PROVISOIRE 1
PROJET D’AVIS de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la politique des consommateurs à l’intention de la commission de l’industrie, du commerce extérieur, de la recherche et de l’énergie sur la communication de la Commission au Parlement et au Conseil sur le poids du passé nucléaire provenant des activités exécutées par le CCR dans le cadre du Traité Euratom - démantèlement des installations nucléaires obsolètes et gestion des déchets.
(COM(1999)114 - C5-0214/99 - 1999/2169 (COS))
Rapporteur pour avis : Roseline Vachetta
PROCÉDURE
Au cours de sa réunion du 22 février 2000, la commission de l’environnement, de la santé publique et de la politique des consommateurs a nommé Roseline Vachetta rapporteur pour avis.
Au cours de ses réunions des 4 avril et 17 avril 2000 elle a examiné le projet d’avis.
Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté les conclusions ci-après par ... voix contre ... et ... abstention(s)/à l’unanimité.
Étaient présents au moment du vote ... (président(e)/président(e) f.f.), ... (vice-président(e), ...vice-président(e)), ... (rapporteur pour avis), ..., ... (suppléant ...), ... (suppléant ... conformément à l’article 153, paragraphe 2, du règlement), ... et ... .
JUSTIFICATION SUCCINCTE
La communication de la Commission du 17 mars 1999 présente un plan d’action pour le démantèlement des installations nucléaires obsolètes du Centre Commun de Recherches Nucléaires (CCR) et la gestion des déchets. Ce faisant, elle introduit un certain nombre de problèmes de portée plus générale - des questions qui concernent à l’évidence le secteur de l’énergie nucléaire dans son ensemble et qui méritent aussi d’être relevées à ce titre.
I. REFLEXIONS GENERALES
La Commission note que certaines installations du CCR sont arrêtées depuis plus de vingt ans et s’avèrent, pour la plupart, obsolètes. Elle veut engager plus rapidement que prévu leur démantèlement afin, notamment, de réduire les coûts générés par leur maintien dans un état de sûreté. Elle amorce ainsi un programme qui devrait ultérieurement concerner les autres établissements du CCR, aujourd’hui encore en activité.
1. Une démarche globale. L’objectif final des activités prévues par le programme d’action est la réutilisation des terrains et des bâtiments à des usages non nucléaires (p. 2). « La Commission européenne entend donc aborder de manière globale et approfondie le démantèlement des installations obsolètes et la gestion des déchets générés depuis les années 1960. »
Cette démarche globale doit être soutenue. Elle répond (tardivement) à une urgence politique de l’heure. L’intitulé de la communication (« Poids du passé nucléaire ») et la question sur laquelle se conclut sa partie introductive (« comment faire face aux contraintes inéluctables issues du passé ») ne valent évidemment pas que pour le CCR. Une génération entière de centrales et d’installations nucléaires diverses, en Europe, touche à son terme. Le démantèlement et la gestion des déchets s’imposent ainsi comme des échéances majeures, présentes, pour l’Union européenne.
2. Euratom et CEEA. La Commission rappelle d’entrée (p. 2) que « Le Traité Euratom, signé en 1957, stipule que la mission de la Communauté européenne de l’Energie atomique est de contribuer (...) à la formation et à la croissance rapide des industries nucléaires. » Or, l’heure est au démantèlement des installations de ce secteur industriel. De plus, le « poids du passé nucléaire » est déjà tel, et il perdurera pendant une période si longue, qu’il serait irresponsable de l’accroître encore en contribuant à la croissance d’une nouvelle génération de centrales. Le déclin de l’industrie nucléaire est d’ailleurs d’ores et déjà manifeste en Europe. Le Traité Euratom et la mission dont la CEEA a été dotée sont eux-mêmes devenus « obsolètes ».
Nous avons aujourd’hui besoin d’un nouveau cadre légal de référence et de nouvelles institutions pour répondre aux exigences de la période à venir.
3. La recherche. La Commission fait preuve d’optimisme en ce qui concerne la connaissance présente et l’expertise accumulée en matière de démantèlement des installations ou de gestion des déchets nucléaires. Elle reconnaît cependant « le manque d’expérience à l’échelle industrielle en ce qui concerne le démantèlement des installations nucléaires » (p. 7).
