Il y a également des tentatives d’intimidation envers ceux et celles qui lèvent leurs voix contre les bombardements, par le biais des discours réalisant un amalgame entre le soutien au peuple Palestinien d’une part, le « terrorisme » et l’antisémitisme d’autre part. Les médias traitent chaque manifestation comme étant « pro-Hamas » et ne font pas distinction entre les actions pour les Palestiniens et des actes antisémites. Une campagne d’intimidation contre ceux et celles qui signent des appels pro-Palestine a été mise en place. Un cas très médiatisé s’est déroulé à l’université de Harvard lorsque de gros donateurs ont menacé les étudiant·es qui ont signé une déclaration pro-Palestine d’être mis sur une liste noire pour bloquer leurs futurs emplois.
On constate une évolution dans certaines franges de la population, y compris les jeunes juifs et juives, vers des sentiments plus pro-Palestine, ou au moins plus critiques du traitement des Palestinien·nes par Israël et les colons de Cisjordanie, depuis quelques années, mais le contexte est principalement marqué par le fait que le sentiment majoritaire de la population penchait vers Israël dans les jours suivant l’attaque d’Hamas du 7 octobre. Selon des sondages fiables réalisés entre le 14 et 17 octobre, seulement 18 % de la population considérait la riposte massive d’Israël contre Gaza comme excessive.
Mais, selon des sondages plus récents, il y a des signes selon lesquels, au fur et à mesure que les bombardements et tueries des civils, et surtout d’enfants, les attaques contre les hôpitaux et centres de réfugiés continuent, et que le nombre des morts grandit quotidiennement, un espace semble s’ouvrir pour l’expression de la solidarité avec les Palestinien·nes et pour remettre en cause la politique pro-israélienne des États-Unis. On voit cette tendance dans les universités, les syndicats, et des coordinations locales et nationales.
La question de la Palestine était souvent esquivée dans les organisations étudiantes dans les universités sous le prétexte « d’unité », mais dernièrement on voit des activités pro-Palestine dans les universités, comme la manifestation de mille personnes et une brève occupation des bureaux à l’Université du Michigan le 25 octobre, ainsi que des manifestations dans des lycées, notamment en Californie.
Dans les jours qui ont suivi l’attaque d’Hamas et la coupure de l’eau et de l’électricité, ainsi que le début des bombardements de Gaza, il y avait peu d’activité syndicale publique pro-Palestine. La direction conservatrice de la centrale syndicale, l’AFL-CIO, et des gros syndicats comme le NEA (enseignant·es des écoles primaires), tentaient de supprimer toute activité syndicale pro-Palestine. Mais quelques syndicats comme celui des travailleurs des supermarchés, l’United Food and Commercial Workers (UFCW), l’UE (secteur électrique) et Starbuck Workers United ont récemment signé une déclaration en faveur d’un cessez-le-feu immédiat, pour l’aide humanitaire au Gaza, pour la libération immédiate des otages tenus par l’Hamas, et pour que Biden exerce une pression sur Israël pour un cessez-le-feu.
Il manque jusqu’à maintenant des coordinations larges de solidarité avec le Palestine à l’échelle nationale, mais l’appel pour une manifestions nationale du 4 novembre à Washington, où on attendait jusqu’à 30 000 mille manifestant·es sous le mot d’ordre de cessez-le feu immédiat, signé par des groupes Palestiniens et arabes, ainsi que par le groupe Voix juives pour la paix (JVP) [1] est un pas avant encourageant pour la construction d’un mouvement de masse en solidarité avec le peuple palestinien.
KAY MANN
• Inprecor numéro 714 (novembre 2023). 8 NOVEMBRE 2023 :
https://inprecor.fr/node/3733
Janvier 2024 : USA / Palestine : les appels pour un cessez-le-feu se multiplient, Biden s’isole
Vue aérienne du rassemblement organisé, ce samedi 13 janvier 2024, par des dizaines de milliers de personnes brandissant des banderoles et des drapeaux palestiniens sur la Freedom Plaza. Les manifestants demandent un cessez-le-feu immédiat à Gaza (Mostafa Bassim - Anadolu Agency)
Plus de deux mois et demi après l’assaut meurtrier sur Gaza par d’Israël, le soutien porté par Biden et son secrétaire d’État (équivalent d’un ministre des Affaires étrangères), Blinken à la politique de Netanyahou commence à choquer sa propre base de soutien électorale, moins d’un an avant les élections présidentielles.
L’accusation de génocide contre Israël portée par Afrique du sud pèse, et les jeunes et les américain·es d’origine arabe sont particulièrement écœuré par la caution de Biden à Netanyahiu. La campagne d’intimidation contre tout·e opposant·e à la guerre à Gaza, par des d’antisémitisme a conduit à la démission des présidents de grandes universités comme Harvard et Princeton, parce qu’ils ont été considérés comme antisémites pour n’avoir pas fait assez pour supprimer les manifestations pro-Palestine dans les universités !
Même si la pression pour faire taire toute opposition à l’assaut meurtrier israélien continue, les voix se lèvent pour un cessez-le-feu. Une manifestation pro-Palestine à Washington, organisée par une coalition des groupes pro-Palestine, le groupe Voix juive pour la paix (JVP), et la coalition ANSAR a rassemblé 400.000 personnes le 13 janvier.
De plus en plus de syndicats ont voté des déclarations en faveur d’un cessez-le-feu immédiat. C’est le cas du syndicat des travailleurs/ses de l’automobile, avec ses 400.000 membres actifs et ses 580.000 retraité·es. L’UAW établira aussi un groupe de travail sur la Palestine. Cette prise de position réprésente une volte-face historique de l’UAW.
D’autres syndicats, dont le syndicat de la poste, le syndicat de secteur électrique (UE), le syndicat des infirmières de Californie et le syndicat des enseignants de Chicago (CTU) – qui a également préparé des tracts de formation sur les origines du conflit – ont voté des déclarations pour un cessez-le-feu immédiat. Des conseils municipaux, notamment ceux d’Oakland et San Francisco (Californie), ont aussi voté des déclarations pour un cessez-le-feu.
Au fur et mesure que les images d’une Gaza détruite continuent à passer sur les écrans, que les chiffres des civils tué·es montent et que la possibilité d’une guerre régionale augmente, l’image d’Israël comme phare démocratique au Moyen-Orient est démasquée. On peut s’attendre à une opposition croissante à la politique pro-Israël étatsunienne.
KAY MANN
• Inprecor 19 janvier 2024 :
https://inprecor.fr/node/3733