions importantes dans les assemblées, mais il faut aussi que soit perçue la volonté des directions syndicales, et en particulier de la CGIL, de prendre les choses au sérieux et d’en finir avec la soumission.
Contre toutes les formes d’autonomie différenciée
Telle est la seule voie qui puisse nous conduire, avec une force et une crédibilité suffisantes dans l’opinion publique, à la bataille essentielle, celle contre la loi sur l’autonomie différenciée, une loi qui vise à diviser sous toutes ses formes les classes laborieuses, sur les salaires, sur l’emploi, sur l’accès à l’aide sociale, sur les droits. A ce stade, il semble incontournable de devoir passer par un référendum révocatoire pour l’arrêter et éviter le désastre. Mais pour réussir à gagner, ce qui est absolument nécessaire, il faut dès maintenant une formidable mobilisation sociale sur des questions bien définies.
Meloni et consorts ne le disent pas ouvertement, mais ils savent que la classe ouvrière est leur seul véritable ennemi, le spectre qu’ils craignent, la force qui peut briser leur trajectoire. Travaillons à la relance de la lutte de masse de la classe ouvrière pour chasser ce gouvernement fascisto-salvino-meloniste.
Franco Turigliatto, Sinistra anticapitalista