Brennilis est, en France, la première centrale dont le démantèlement a été engagé. Cette « opération pilote » s’avère déjà fort complexe alors qu’elle ne porte que sur une petite centrale de 70 MW et que la prochaine étape concerne Superphénix, un surgénérateur de 1200 MW. L’expérience en la matière n’est effectivement encore qu’embryonnaire, ce qu’oublie le projet de résolution de la commission Industrie quand il demande à la Commission de s’inspirer « des règles et pratiques appliquées dans les Etats membres ».
Quant aux déchets, la volonté d’une part de « recycler » librement dans la production ceux dont la radioactivité est la plus basse et, d’autre part, d’enfouir en profondeur ceux dont la radioactivité est la plus haute équivaut à un aveu d’échec : en réalité, on ne sait toujours pas les traiter de façon à les rendre inoffensifs.
Il vaut mieux évaluer sobrement l’état réel de nos connaissances et expertises. L’urgence est en effet de faire basculer les efforts de recherche en les concentrant sur les problèmes posés par le démantèlement et les déchets (et non pas, comme c’est encore largement le cas, sur la mise au point de nouveaux réacteurs qui ne devraient pas voir le jour).
4. Les coûts. La Commission note (p. 3) qu’« aucune provision budgétaire n’est et n’a été constituée en vue d’assurer le démantèlement des installations et la gestion des déchets jusqu’à leur stockage définitif : les coûts réels de gestion des installations du CCR n’ont pu être internalisés (...) Une situation similaire se rencontre dans presque tous les Etats membres » ; situation qui n’a commencé à changer que récemment. Le CCR a vendu ses produits et services à « coût marginal » et à « coût minimal ». De même, le projet de résolution de la commission Industrie constate « que les installations nucléaires concernées ont été construites et exploitées pour apporter un soutien direct à l’industrie nucléaire qui pouvait exploiter gratuitement les résultats ».
Voilà qui soulève un problème général et un problème spécifique.
– La comparaison du coût de la production d’électricité selon les sources a - et ce fut un choix politique - été systématiquement faussée ; et ce, d’autant plus que l’industrie nucléaire est celle où le coût relatif du démantèlement et de la gestion à très long terme des sites et déchets est de loin le plus considérable.
– Ce n’est que maintenant que le coût du démantèlement et de la gestion des déchets des installations du CCR commence à être évalué (450 ME d’ici à 2025 selon la Commission) ; une évaluation qui reste aléatoire pour diverses raisons. Le financement de ce programme n’a pas été antérieurement défini. Le projet de résolution de la commission Industrie insiste pour qu’il ne soit pas imputé au budget de la recherche. Mais il faut combler aujourd’hui le vide laissé par les oublis volontaires d’hier : le nucléaire doit supporter les frais du nucléaire. Surtout, il faut éviter que la création d’autres lignes budgétaires ne serve, en fait, à permettre à la recherche de continuer à financer la mise au point de nouveaux réacteurs ! La création de nouvelles lignes se justifie compte tenu de l’ampleur des besoins mais uniquement si, corrélativement, l’objet de la recherche change pour s’attaquer aux nombreux problèmes posés par le « poids du passé » - l’héritage du nucléaire.
II. QUELQUES QUESTIONS SPECIFIQUES.
La communication de la Commission soulève des questions spécifiques dont certaines seulement sont relevées ici.
1. Normes de sécurité et transparence. La responsabilité de la gestion des installations nucléaires du CCR incombe à la Commission, donc celle du démantèlement des installations et de la gestion des déchets. Mais les normes, règles et réglementations en matière de sûreté nucléaire qui s’appliqueront à la mise en œuvre des opérations relèveraient de la compétence des Etats membres hôtes des établissements du CCR. Or, ces règles, réglementations et législations sont hétérogènes suivant les pays et parfois même incomplètes. De plus, elles ont beaucoup évolué et vont continuer à évoluer.
La responsabilité de la Commission est d’assurer les normes de sécurité les plus élevées, les dernières établies dans l’Union, lors des opérations placées sous son autorité propre, quel que soit le lieu où se trouvent les établissements. Elle doit évidemment le faire en collaboration avec les autorités nationales compétentes, mais aussi, en assurant une information effective, avec les travailleurs de ces établissements et les populations concernées. La « transparence » et le « dialogue » ne doivent pas seulement concerner les institutions.
2. Caractérisation des déchets. La Commission note que « les déchets produits dans le passé devront être caractérisés, triés, conditionnés, suivant leur classe » (p. 5), ce qui n’est donc pas encore fait au moins au regard des règles en vigueur aujourd’hui. Il s’agit aussi d’identifier « les inventaires associés de radioactivités ». Il doit être clair qu’un tel inventaire concerne à la fois le type de produits (détaillé, support et produits radioactifs), la radioactivité associée et la prévision de l’évolution dans le temps de cette radioactivité.
La caractérisation et l’inventaire des déchets doivent concerner tous les matériaux radioactifs, même faiblement, et ne pas se limiter à la définition juridique que peut prendre le terme « déchet » - une définition juridique par ailleurs changeante.
3. Provisions financières. La Commission évoque à raison la nécessité de constituer des provisions financières pour le démantèlement des installations du CCR encore en activité. Le Parlement européen doit effectivement prendre des initiatives en vue de constituer ces provisions, de même que la recherche doit se concentrer sur la question du démantèlement et des déchets.
4. Indépendance des experts. La Commission note que le CCR, maître d’œuvre, « sera assisté d’experts indépendants en provenance des Etats membres » (p. 7). Mais indépendant de qui ? Indépendant des industries nucléaires et des Etats, ou uniquement indépendant du CCR et dépendants en fait des industries et institutions des lobbies nucléaires ? Il faudrait le préciser, afin de faire appel à des experts effectivement indépendants.
CONCLUSIONS
La commission de l’environnement, de la santé publique et de la politique des consommateurs invite la commission de l’industrie, du commerce extérieur, de la recherche et de l’énergie, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu’elle adoptera les éléments suivants :
1. Soutient dans son principe la décision de la Commission d’aborder de manière globale et approfondie le démantèlement des installations obsolètes et la gestion des déchets générés depuis les années 1960 dans le cadre du CCR.
2. Souligne que ces deux questions - démantèlement et déchets - concernent de façon majeure l’ensemble du secteur nucléaire en Europe, et non seulement le CCR.
3. Note qu’à l’heure où l’Union doit avant tout répondre à l’ampleur des problèmes posés par « poids du passé nucléaire », il est nécessaire de réévaluer le Traité Euratom, les missions de la CEEA et le rôle de ces institutions ; engage la Commission à préparer un rapport à ce sujet.
4. Note que l’expérience en ce domaine (tout particulièrement en ce qui concerne le démantèlement des installations à l’échelle industrielle) reste embryonnaire et qu’aucune solution satisfaisante n’a été encore trouvée en matière de traitement des déchets radioactifs. Demande en conséquence que la recherche soit dorénavant décisivement orientée sur ces terrains afin d’aider l’Union à faire face au « poids du passé nucléaire ».
5. Juge qu’il est nécessaire, pour mener dans la clarté le débat sur la politique énergétique, de réévaluer le coût réel de la production d’électricité d’origine nucléaire en tenant notamment compte du démantèlement, du traitement et de la gestion à très long terme des déchets nucléaires.
6. Demande que dans les opérations menées sous la responsabilité de la Commission, les normes de sécurités les plus élevées et les dernières établies dans l’Union soient respectées et que, outre les autorités nationales compétentes, les travailleurs des établissements et les populations concernées soient pleinement informés et écoutés.
7. Relève que la caractérisation des déchets et que les inventaires associés de radioactivité restent à faire et qu’ils doivent fournir toutes les précisions nécessaires sur les produits, les supports, la prévision dans le temps de l’évolution de cette radioactivité, etc.
8. Souligne à quel point il est urgent de constituer des provisions pour le démantèlement des installations du CCR encore en activités.
9. Demande que les « experts indépendants » associés au CCR dans ce programme le soient effectivement vis-à-vis de l’industrie et des institutions nucléaires, et pas seulement du CCR lui-même.
10. Demande que la Commission présente régulièrement un rapport sur la mise en œuvre de ce programme qui soit discuté par le Parlement dans le cadre d’un trilogue permettant au Parlement européen et au Conseil d’examiner les mesures à prendre.